Maritain et La Salette - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Maritain et La Salette

A propos de la suite donnée dans France Catholique du 18 septembre 2009 à l'article sur Maritain et La Salette.
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1. Dans son droit de réponse au témoignage doccumenté de Don Patrick de Laubier sur Maritain et La Salette, le Père Jean Stern déplore deux lacunes d’une thèse soutenue à l’université dominicaine de Rome. En tant qu’auteur de cette étude intitulée « La Grande Nouvelle des Bergers de La Salette », (1) puis-je m’en expliquer ?

Selon la 4ème remarque du Père, je devais citer le rapport du Bienheureux Cormier préparant un décret du Saint Office de 1915. Rien de postérieur à 1903 ne pouvant être exploité dans ces archives à l’époque de ma soutenance, comment le faire ?

Autre absence jugée moins grave, une réponse de la Secrétairerie d’Etat à Maritain en 1951. Elle m’avait été aussi transmise par René Mougel dix ans avant cette thèse. Mais j’ai eu à exploiter tant de pièces ignorées des chercheurs que j’ai omis ce qui n’apportait pas d’informations notables. Or, sans préciser la demande faite par Maritain, le Saint Office notifie qu’au vu de sa documentation sur la question (qu’il qualifie au passage de complexe) il n’a pas lieu de modifier son attitude. Telle est d’ailleurs sa réponse la plus habituelle. Dans « Carnet de notes », Maritain ne la signale pas. Il clôt sa contribution à La Salette sur l’année 1947 où, ambassadeur au Vatican, il y adresse une note de 8 pages, bientôt suivie de documents que le Saint-Office lui fait demander.

En remerciant le Père Stern d’avoir ouvert ce débat fraternel, revoyons cette providentielle intervention de Maritain. Ce sont alors les lendemains du centenaire de La Salette, célébré sans légat pontifical. Le Pape Pie XII l’a fait avertir que l’apparition est mise en doute. Pour la défendre, l’ambassadeur offre son témoignage éclairé, puisque son grand-père a pris part au débat judiciaire qui a suivi l’apparition, et que lui-même y a consacré une étude monumentale. Après quoi « l’orage » romain passe… Mais par ce rapport de 47, Maritain ose proposer une méthode nouvelle dans ce dossier : étudier attentivement la vie de Mélanie, le témoin principal, (La Salette présente une gradation des témoins selon l’âge, comme Fatima,) afin de clarifier la question de l’apparition et son message.

Fait ou à faire, le réexamen suggéré a sa place dans le discernement des révélations privées, (2) et plus que l’on ne le croit . Karl Rahner après Jean de la Croix nous rappelle que la sainteté, d’un autre ordre que les charismes, est pourtant la condition des plus grandes révélations, selon le principe thomiste par lequel tout est reçu selon la capacité du recevant. Afin que le moi, esprit et sens, ne prenne la place de la révélation divine, par la triple purification des mystiques, l’âme doit grandir en dispositions ou vertus jusqu’à franchir le seuil de la vie unitive avec le Christ. De là les épreuves et la maturation spirituelle ignorée aux yeux du commun, et même précoce (à Fatima, Lourdes, la Rue du Bac, pour ne pas parler de La Salette,) des plus grands voyants de Marie et du Christ. Et ils sont déjà nombreux sur les autels.

Or à La Salette, où Mélanie a justement une vie d’ange (formule de Mgr de Bruillard et autres ecclésiastiques) et où le petit Maximin reste un cœur pur, un nouvel évêque va changer la réputation et le sort des voyants. En quelques mois l’orphelin aventureux, rêveur et espiègle, devient sous sa plume un menteur et un fat. La zélée novice, exposée aux tourments sataniques et intrépide face au monde, devient singulière, désobéissante, inventrice de révélations, folle presque. Pour remédier à cette déviance supposée, malgré la mission réitérée par la Vierge : « mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple, » ce nouvel évêque tranche le fil de leur témoignage : n’est-il pas devenu, par surcroît, politiquement gênant ? Proclamer sa déchéance, c’est donc s’épargner des persécutions policières (telles qu’à Lourdes et Fatima) ; c’est aussi se montrer bon prince avec cette parti du clergé qui persifle l’apparition… Les voyants pouvaient-ils s’être égarés en une seule année d’épiscopat? Oui, dit-on, car leur disgrâce est postérieure à l’apparition et ne la compromet pas. Elle découle de ses inconvénients sur leur vie : de cette popularité inévitable qui tourne la tête, et d’influences nouvelles qui se substituent à la révélation mariale.
Mais alors, en instituant ces innocents comme porte-parole pour « tout son peuple », Marie a donc oublié de les assister? Une apparition divine peut-elle avoir sur ses messagers de si pervers effets?…

