« La République n’a aucune raison d’être en difficulté avec l’islam. La laïcité commande qu’elle n’a pas à en connaître. » Parmi les chapitres ouverts hier par le président de la République à Versailles, celui sur le sujet religieux ne saurait être sous-estimé, d’autant qu’ont été annoncées pour l’automne des décisions importantes : « Nous donnerons à l’islam un cadre conforme à l’esprit de la République. Nous le ferons avec les Français dont c’est la confession et avec leurs représentants. » Emmanuel Macron n’est pas le premier à s’attaquer à ce dossier particulièrement épineux. Parviendra-t-il à marquer des progrès décisifs sur ce terrain ? On le verra. Il a pris, toutefois, la précaution de mettre en garde contre une lecture radicale de l’islam qui pourrait s’opposer à la définition de ce cadre nouveau.
Ce faisant, Emmanuel Macron retrouvait le fil d’une réflexion sur les relations de l’État avec les religions, qu’il a développée à plusieurs reprises, avec une volonté d’ouverture. Pourtant on le voit mal s’aventurant avec les musulmans, sur un style d’intervention analogue à celui développé avec les protestants et les catholiques. « Nulle mise en cause des principes républicains, a-t-il asséné, ne peut être acceptée au nom d’un dogme religieux. » Oui, mais en l’espèce le dogme religieux en cause se rapporte à une problématique propre à l’islam, celle qui concerne les relations du religieux et du politique. Pour une tradition qui ne connaît pas la séparation du spirituel et du temporel, la notion française de laïcité, même épurée de tout soupçon de rationalisme, demeure difficilement assimilable.
Il y aurait lieu aussi de retenir du discours de Versailles cette déclaration à propos de la culture : « Il est temps pour la République de se ressaisir de la question culturelle pour faire émerger une culture non officielle, mais partagée. » On peut percevoir l’intention, mais les termes employés indiquent combien elle demeure problématique. Emmanuel Macron retrouverait-il la nécessité d’une culture française, même plurielle, pour recréer un esprit commun à l’encontre des risques du multiculturalisme ? C’est bien possible, mais on sent que sa réflexion est inaboutie. Permettra-t-il l’ouverture d’un nouveau débat ? On peut, et on doit même sans doute le souhaiter.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 10 juillet 2018.
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