Je comprends l’émotion de mes collègues de Libération, à la suite du véritable attentat qui s’est produit à l’entrée des locaux du journal, hier matin. Il est insupportable de penser qu’un jeune assistant photographe puisse être visé à bout portant par un homme armé. Celui-là même, semble-t-il, qui avait sévi à BFM TV vendredi. Sur le moment, comment interpréter un tel geste ? Faute de connaître l’identité de l’agresseur, il est difficile de tirer des conclusions générales. Bien sûr, on pense tout de suite à la liberté de la presse menacée, on met en cause un climat de tension particulier. Je ne reprocherai sûrement pas à Nicolas Demorand de s’exprimer sur un mode un peu tragique, qui répond à l’émotion du moment de toute une rédaction. Je ne crois pourtant pas que nous vivions une période de menace caractérisée pour la presse, sa liberté et sa sécurité. L’enquête nous permettra de prendre la mesure de cette affaire, ne serait-ce que pour savoir si nous sommes en face de l’action isolée d’un personnage plus ou moins déséquilibré.
Mais comme j’ai un peu d’expérience dans le métier de journaliste, j’évoque spontanément quelques souvenirs, lorsque la presse était vraiment en danger et lorsque les journalistes étaient obligés de se protéger, comme d’ailleurs les magistrats, accompagnés alors d’une escorte armée impressionnante. C’était dans l’Italie des Brigades Rouges durant les années 80. Je me souviens d’avoir été interroger un confrère dans les bureaux d’un grand quotidien de Rome. On peut dire que les locaux étaient alors « bunkerisés » et qu’il fallait montrer patte blanche pour pénétrer à l’intérieur du journal. Il y avait de quoi, car c’était de guerre civile qu’il était question alors. J’ai des souvenirs analogues du palais de justice de la ville éternelle et notamment d’un juge dont la vie était directement menacée, et dont il fallait également protéger la famille. Ses enfants eux-mêmes étaient sous escorte pour se rendre à l’université.
Cette situation s’est reproduite en France avec les menaces terroristes. Nous n’en sommes pas là et je formule tous les vœux pour qu’on n’en revienne pas là.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 19 novembre 2013.
Pour aller plus loin :
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