D’abord merci pour les chroniques de Tugdual Derville pendant la campagne électorale : elles faisaient entendre une voix qu’on n’entendait pas ailleurs !
Cette lettre veut surtout réagir à votre « débat sur la liturgie » du n°3074. Merci à Bernard Marchadier pour sa présentation très claire de la pensée de François Cassingena, qui porte la signature d’un esprit libre en vérité.
L’article de Dom Jobert nous présente le mystère de Miséricorde comme la clé de l’interprétation du Concile. Ses quatre premières colonnes sont très intéressantes et instructives.
Son « discours » ne laisse cependant pas comprendre si celle clé est proposée a posteriori par lui comme grille de lecture ou si la « problématique de Miséricorde » a présidé à l’époque à l’élaboration du rite « rénové ».
Il me semble que non seulement dans l’application, mais aussi dans l’élaboration du rite « rénové », il y a eu beaucoup de tensions, de luttes d’influences dont cet article ne rend pas compte.
Les trois dernières colonnes, quant à elles, me font mal, car elles méconnaissent la réalité – tellement moins manichéenne que ces propose – et l’auteur, qui veut promouvoir la miséricorde s’érige en censeur bien peu miséricordieux.
Avant de continuer, je vous situe ma « sensibilité » liturgique. Née en 1960, je n’ai guère connu l’ancien rite. Je fais partie, avec ma famille natale, de ces « millions de fidèles dans le monde qui ont adhéré spontanément à la réforme liturgique » (p. 29).
En fait d’ahdésion spontanée, il faut bien reconnaître qu’on ne nous proposait rien d’autre et que jamais nous n’avons réalisé que dans le rite « rénové » on nous proposait la Miséricorde infinie du Cœur de Jésus venant à notre rencontre.
Par contre, je rends grâce au Seigneur de m’avoir permis de garder la foi et même d’avoir avivé mon amour pour Lui et ma soif de Lui malgré toutes ces cérémonies très horizontales et fraternelles où le célébratn recomposait à sa sauce la prière eucharistique, où les fidèles étaient invités à en prononcer des portions…
Actuellement, je trouve mon compte dans les messes toujours recueillies et priantes, ferventes mais sachant exprimer aussi la joie, de la communauté St-Jean. C’est là que nou rechargons les batteries en famille.
Ma belle-famille, pour sa part, est pour moitié traditionaliste, pour moitié non. Ce qui a attiré les premiers dans le milieu tradi, ce sont vraiment les excès et les excentricités liturgiques qui ont suivi l’application du Concile, et le désir de liturgies propices au recueillement. Il est vrai que ce milieu favorise un côté militant, un attachement à la justice, une certaine raideur et, souvent, des propos agressifs, blessants, en famille…
Mais, face à cela, faut-il à notre tour juger et enfermer ou ouvrir nos bras et notre coeur comme le Père des Miséricordes qui attend également ses deux fils ? Et devons-nous vraiment nous identifier au seul prodigue et enfer les autres dans le rôle du fils aîné, ou reconnaître que tous nous sommes à la foi le prodigue et l’aîné ?
De notre regard et de notre prière dépendront la conversion des cœurs, celle des tradis et la nôtre.
Sans doute, l’auteur de l’article a-t-il eu à souffrir des traditionalistes pour avoir de tels propos. En famille aussi nous en souffrons, par exemple quand ils refusent d’assister à la messe de mon-frère sous prétexte que ce n’est pas la « vraie messe » (là c’est l’attitude des pro-Mgr Lefebvre, au contraire des tradi « St-Pierre »). Mais ne blesse-t-on pas le cœur de Jésus en regardant avec si peu d’amour nos frères ?
I.C. (Tours)