« MA PATRIE, PUISSE-T-ELLE TOUJOURS ETRE JUSTE » - France Catholique
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Le trésor des psaumes
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« MA PATRIE, PUISSE-T-ELLE TOUJOURS ETRE JUSTE »

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Réflexion pour l’après Quatre Juillet : « Ma Patrie». En 1820 le toast d’après dîner de Stephen Decatur est resté célèbre: « Notre Patrie ! Dans ses relations avec les nations étrangères, puisse-t-elle toujours être juste, mais qu’elle soit juste ou injuste, c’est notre patrie ! »

Auquel fait écho un autre toast en 1872 au Sénat par Carl Schurz : « Ma patrie, juste ou injuste, si elle est juste, qu’elle le reste, si elle est injuste, qu’elle soit corrigée. »

Nous sommes plus à l’aise avec la seconde formulation, celle de Schurz. Mais nous supposons que Decatur ne cherchait pas à promouvoir de mauvaises décisions en politique étrangère, dont le caractère juste ou injuste n’est pas immédiatement apparent. Avec de bonnes institutions, un gouvernement qui a agi de manière irréfléchie ou imprudente sera à même de se corriger.

La formule littérale, « ma patrie, juste ou injuste», est en soi troublante, quelle que soit la noblesse de son intention. La loyauté envers une nation ou toute autre organisation, y compris des ordres religieux ou des universités, ne dispense pas de se demander si ce à quoi nous sommes loyaux mérite notre loyauté. Derrière cette considération nous retrouvons le principe d’Aristote : « si l’homme est l’être le plus important, la politique est la science la plus importante.» Comme l’homme n’est pas l’être le plus important, c’est aussi un principe de fondation que la politique n’a pas le dernier mot lorsqu’elle dépasse ses limites propres.

Cette limitation est également attestée par le principe socratique selon lequel « il n’est jamais juste de commettre une injustice.» Le système politique américain a été créé implicitement pour que ces deux principes soient respectés à la fois par les citoyens et les hommes politiques.
Ce pays est censé reposer sur une constitution écrite qui lie et limite les gouvernements par des principes clairement établis et fondés en raison. Ces principes ont besoin d’être réaffirmés explicitement ou tacitement par les générations nées après leur établissement. Dans la mesure où les gouvernements successifs adhèrent à ces principes, les citoyens, s’ils sont vertueux, peuvent eux-mêmes y adhérer en toute bonne conscience, de même qu’à l’ordre transcendant qu’ils présupposent.

La Constitution établit une distinction fondamentale entre le juste et l’injuste. L’arbitraire ne signifie pas simplement agir selon la libre volonté des gouvernants ou des citoyens, mais agir sans égard pour des normes qui fondent le juste et l’injuste. Le concept de « Constitution vivante » qui remplacé la constitution écrite est plus proche du second cas que du premier.
On pouvait s’attendre à de larges divergences de vues entre politiques économiques ou sociales destinées à procurer un bien limité à chaque citoyen. La « politique » a pour objet ces différentes formes de prudence. L’homme était en tout cas toujours considéré comme l’être vivant décrit dans les documents religieux ou philosophiques.

La politique n’avait pas pour objet de changer l’homme en quelque chose d’autre, mais de le mettre en mesure de se développer et de prospérer en tant qu’être humain. « L’homme ne s‘est pas fait homme tout seul » (Aristote). Il y avait des choses plus importantes que la politique, et dont la connaissance dispensait le politique de se prendre pour Dieu avec tout pouvoir de décider ce qui est humain et ce qui ne l’est pas, ce qui est juste et ce qui est injuste.

En 2011, il n’est plus possible d’affirmer que « mon pays » ne fera pas des lois et ne suivra pas des politiques qui changent l’homme en une autre espèce que celle dans laquelle il a été créé et à laquelle il a vocation d’appartenir. Il n’est pas exagéré de penser qu’un jour prochain des Chrétiens – ceux d’entre eux qui ne se seront pas soumis au relativisme ambiant – soient condamnés par des magistrats et des hommes politiques pour affirmer ce que la Raison et la Révélation enseignent sur l’homme. La rapidité avec laquelle les normes de base de la Civilisation sont remises en cause dans ce pays est manifeste pour quiconque n’est pas aveugle. Cette hâte est révélatrice de quelque chose de trompeur sinon de diabolique. Cela passe pour une politique ordinaire, mais il est clair qu’il en va de bien plus.

Le « sécularisme » du système américain, dont Benoît XVI parle souvent, était fondé sur l’idée que ce qui ne revient pas à César était garanti et respecté par le système qui connaissait ses propres limites. Un système qui se limitait au bien temporel était aussi celui qui savait ce qu’étaient la nature de l’homme, de la femme, et de la famille.

Benoît XVI lui-même, dans « Spe Salvi », a bien montré qu’il était très conscient de la nature des systèmes politiques contemporains. Le système américain, au cours de son histoire, et largement en raison des limites posées par la constitution et du sens commun religieux et philosophique, s’est gardé de faire de la politique l’élément déterminant de toute réalité. Cette restriction n’existe plus. « Mon pays » est aujourd’hui pleinement occupé à définir le juste et l’injuste en totale contradiction avec la vision transcendante de l’homme.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/my-country-may-she-always-be-right.html