Mai 68 contre Mai 68 - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Mai 68 contre Mai 68

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J’avoue n’avoir aucun goût pour le traitement de certains sujets qui remplissent les pages de nos journaux et les débats des médias en général. Ainsi la nouvelle affaire Polanski – le cinéaste étant accusé de viol par une actrice dans des termes qui font frémir – devrait être pour moi hors-champ, hors de ma compétence, voire hors de mon éventuel talent de justicier. Si je l’aborde ce matin, ce n’est pas en raison des faits eux-mêmes, mais de leur situation dans le climat actuel et la culture actuelle. Philippe Muray, qu’il m’arrive de citer à cause de sa très salubre lucidité sur notre époque, aurait parlé sans doute de Mai 68 s’insurgeant contre Mai 68. En effet, la révolte féministe qui est née de la révélation des forfaits d’une figure d’Hollywood et a abouti à la campagne « Balance ton porc » est caractéristique d’un étonnant retour d’opinion. Alors que la période qui a suivi Mai 68 se définissait comme révolution sexuelle, émancipation totale des mœurs, y compris dans le domaine de la pédophilie, ce qui ressort aujourd’hui ce sont les aspects les plus sordides de cette prétendue émancipation.

Est-ce la conscience morale qui se venge ? Ou bien les victimes qui osent enfin crier leur souffrance. Ce qui est sûr, c’est qu’on s’aperçoit douloureusement qu’on ne sort pas indemne de certaines épreuves qui concernent les atteintes sexuelles. On s’est cru tout permis, et on s’aperçoit que le corps n’est pas un objet neutre, susceptible de toutes les manipulations. Pour reprendre une expression de Jean-Claude Guillebaud, il est une tyrannie du plaisir qui s’avère terriblement coûteuse, voire mortifère. Je reprendrais une autre expression, celle de Bernanos, pour désigner l’étiologie de ce qui se révèle si tragique : « La luxure est une blessure au flanc de notre espèce. »

On met l’accent sur le non consentement dans les affaires de viol, à juste raison. Ce non consentement est au cœur même de l’acte criminel dans ce qu’il a de plus odieux. Mais il arrive aussi que la blessure provienne d’un acte consenti qui affecte notre intégrité morale et celle du prochain. Nos corps sont bien autre chose que des machines désirantes.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 novembre 2019.