MAU MAU - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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MAU MAU

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Le gouvernement conservateur britannique vient de présenter publiquement ses excuses pour les actes de tortures et les mauvais traitements infligés aux combattants nationalistes au Kenya entre 1952 et 1959. Il a également accepté de verser 19,9 milliards de livres (environ 24 milliards d’euros) à quelques 5400 survivants (soit environ 3000 euros par personne, déduction faite des frais de justice).

Cette décision, annoncée par le secrétaire d’Etat au Foreign Office William Hague le 7 juin 2013 à la Chambre des Communes, fait suite à une décision de la Haute Cour britannique le 21 juillet 2011 d’admettre la plainte formulée par cinq survivants. Le gouvernement a négocié avec l’association des combattants kenyans pour éviter une poursuite de la procédure judiciaire. Londres conteste en effet sa responsabilité, estimant que, aux termes du droit international public, celle-ci a été légalement transférée à l’Etat du Kenya à l’indépendance dont on fête cette année le cinquantenaire (1963, en deux temps, juin pour l’autonomie, décembre pour l’indépendance pleine et entière).

La prise de conscience avait été accélérée par la parution en 2005 de deux ouvrages faisant autorité de la part de chercheurs universitaires (Harvard et Oxford), publiés sous des titres ravageurs : Le goulag britannique au Kenya et Histoires de pendus, puis par la découverte fortuite d’archives coloniales officielles valant preuve formelle.

Le phénomène Mau Mau a eu à l’époque un retentissement sans aucune proportion avec la réalité des faits. Le gouvernement britannique a réagi avec une brutalité extraordinaire à quelques exactions fort limitées. On estime à vingt mille le nombre de militants tués pendant les combats contre 1800 dans les forces gouvernementales et 32 colons. Mais 20 000 Africains étaient encore détenus dans des camps à la fin du conflit. 100 000 environ y étaient passés au long de ces années.

Il faut donc faire la part ici d’un imaginaire réciproque « blanc » et « noir » grâce auquel ce phénomène a pris une telle place dans l’Histoire. Les deux imaginaires se concentraient autour de la reprise d’une vieille coutume Kikuyu, ethnie principale du Kenya, du serment, prononcé sous des formes ouvertement païennes — et pour cette raison condamnées par les élites chrétiennes y compris parmi les Kikuyus. Pour les Blancs, il s’agissait de « magie noire ». Littérature et cinéma ont popularisé à l’envi cet aspect nourrissant les fantasmes les plus fous.

Les Mau Mau se sont ainsi constitués, dès 1943 pense-t-on, sous la forme d’une société secrète qui fut bannie dès 1952 par les autorités coloniales. L’instance judiciaire ne put d’ailleurs être lancée à Londres qu’après une réofficialisation du mouvement qui intervint seulement après l’élection du président Mwai Kibaki en 2002. En effet, les deux premiers présidents du Kenya, Jomo Kenyatta et Daniel Arap Moï, avaient toujours tenu à garder leurs distances avec les chefs Mau Mau. Jomo Kenyatta avait passé toutes ces années en résidence surveillée parce qu’il était soupçonné au départ d’être le véritable chef du mouvement, ce qu’il a toujours nié, tant pendant qu’après. L’érection au centre de Nairobi d’un monument à l’effigie du principal chef Mau Mau, Dedan Kimathi, ne date que de ces dernières années.

La décision du gouvernement britannique est inspirée par le souci affiché de préserver ses bonnes relations avec le Kenya qui vient d’élire le 4 mars dernier le fils de Jomo Kenyatta, Uhuru Kenyatta, à la présidence, en dépit des accusations pesant sur celui-ci devant la Cour Pénale Internationale. Et comme par hasard, celles-ci visent ses liens supposés avec une autre société secrète de militants Kikuyu, Mungiki, sorte d’organisation d’auto-défense cette fois, responsable d’attaques contre d’autres ethnies kenyanes lors des violences post-électorales de janvier/février 2008. L’audience est prévue à La Haye le 9 juillet prochain, qui serait la première dans l’Histoire d’un chef d’Etat en exercice.

La Grande-Bretagne ne pouvait envoyer un message plus opportun à l’adresse des nouveaux dirigeants. Elle rappelle que la lutte pour l’indépendance a finalement été menée par les Kikuyus alors que les forces de répression dites loyalistes recrutaient parmi les autres ethnies du Kenya. Et parmi les Kikuyus, une partie seulement d’entre eux, les Mau Mau, lesquels n’ont ensuite jamais été associés par le clan Kenyatta à l’exercice du pouvoir et à ses bénéfices. Elle devrait aider le pays à faire enfin son travail de mémoire.

La décision britannique ne peut manquer de valoir de précédent, à travers tout l’ex-empire britannique, mais également pour les autres ex-empires coloniaux. Le cas de l’Algérie vient immédiatement à l’esprit.