Les lecteurs de France Catholique savent que Schall a pris sa retraite après le semestre d’automne à Georgetown. En mars, il s’est installé au Centre des Jésuites de Los Gatos [Les Chats], Californie. Avant son départ et ses adieux à ses amis, une lettre du directeur de l’université lui a fait savoir qu’il était maintenant « Professeur émérite ». C’est un rite de passage. Votre position officielle est « vieillesse ». Cicéron, dans son essai Sur la vieillesse a traité des « activités » de la vieillesse. Les personnes âgées elles-mêmes y comptent aussi généralement tous leurs petits maux. La plupart des cultures associent la vieillesse avec la sagesse, bien qu’on entende aussi l’expression « un vieux fou ».
Le premier jour de printemps, je suis monté à bord d’un avion de la compagnie aérienne Alaska pour me rendre à San Jose via Los Angeles. A LAX [l’aéroport de Los Angeles], j’ai dû aller d’un terminal à un autre, ce qui est particulièrement difficile dans cet aéroport. Par bonheur, un autre Jésuite, Kevin O’Brien, était dans le même avion que moi, et il m’a aidé à trouver mon chemin dans les terminaux.
Quand l’avion pour San Jose a été prêt à partir, le pilote nous a dit qu’il fallait vérifier un petit « problème » dans la queue ; cela devait prendre seulement dix minutes. Deux heures plus tard, nous nous sommes envolés pour San Jose, l’aéroport le plus proche de Los Gatos, dans un nouvel avion avec une nouvelle équipe. Pendant le week-end, je suis descendu chez un neveu qui habite à vingt miles de Los Gatos. Lundi matin, il m’a déposé à ma nouvelle demeure.
J’avais déjà vécu dans cette maison comme novice. De fait, la chambre que j’occupe maintenant est exactement en face de celle que j’avais comme novice en 1948 – un Alpha et Omega évident. Dans cette maison vivent environ soixante-dix hommes, beaucoup sont d’anciens camarades de classe, maintenant à la retraite. Quelques-uns sont à l’infirmerie. Le personnel est très complaisant. Il m’a fallu environ une semaine pour m’installer et m’habituer à la routine.
La propriété est d’environ cent quatre-vingts acres [72 hectares]. Elle est située sur une colline qui domine la charmante ville de Los Gatos et la majestueuse vallée de Santa Clara. Derrière nous des sentiers grimpent jusqu’en haut de la montagne. C’est le printemps. Tout est vert. Partout il y a des fleurs. La température est douce. Les jardins autour de la maison sont très agréables. La ville de San Jose se voit clairement au loin, comme la chaîne du mont Hamilton de l’autre côté de la vallée. Nous sommes au pied des montagnes de Santa Cruz qui séparent la Baie de San Francisco de l’Océan Pacifique à Santa Cruz.
Les Jésuites de la province de Turin ont fondé cette maison à la fin du dix-neuvième siècle. Naturellement, ils ont apporté avec eux le vin et les olives. Dans ma jeunesse, les vins du Noviciat de Los Gatos étaient bien connus. Mais le vignoble est fermé depuis longtemps bien que ses bâtiments soient maintenant gérés par le viticulteur « Testarossa ».
Dans les prés au-dessus de la maison vivent cinq baudets. Ce sont des animaux domestiques bien que leurs ancêtres aient autrefois labouré les vignes sur les collines qui dominent la maison. Un âne est un « baudet » domestiqué. Un « baudet » est un âne mâle. Je suppose que les lecteurs de France Catholique savent ce que sont un mulet et un bardot, et aussi quelle est leur relation avec les chevaux et les ânes. De toute façon, alors que je descendais la colline l’autre jour, les cinq baudets de la prairie m’ont suivi jusqu’à leur mangeoire, pensant évidemment que j’avais une pomme pour eux. Il va sans dire que l’image de Schall suivi de cinq baudets prête à de très nombreuses interprétations pieuses de la part des frères.
Le principal sujet de conversation ici est le nouveau pape. Heureusement, mes exemplaires de l’Osservatore Romano sont arrivés. J’ai pu lire ce que le Pape François a fait et dit. Dans une homélie, il a dit aux prêtres qu’il devaient sortir dans le monde – prêcher, baptiser, consoler, et ne pas rester assis comme des bureaucrates à se psychoanalyser eux-mêmes.
Quand le pape a dit à sa famille et à ses amis d’Argentine de ne pas venir aux cérémonies de son inauguration, mais de rester chez eux et de donner l’argent aux pauvres, j’ai pensé : « Voilà la fin de l’industrie touristique italienne ! » Je me suis demandé qui au juste étaient les pauvres qui recevraient cet argent économisé. Combien en fait cela les aiderait sans un système économique productif ?
Dernièrement, J’ai pensé que nous avions abandonné à l’Etat presque toutes les agences de secours. Aider les pauvres veut dire maintenant non les aider à devenir capables de gagner leur vie, mais établir un autre programme gouvernemental de soins. La plupart des Etats sont ravis de le faire. Ils interdisent de plus en plus tous les secours spontanés ou non gouvernementaux. L’Etat veut que les pauvres justifient son existence – celle de l’Etat – et son expansion. J’ai bien peur que le terme « justice sociale » veuille dire généralement, en pratique, quelque chose comme le contrôle de cet Etat.
Alors Schall peut trouver des questions sur lesquelles réfléchir à Los Gatos. Ce n’est pas Washington. Mais l’ombre de Washington est ici. Les prêtres à la retraite peuvent aussi trouver quelque chose à faire. Benoît, le pape (maintenant aussi émérite), a montré l’exemple.
James V. Schall, S.J., qui a enseigné à l’Université de Georgetown pendant trente-cinq ans, est l’un des écrivains catholiques les plus prolifiques des Etats-Unis. Ses livres les plus récents sont The Mind That Is Catholique/l’Esprit qui est catholique et The Modern Age/l’Age Moderne.
Photo : Un Jésuite vigneron à Los Gatos tôt dans la journée.