Elle savait à peine écrire, mais selon saint Annibale Maria di Francia (1851-1927) fondateur de Rogationnistes et canonisé en 2004, elle était très intelligente et d’une grande pénétration d’esprit.
Saint Annibale, en effet, a bien connu Mélanie et la considérait aussi comme une grande sainte. Il écrivit une introduction et des notes sur la vie de la Louve, qui voulut quitter la France livrée, selon elle, à la Franc-maçonnerie. Elle se réfugia en Italie à Altamura dans la province de Bari sur l’invitation de l’évêque. L’autobiographie de Mélanie est une prodigieuse suite de fioretti sans équivalent dans l’histoire des saints, elle fut rédigée en 1900 et comporte 33 courts chapitres dont le dernier, intitulé : Histoire de la création, mérite tout spécialement la lecture.
On sait que La Salette fut un sujet de polémique en raison justement de Mélanie, de son secret, de ses déclarations et notamment de son autobiographie. Les Maritain, Léon Bloy, Claudel, Massignon et bien d’autres eurent une vénération pour cette sainte complètement étrangère à tous les types connus de sainteté, pourtant si prodigieusement variés et originaux. Comparée à la sienne, la vie de François d’Assise semble se dérouler assez tranquillement dans un jardin d’Ombrie, tandis que Mélanie, encore enfant, allait jouer dans les forêts profondes d’une haute montagne avec son « petit Frère », Jésus, avec des loups et des renards qui folâtraient gaiement autour d’eux.
Ce n’est pas dans ce cadre sauvage qu’on apprend en général la théologie, mais son « Petit Frère » en savait davantage que tous les théologiens, plutôt réservés par métier sur les révélations privées puisque tout a été dit avec les Ecritures closes avec la mort du dernier apôtre. Voyons pourtant ce que Mélanie raconte dans ce chapitre 33 qui tient sur deux colonnes d’une page A4 : Je compris et je vis dans cette lumière sans fin la création des anges innombrables, leur épreuve, la rébellion d’un grand nombre dans les neufs chœurs, la création d’Adam et d’Eve et leur chute.
Les trois temps du péché de l’Ange sont admirablement précisés :
1) Anges tous remplis de science infuse, aiment Dieu, connaissent le bonheur sans avoir encore contemplé l’essence de Dieu (ce qui les rendrait impeccables).
2) Connaissance claire communiquée aux anges de la future union hypostatique du Verbe de Dieu avec la nature humaine (non déchue)
3) Dieu laisse les anges quelques instants avec leur libre arbitre dans l’obscurité de la foi (foi sur l’union hypostatique) et commandement d’adorer le Verbe sous cette nature humaine.
4) Obéissance des anges fidèles, révolte d’un grand nombre qui suivent Lucifer. Combat des anges, Michel et Lucifer. Condamnation des anges déchus. Les anges fidèles sont confirmés et deviennent impeccables.
5) Création d’Adam avec science infuse, parfait, connaissant Dieu sans avoir encore contemplé son essence. Connaissance de l’Incarnation du Verbe.
Là s’arrête le récit de Mélanie qui indique donc que ce fut l’orgueil provoquant le refus de l’Incarnation qui provoqua le péché de l’ange déchu ; Incarnation prévue avec une nature humaine non déchue (cf Duns Scot). La vue de l’essence de Dieu ne permet plus le péché, mais la Sagesse de Dieu veut une épreuve pour faire participer la créature au bonheur éternel par le bon usage du libre arbitre.
Voici l’enseignement de la Bergère de La Salette, 4 ans avant sa mort (15 dec. 1904). Le péché de l’ange permet de mieux comprendre celui de l’homme, c’est-à-dire le nôtre.
Mélanie a entretenu une importante correspondante (186 lettres pour le seul abbé Combe). Quinze ans plus tard saint Annibale di Francia qui, répétons-le, fut canonisé par Jean Paul II en 2004, prononça un vibrant hommage à Mélanie devant le monument élevé dans l’église d’Altamura sur lequel on peut lire l’inscription suivante :
Ici, dans le saint temple de Dieu, reposent dans la paix les restes de l’humble bergère de La Salette Mélanie Calvat… morte en odeur de sainteté… Sa vie ne fut que travaux et afflictions. Avec toute l’affection de leur cœur, les Filles du Divin Zèle du Cœur de Jésus, auxquelles appartient cette cofondatrice remplie de sagesse, viendront ici l’honorer. O âme élue, tes chères filles et sœurs en Jésus et Marie t’invoqueront et te prieront toujours pour l’éternelle paix.
Le secret et la règle de l’Ordre de la Mère de Dieu transmis par Mélanie ne furent pas reçus dans sa patrie et en 1946 Pie XII faisait prévenir Maritain, alors ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, que l’apparition de 1846 faisait l’objet de polémiques. Nous n’en sommes plus là et Jean Paul aimait citer La Salette parmi les grandes apparitions mariales. Les tragiques scandales révélés dans le monde entier lors de l’année consacrée aux prêtres donnent aux messages de La Salette une singulière actualité et l’hommage mémorable qu’un nouveau saint, Annibale di Francia, rendit à Mélanie prend le caractère d’une réhabilitation.
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