L’actualité surabondante fournit tous les sujets possibles de commentaires. L’Europe avec les clivages qui devraient s’affirmer à l’occasion de la compétition électorale et déjà la profession de foi du président Macron. Le terrorisme islamiste qui a encore sévi hier et la façon dont il faudrait le juguler. Les grands débats permanents sur les injustices économiques de la planète, la stratégie à inventer pour parer au défi écologique. J’y ajouterais même les derniers scandales ecclésiaux. Pourtant, en ce mercredi des Cendres, le chrétien serait plutôt enclin à entrer dans une sorte de grand silence monastique, non pas pour oublier les soucis et les misères du monde, celles qui le touchent lui-même, son prochain et son lointain, mais pour prendre la mesure de sa propre existence. Si l’on est chrétien, c’est que l’on a reçu la grâce incommensurable de comprendre que cela a du sens de vivre, parce que tout simplement, dès le départ, Dieu est de la partie.
Cela, le plus humble croyant en est persuadé. La plus humble croyante, à l’image de ces babouchkas russes qui continuaient à vénérer secrètement les saintes icônes à l’encontre de l’athéisme officiel, le sait de toute la force de son âme : Il a habité parmi nous, et avec Lui l’histoire humaine s’est trouvée investie d’une présence qui donne sa saveur à notre humanité. J’évoquais brièvement Bernanos hier : il se situait exactement dans cette ligne chrétienne. Ce n’était pas un Père de l’Église ni même un théologien laïc. Mais son catéchisme lui suffisait, avec la pratique des sacrements pour percer l’obscurité et, comme le dit Urs von Balthasar, affronter « la blessure quotidienne que lui infligeait un monde pécheur et aveugle ».
C’est pourquoi, j’aime tant l’humble liturgie du mercredi des Cendres, parce qu’elle nous restitue le pur langage de la foi et nous engage à nous dépouiller de nos prétentions orgueilleuses afin d’approcher, au fur et à mesure, de la grande semaine. Peut-être, avec Bernanos également elle peut être l’occasion de mieux comprendre ce qu’il en est de l’Église comme instrument du Salut, alors qu’elle est dans l’épreuve et même la honte.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 mars 2019.
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