Et si la brusque disgrâce des témoins de la compassion céleste était au contraire cette troisième manière évangélique de faire passer le message que Maximin confesse dans son testament : « par parole, par écrits et par souffrance » ? Car aux yeux de Maritain et de combien d’autres, Maximin et Mélanie ne sont pas ce qu’on a décrété tout à coup. Lisons les deux secrets donnés à Pie IX ; regardons la qualité du message et des explications des bergers et la sagesse des écrits spirituels de Mélanie. Découvrons sa figure héroïque et rayonnante grâce au congrès tenu dans la cathédrale d’Altamura (en Italie où elle repose) en 2004, centenaire de sa mort, où intervinrent René Mougel pour le Cercle d’Etude J et R Maritain, René Laurentin, et d’abord l’évêque Mgr Paciello (3). Parcourons les écrits de Saint Annibal-Marie dont on vient de réimprimer des pages… (4) Et l’on sera sûr de qualité la source où les bergers ont bu les premiers avant de nous y mener.

2. Le 5eme point du Père Stern met en cause, sous le nom de « notice », le livre « Découverte du Secret de La Salette » (éditions Fayard) de 290 pages que l’abbé René Laurentin et moi avons rédigé. Il paraît que Maritain n’aurait pas apprécié l’esquisse suivante du message, (en italique, les paroles même de la Vierge,) mis en style direct par le Père Laurentin :
« [La Dame] se lève dans son costume insolite : un crucifix resplendit sur sa poitrine. Puis c’est le message bien connu : Vous, les pay­sans, vous travaillez le dimanche ; vous, les charretiers, vous jurez par le nom de Dieu. Et vous, les autres, durant le carême, vous allez à la boucherie comme des chiens. Votre péché sera la perte de vos récoltes : déjà le blé se gâte, les pommes de terre pourrissent… Je vous préviens comme votre mère : Ne semez pas votre blé cette année, il se perdrait et vous n’auriez plus rien. La famine s’en vient, avec la maladie : elle fera des morts parmi vos enfants. D’où mes larmes : ‑ Depuis le temps que je souffre par vous autres […] et vous n’en faites pas cas […] C’est ce qui appesantit le bras de mon Fils. La suite est dans les mains des hommes. La Dame le dit dans un langage imagé : ‑ S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se changeront en blé et les pommes de terre se trouveront ensemen­cées. Puis, elle confie aux enfants le Secret qui change­ra la perspective du monde et de l’avenir -proche, lointain, eschatologique-, mais qu’ils doivent garder pour eux, au moins jusqu’à nouvel ordre. Elle conclut : ‑ Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à mon peuple.

Le Père Stern coupe avant l’expression forte « comme des chiens » qui est de Marie, pour conclure : « Le message de La Salette ainsi aplati n’est plus qu’un épouvantail : utile pour susciter par contraste de l’intérêt pour le trop fameux secret. C’est la dynamique qui joue dans les religions à mystère ou le gnosticisme, avec marginalisation du Christ ». Je laisse les lecteurs relire le message de Marie et la « notice » incriminée avant de mettre le Père René Laurentin au rang des gnostiques, agents de la marginalisation du Christ et manipulateurs des paroles de la Très Sainte Vierge.

Pouvons-nous regarder maintenant les autres points d’histoire abordés dans votre revue?

1. D’abord l’accueil des secrets par Pie IX. D’après le Père Stern, « son jugement fut négatif. La documentation conservée est très nette sur ce point ». Et de nous découvrir, premier des historiens salettins à ma connaissance, que le vicaire général Rousselot et le curé de la cathédrale (rien que cela!) se sont fourvoyés dans leurs déclarations séparées où ils rapportent les paroles de Pie IX (5). Mais le cardinal Préfet des Rites confirme leur témoignage, ainsi que l’explique le chanoine Rousselot: « Il m’a ajouté, et il l’avait déjà dit aux Dames du Sacré Cœur, que le Pape lui avait communiqué le secret des deux enfants, et il m’a laissé entrevoir que ce secret était sérieux et annonçait des malheurs. »

