Marie-Antoinette : « Une femme d'un grand sang-froid » - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Marie-Antoinette : « Une femme d’un grand sang-froid »

De la légende noire à la réhabilitation médiatique de ces dernières années, Marie-Antoinette a vu son image changer du tout au tout. L'occasion de découvrir, derrière les clichés, une femme que l'histoire tragique a conduit au dépassement de soi. Entretien avec Emmanuel de Waresquiel, historien.
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Marie-Antoinette sortant de la Conciergerie, le 16 octobre 1793 par Georges Cain.

Marie-Antoinette sortant de la Conciergerie, le 16 octobre 1793 par Georges Cain.

Musée Carnavalet

Que disent les archives que vous avez exploitées sur le caractère de Marie-Antoinette ?

Emmanuel de Waresquiel : Les procès-verbaux de son procès et les réponses qu’elle donne aux questions du président du tribunal révolutionnaire Herman, comme à celles des membres de son jury, tranchent évidemment avec la vision qu’avaient les révolutionnaires d’une femme dangereuse, dépensière et dépravée. De ce point de vue d’ailleurs, la Révolution associe les débordements sexuels qu’elle prête à la reine à ses débordements politiques et à son prétendu pouvoir sur le roi. Ce dernier est la conséquence naturelle, pensent-ils, des premiers. Ses réponses tranchent aussi avec la réputation de femme légère et frivole qu’on lui prêtera plus tard, largement relayée par certains films comme celui de Sofia Coppola. à lire le ou plutôt les procès-verbaux, car il en existe plusieurs versions, on découvre une femme d’un grand sang-froid et d’une certaine habileté politique. Elle se sort de presque tous les pièges qu’on lui tend. Par exemple lorsque Herman lui reproche d’avoir organisé ce qu’on appellera par la suite la « fuite à Varennes », à seule fin de se ressaisir du pouvoir, elle répond : « Mais le roi ne voulait pas remonter sur le trône puisqu’il y était. »

Au fond, elle défend peut-être mieux que son mari lors de son procès, les droits imprescriptibles, héréditaires et historiques de sa famille à la couronne, et elle le fait au nom de son fils, qui comme vous le savez est toujours vivant à la tour du Temple dans les mains du couple Simon. Elle s’inquiétera à un certain moment auprès de son avocat d’avoir été trop « fière » et c’est le reproche principal qu’on lui fera. On lui en voudra aussi d’avoir su émouvoir l’auditoire en se révoltant contre l’accusation d’inceste que lui avait portée Hébert, le rédacteur du très sans-culotte Père Duchesne, en disant ces mots très célèbres : « J’en appelle à toutes les mères », etc.

Avec l’iniquité et la violence du procès, est-ce le paroxysme de la Terreur ?

Le procès de Marie-Antoinette doit plutôt être vu comme l’une des ouvertures de la Terreur. Il y en aura d’autres. L’ex-reine n’est pas la première condamnée du tribunal révolutionnaire qui siège depuis le mois d’avril 1793 – son procès a lieu en octobre. Charlotte Corday par exemple a été condamnée par le même tribunal peu avant elle. Mais il est exemplaire, parce qu’il prend la forme d’un huis clos tragique où s’affrontent de façon incroyablement tranchée deux mondes que tout oppose. Et qui jouent leur survie de l’élimination de l’autre, celui de l’ancienne monarchie et celui de la Révolution. Il s’inscrit aussi dans un contexte très particulier de guerre civile – le soulèvement de la Vendée – et de guerre extérieure. La République est en danger et en partie envahie à ses frontières, au Nord et au Midi. Marie-Antoinette est en ce sens-là victime expiatoire de la vengeance révolutionnaire. Les crimes de trahison et de complot qu’on lui prête servent de justification aux revers et aux difficultés que connaissait alors la République, qui se relégitimise d’autant en envoyant l’ancienne reine à la guillotine. Lorsque Robespierre tombe presque un an plus tard, en juillet 1794, le contexte est très différent. La Vendée est défaite et les armées de la République sont victorieuses.

Que peut-on dire du couple qu’elle formait avec Louis XVI ?

On sait à quel point le couple formé par la jeune archiduchesse d’Autriche et le dauphin de France, en 1770, était disparate. Ces deux-là ne pouvaient être plus mal assortis. L’un, peu bavard, introverti, timide, adonné à la chasse et à ses travaux de serrurerie, l’autre toute en délicatesse, en sentiment et en féminité. Il faudra attendre huit ans pour que naisse une première fille, et je n’épiloguerai pas sur les insuffisances sexuelles qu’on a prêtées au roi. Mais ils ont appris à se connaître et sans doute à s’estimer dans les épreuves, après la mort de leur fils aîné, en juin 1789, et surtout face à la Révolution. La reine, qui se savait le ventre et la caution de la nouvelle politique française d’alliance avec l’Autriche, s’est montrée pendant longtemps très prudente. Elle s’est abstenue de suivre les conseils politiques que lui donnait sa mère Marie-Thérèse, puis son frère Joseph II, au nom des intérêts de son pays de naissance. Elle n’aimait pas la politique, mais elle s’y est forcée par devoir et parce que son mari, resté longtemps jaloux de son pouvoir, le lui demandait. Une phrase ne trompe pas. Avant la Révolution elle parlait du roi « qui est au-dessus de moi », après 1789 elle parle de celui qui est « à côté de moi ». Ce n’est qu’en 1788 qu’elle entre pour la première fois dans les conseils du roi. On sait aussi qu’elle aurait préféré une politique plus tranchée vis-à-vis de la Révolution, et que son mari ne l’a pas suivie sur ce point.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.

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Emmanel de Waresquiel, Juger la reine. 14-15-16 octobre 1793, Tallandier, 2016, 368 p., 22,5 €.