Dans un monde de « bruit » médiatique incessant, la discrétion et le silence sont d’or… Mais d’ordinaire, ils ne sont pas reconnus comme tels. Sauf à de rares exceptions, comme vient de le mettre en lumière le décès de la reine Elizabeth II. Femme de pouvoir, elle avait adopté la retenue propre à sa fonction – être un symbole d’unité –, et gardait ses états d’âme pour elle, à rebours de l’exigence de transparence qui a envahi la sphère privée…
Tout au plus, parmi ses prises de parole publiques au compte-goutte, a-t-elle pu laisser transparaître ce qui l’animait, lors de ses fameux discours de Noël, où l’affirmation de la foi au Christ était claire, nette, sans faux-fuyants. C’est bien le moins, pourrait-on dire, de la part d’une souveraine adoubée par une onction religieuse, mais c’est suffisamment rare de la part d’un chef d’État pour être relevé. Charles III fera-t-il de même… ?
Un silence éloquent
Quoi qu’il en soit, ce contraste entre son image éminemment publique et son humilité, explique sans doute l’émotion mondiale. Notons que le concert de louange s’adressait non seulement à la personne, mais aussi à la permanence de l’institution monarchique. Y compris de la part de ceux qui d’habitude n’ont que les « valeurs de la République » à la bouche… Le silence de la reine, finalement, aura répondu à celui de cette majorité, des deux côtés de la Manche, qui regarde les gouvernements passer et aspire à une autre politique que les coteries et les jeux de partis.
À l’inverse, se pose la question de la réelle capacité du souverain anglais à influer sur le cours des évolutions sociétales, liées à la déchristianisation dans son pays, comme en Occident de manière générale : divorce, avortement, mariage homosexuel, etc.
Comme l’a souligné justement un commentateur, Elizabeth II « a personnifié la nation », et incarné la communion nationale « qui fait défaut à nos États désincarnés ». Certes, cela est loin d’être négligeable pour la stabilité et la conduite d’un pays, mais est-ce suffisant ? La communion nationale suppose aussi un peuple et une civilisation commune, des valeurs, et non une collection d’individus ou de minorités, aux désirs et aux revendications de plus en plus anarchiques. Là encore, une majorité silencieuse attend, même inconsciemment, que soient exprimées ces vérités anthropologiques. Ici, une parole aura manqué, car c’est aussi la vocation d’un chef d’État que d’assurer l’ordre et la justice, au plan naturel.
Peut-être eût-il fallu, dans le cas de la Grande-Bretagne, une Église moins liée au pouvoir politique que ne l’est l’anglicanisme, et donc plus libre de sa parole, pour affirmer à temps et à contretemps face au politique des vérités intangibles et essentielles qui n’ont presque plus droit de cité dans notre espace médiatique.
C’est la force de l’Église catholique et romaine, en France et ailleurs : sa liberté de parole. Bien précieux, quand de grands débats sur la fin de vie et l’indifférenciation sexuelle vont marquer l’actualité. Mais cette liberté, comme tant d’autres, ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.