Autre test de ce sérieux, diocésain cette fois : avant de faire porter les secrets au Pape, Mgr de Bruillard les a lus avec le consentement des voyants. Le témoin qui contresigne l’envoi après avoir insisté pour que l’évêque les lise a décrit son émotion, ses larmes après la lecture du texte de Mélanie, et s’est assuré auprès de lui du bien fondé de leur communication au Saint-Siège. De fait, s’ils y avaient fait mauvaise impression, la reconnaissance de l’apparition discutée n’aurait pas été permise. N’était-ce pas un opposant, le cardinal de Lyon, qui avait suggéré cette démarche pour la confirmer ou la confondre ? D’où cette affirmation du mandement de reconnaissance quatre mois après le voyage de Rome : « Ainsi est tombée la dernière objection que l’on faisait contre l’apparition, savoir qu’il n’y avait point de secret, ou que ce secret était sans importance, puéril même, et que les enfants ne voudraient pas le faire connaître à l’Église. » Plus tard cependant, souvent devant des sceptiques, Pie IX se démarquera parfois des secrets et même de l’apparition, qui n’est pas de foi, et que l’on continuait à mettre en doute. J’ai publié la plus part de ces réponses.

-Dans son 3eme alinéa, le Père Stern fait l’éloge de Mgr Ginoulhiac qui se gaussait de la voie mystique de Mélanie. Mais il n’évoque pas les limites et le partage des genres de cet abbé gallican. Or il est imposé au siège de Grenoble, contre la répugnance de Rome, par un pouvoir qu’il flatte, d’où sa profession d’être « responsable devant le Gouvernement et devant l’Eglise » (sic). Le gallicanisme faisant ressembler l’évêque au pape, il contraint les voyants à lui révéler leur secret. Mais c’est afin de rassurer son ami ministre, en raillant le médiocre résultat de ses pressions. Il chassera Maximin du petit séminaire pour une espièglerie, empêchera les vœux de Mélanie, violera plusieurs fois sa correspondance (menaçant même un prêtre d’interdit pour s’en faire remettre les lettres), et la maintiendra loin du diocèse. Il repousse enfin les appels à l’aide de Maximin dans la misère, et pour sa part scandalise son prochain par le luxe de sa bonne chère ! Comment s’étonner que de tels « pasteurs » à la mode Second Empire aient fait fuir de l’Eglise les masses ouvrières ? Pourtant cela ne prouve pas sa mauvaise volonté, c’était plutôt la manière de son école. Obéissant à une consigne pontificale, il s’appliquera selon ses lumières à maintenir la dévotion de La Salette. Préférerons-nous son critère d’homme partagé à celui, combien limpide, de Jacques et Raïssa Maritain ?

2. Et les secrets ? Ont-ils à voir avec l’ésotérisme? Ce qu’on leur reproche souvent n’est pas de prophétiser sur l’avenir, ce que la Bible, le Christ et ses saints font (pour ne pas citer Marie à la Rue du Bac ou Fatima), mais que l’on y « parle mal » des prêtres, et que Dieu « s’occupe de politique ».
L’histoire et la théologie expliquent cet élargissement du message. Si c’est une dénonciation équitable du péché, elle ne se bornera aux grossières fautes du commun des mortels. Les pasteurs du troupeau, grands de ce monde et autres élégances, s’épargneront-ils les divins reproches? Tel n’est pas le cas dans l’Evangile où les pseudo justes sont honnis et les prostituées rachetées. En prophète du Christ, si Marie a flétri le péché des chrétiens moyens ; elle n’aura crainte de démasque l’hypocrisie des princes de l’Eglise et du monde. Jésus avait blâmé Jérusalem après Capharnaüm : devant celle qui voit pourrir le blé des environs de Corps, Paris et Rome partagent le sort que Don Bosco leur prophétise. Dans son regard sans voile, le faux dévot qui se couronne empereur n’échappe pas, au terme de son envol, au joug de l’épée prussienne. Et Mélanie de manifester aussitôt son mépris pour le nouveau prince, avant de graver sur le bois, à Corps vers 1850 puis à Correnc vers 1852, ce que son secret lui montre et que l’on comprendra à son heure : « Prussiens 1870 ».

