D’abord annoncée comme interdite encore ce matin, la manifestation des syndicats radicaux CGT, FO et « Solidaires » est finalement autorisée cet après-midi par le gouvernement. En outre, de « statique » qu’elle devait être pour des raisons de sécurité, eu égard aux violences de la précédente « manif » et à la lassitude de la police soumise à une véritable guerre d’usure, la manifestation politisée de demain sera mobile. A condition d’emprunter un itinéraire la conduisant à tourner en rond, symbole peut-être ironique, ceci autour d’un quadrilatère partant de la place de la Bastille pour revenir à cette même place où se trouve l’Opéra des grands travaux du socialisme mitterrandien.
Tourner en rond, au bout de longs mois de dialogue de sourds. Tout cela, pour discuter du bien-fondé ou non d’une loi presque totalement vidée de son contenu sur le travail, le travail, ce privilège dont beaucoup de Français, chômeurs trop souvent chroniques, sont privés. Une loi contestée par des syndicats qui ne représentent presque personne parmi ceux qui sont concernés par elle, les employés du secteur privé… Des syndicats qui représentent surtout des fonctionnaires privilégiés à ce titre, en ce sens qu’ils bénéficient de la garantie de l’emploi à vie…
Des syndicats peu représentatifs eux-mêmes subventionnés par un Etat financé par une fiscalité devenue exorbitante. Tout cela sous les yeux d’une population envahie par une immense lassitude et par un vague dégoût, devant ce spectacle, le spectacle de la violence cynique des uns et de l’indécision tâtonnante ou myope des autres.
Au-dessus des têtes et des échines courbées, en ce début d’été, le ciel est encore gris et pluvieux : la France paraît enfermée dans un discours socialiste creux du XIXème siècle ou dans le coffre-fort d’une Bourse capitaliste sans âge, sans patrie et sans âme… Si c’est tout ce qu’elle a à offrir à sa jeunesse comme perspective, on peut comprendre que celle-ci est tentée, quand elle ne reste pas passive, soit par l’exil, soit par la révolte…