En 1854, on a fait prendre à Mélanie le chemin d’un cloître anglais ; elle en sort en 1860. Autour d’elle le haut clergé, qui apprend peu à peu que le message l’interpelle, va-t-il emboîter le pas du repentir populaire ? Laissera-t-il le Curé d’Ars pleurer seul « sa vie de péché »? Lui faudra-t-il attendre jusqu’à Pie X, et la sentence recueillie par l’abbé Tellier de Poncheville : « Tout le mal vient de nous, prêtres ! » (pour ne pas aller jusqu’à Fatima, décembre 1940, où Lucie recevra à son tour et pour son pays les plaintes de Jésus et Marie sur « la vie tiède, indifférente et égoïste de la majorité du clergé, des religieux et religieuses »; avant d’implorer en mai 1943 la réforme des consacrés d’Espagne.)

Malgré ses mots encore plus sévères le secret de Mélanie, partiellement publié après 1870 par des auteurs bien introduits, n’avait guère suscité de polémique en France ; il avait même été bien accueilli en Italie. Mais dix ans plus tard, lorsque son récit complet de l’apparition parvient en France, une agissante minorité épiscopale s’insurge., Il ne sera jamais condamné par Rome prise à témoin, même en 1915 où l’on continue de séparer avec Benoît XV la substance recevable et les emphases du style prophétique.
Que Marie, Mère et Reine, s’intéresse au sort religieux et civil de la France, de l’Europe, du monde, comme elle se souciera à Fatima du Portugal et de la Russie, c’est le contraire qui étonnerait, sauf à ne tolérer qu’un salut individuel et désincarné. Dans son mandement de 1852 aussi bien que dans sa correspondance, Mgr de Bruillard lie à l’apparition « signe de ralliement et de salut » le sort politique de « l’Europe bouleversée ». Il discerne dans la révolution de 1848 le commencement de la réalisation des secrets. A La Rue du Bac, 15 ans plus tôt, Marie n’avait-elle pas averti Catherine Labouré des évènements politiques de 1848 et de 1871?
Le secret de Mélanie est aussi pour la gouverne du chef de l’Eglise, prévenu sur les vraies intentions de Napoléon comme Israël l’était de la vanité de ses alliances. Au milieu de l’envahissement de ses Etats, le pape ne doit plus déserter Rome mais lutter, n’en déplaise à ses généraux, « avec les armes de la foi et de l’amour ». (Sans jeter la pierre à ceux qui se font tuer pour le pape, notons que la Dame de Mélanie sépare plus nettement qu’on le faisait alors le sabre du goupillon.) En revanche, il est promis au pape et à ses successeurs, après l’apostasie, les révolutions et la guerre même générale, la conversion de l’Angleterre d’abord, annoncée à la même époque par Dominique Savio, que la crise anglicane actuelle laisse présager. Cette conversion est suivie par celle des autres nations, et par une paix. Enfin, le secret annonce les épreuves antéchristiques et la victoire du Seigneur que l’Ecriture nous fait ardemment désirer. Est-ce là une marginalisation du Christ, ou la récapitulation universelle en lui (cf. Ep 1, 10)?

Le message intégral de La Salette n’est pas davantage pessimiste pour les consacrés que pour la terre. Comme à la Rue du Bac où, à l’échelle des communautés vincenciennes, (Marie s’y est assise sur le fauteuil de leur supérieur : à La Salette, elle s’assied sur la montagne) après avoir dénoncé la crise de la vie religieuse, Marie en organise la réforme. Le message confié à Mélanie comporte un volet positif : un grand ordre missionnaire. « Les paroles contenues dans le secret de Mélanie et par lesquelles la Très Sainte Vierge annonce la formation de ce grand ordre religieux n’ont, en vérité, rien de notre humanité ; elles respirent un souffle divin, elles sont la simplicité mise en harmonie avec le sublime ! » prêche Saint Annibal-Marie de France dans l’éloge de Mélanie. Mais lorsque que la voyante voudra transmettre la Règle de cette communauté nouvelle d’ « apôtres des derniers temps » selon le vœu de Saint Grignion de Montfort, elle sera d’abord empêchée par Mgr Ginoulhiac et, 30 ans après, par un successeur du même style. En avril 1949, livrant à Mgr Montini son appréciation des moyens de salut à la portée de l’Eglise « pour renouveler et sauver notre monde en perdition », après les reformes sociales à encourager et la purification de la vie chrétienne, Maritain rappellera la consécration de la Russie demandée à Fatima puis la fondation prédite à La Salette, en plaidant l’urgence d’une telle relance apostolique…

Maximin annonçait la venue d’un « pape que personne n’attend », et Mélanie : « On tirera dessus, on voudra le mettre à mort, mais on ne lui pourra rien. Le vicaire de mon fils triomphera… » Or c’est Jean Paul II prédit par les secrets, le grand apôtre de Marie sur les pas de Grignion de Montfort, qui lancera à l’Eglise entière l’appel de la nouvelle évangélisation. « Je la prie tous les jours », déclarait-il aux pèlerins dont j’étais en bénissant un tableau de la Vierge de La Salette.

Concluons en écoutant quelques paroles simples, celles que nous livre le cœur des petits bergers. L’Amour est une question de cœur. Ces humbles qui ont sondé, à la différence des savants, les merveilles du Père, nous dévoilent une Mère à notre image de fils : elle est dans notre quête, notre esprit transcendant, notre être humain pour pauvre qu’il paraisse, hier comme dans nos « actualités ». Comme ces montagnes, elle est l’amour qui nous entoure et nous porte. Ou plutôt, celles-ci sont comme le Fils qu’elle nous présente, sous le Ciel du Père, dans le vent de l’Esprit, et elle est la source d’eau vive.

Cette leçon d’accueil de soi et de son propre monde, si prosaïque soit-il, en Dieu –à Beauraing, elle apparaît entre la route et le chemin de fer- que Marie enseigne aux bergers, ils nous la donnent dans leur grand récit de cette grâce incomparablement dense. Elle s’est explicitée en eux avec le développement de leur personne, et c’est théologique. Maximin adulte a pris la peine de nous redire son expérience dans sa « profession de foi sur Notre Dame de La Salette ». Il nous dit comment la voix de la belle Dame « allait directement à mon cœur sans passer par mes organes et cependant avec une harmonie que les plus beaux concerts ne sauraient reproduire »… Douze ans plus tard le récit de Mélanie, enfin à même de s’exprimer complètement, nous a légué le vivant portrait de Marie qu’un théologien dominicain a repris dans ses « plus beaux textes sur la Vierge Marie ». Dont cette remarque : « Quand mes yeux se rencontraient avec ceux de la Mère de Dieu et la mienne, j’éprouvais au dedans de moi-même une heureuse révolution d’amour et une protestation de l’aimer et de me fondre d’amour. En nous regardant, nos yeux se parlaient à leur mode, et je l’aimais tant que j’aurais voulu l’embrasser dans le milieu de ses yeux qui attendrissaient mon âme et semblait l’attirer et la faire fondre avec la mienne ».

Puisse le chant à l’amour de Maximin, l’apôtre laïc calomnié, et de Mélanie, la stigmatisée de corps et d’âme, communiquer à tous la dévotion à une Mère qui nous aime. Elle pleure d’abord nos propres peines avant de nous faire réagir, et de nous annoncer (comme à Fatima) que si nous luttons à ses côtés avec ses « armes », l’Amour vaincra pour le bonheur de tous. Puissent les pèlerins de La Salette commencer désormais l’ascension de la Montagne mariale en mettant leurs pas dans ceux de Mélanie, c’est à dire, en partant de sa maison natale toujours ouverte à Corps, inaugurée ce 15 août par de nombreux fidèles et corpatus (habitants de Corps) entourant l’archevêque émérite de Bangui et les autorités locales.

Abbé Michel Corteville

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Notes

(1) Editée par Téqui en 2 tomes. (le 2eme mis à jour en 2008)

(2) Un texte de Benoît XIV recommande un examen portant sur la personne du témoin, la nature de l’apparition et les effets qu’elle a produits. Du côté du voyant, l’humilité est le test pratique (cf. Jn 7, 18). Un document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de 1978 sur les apparitions met en deuxième critère « les qualités personnelles du ou des sujets, notamment l’équilibre psychique, l’honnêteté et la rectitude de la vie morale » etc.

(3) La brochure contenant les actes du congrès intitulée : « Messe solennelle et journée d’Etude pour le centenaire de la mort de Mélanie bergère de La Salette »» est diffusée par l’Association Maison de Mélanie, La Mine, 03170 Bézenet, tel. 0470077272.

(4) Saint Annibal-Marie di Francia, courte biographie et son Eloge funèbre de Mélanie Calvat voyante de La Salette par Joseph Blouin ; Editions Téqui 2009.

(5) « Ce sont des fléaux qui menacent la France. Elle n’est pas seule coupable : l’Italie l’est bien aussi ; l’Allemagne, la Suisse, l’Europe! Ce n’est pas sans raison que l’Eglise est appelée militante. Vous en voyez ici le capitaine! J’ai moins à craindre de l’impiété déclarée que de l’indifférence religieuse et du respect humain. »