Liturgie de Saint Basile le Grand - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Liturgie de Saint Basile le Grand

Le dimanche 17 mai, Sa Béatitude Antonios Naguib, Patriarche d’Alexandrie pour les coptes catholiques, célébrera la messe annuelle de l’Oeuvre d’Orient en la cathédrale Notre-Dame de Paris. On y priera en français, bien sûr, mais aussi en copte, en arabe et selon le rite de Saint Basile. Les chrétiens de France découvriront, en cette occasion, un autre visage de l’Eglise Universelle dont la grande richesse est de savoir dire une seule foi selon des rites variés. Sur le fond, la prière est la même, car elle nous vient du Verbe fait chair. En la forme elle est différente, comme le sont l’Orient et l’Occident qui constituent, selon la belle image du pape Jean Paul II, les deux poumons de l’Eglise.
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Messe de l'oeuvre d'Orient. Cathédrale Notre-Dame de Paris, 2009.

Messe de l'oeuvre d'Orient. Cathédrale Notre-Dame de Paris, 2009.

© P Deliss / Godong

Particulièrement bien inculturée, la liturgie est au cœur de la spiritualité des chrétiens d’Egypte. Grâce à elle ils ont pu, malgré les aléas de leur histoire, demeurer fidèles à la foi de leurs pères.

Les sources de la liturgie copte 

Les origines de la liturgie alexandrine sont mal connues. Si l’on en croit les écrits des Pères de l’Eglise, les rites égyptiens étaient, dans les trois premiers siècles, très proches des usages synagogaux et syriens. A partir du quatrième siècle, ils portèrent l’empreinte du monachisme et, après 451, par l’intermédiaire des moines syriens de Dir-es-Suriâni à Wadi-el-Natroun, celle de l’Eglise Jacobite d’Antioche. Aux onzième et douzième siècles, la liturgie copte intégra quelques influences byzantines et latines. A cette même époque les patriarches lui donnèrent son aspect actuel, fixé définitivement par les grandes compilations liturgico-canonique d’Abu-el-Barakat et par l’Ordonnance du pape Gabriel V au quinzième siècle. Après le grec et le copte, l’arabe devint la langue dominante dans la liturgie, sans doute vers le quatorzième siècle.

Saint Basile le Grand (329-379), évêque de Césarée

L’Eglise copte possède trois anaphores ou prières eucharistiques : celle de Saint Grégoire le théologien, adressée au Fils, se dit surtout lors des fêtes solennelles ; celle de Saint Cyrille ou de Saint Marc, est réservée aux jours de jeûne. Celle de Saint Basile, adressée au Père, est la plus usitée. Elle a donné son nom au rite qui contribua à forger l’identité du peuple copte.

Lorsqu’il sentit s’éveiller en lui la vocation monastique, Saint Basile le Grand quitta sa Cappadoce natale et prit le chemin de l’Egypte, berceau du monachisme. Il entra dans le désert, dans les vastes retraites de la solitude, pour y chercher le Royaume qui n’est pas de ce monde. Cependant, tout comme Saint Antoine le Grand (251- 356), le « Père des moines », il n’en demeura pas moins attentif à la vie de l’Eglise. De retour dans le Pont, il fonda un monastère sur les bords de l’Iris, avant d’être élu évêque de Césarée. Au temps des persécutions, il proclama, sans peur, sa foi en Christ et, alors que s’écrivait en Egypte le dogme de l’Eglise, comme Saint Athanase (+373), l’évêque d’Alexandrie, il lutta contre l’arianisme.

L’influence du monachisme

La liturgie copte s’enracine dans le monachisme qui est l’école par excellence de la prière. Conçue comme le moyen d’atteindre la théosis, c’est-à-dire la participation à Dieu en communiant par l’Esprit Saint avec l’humanité déifiée du Christ, elle est marquée par la longueur de ses offices, son intériorité et sa simplicité. Moins solennelle que la liturgie byzantine, elle se souvient de la pauvreté, de l’ascétisme des Pères du désert. Elle présente en outre un caractère communautaire très marqué. Ainsi, héritage de la tradition cénobitique, la Sainte Messe est moins vécue comme un temps de prière individuelle que comme le rassemblement, en pleine communion, de la communauté ecclésiale. C’est pourquoi il n’est célébré en général qu’une seule messe le dimanche. De même, en signe de l’unité de l’assemblée, le prêtre ne consacre qu’un seul pain, le « corban » : « Vous êtes un seul corps car vous avez mangé un seul pain ».

Plus qu’en nul autre rite, les fidèles, sans cesse exhortés par les diacres, participent aux cérémonies. L’abondance des lectures, les professions de foi mille et une fois réitérées, la vénération de l’Eucharistie lui confèrent par ailleurs une grande portée catéchétique. Les Pères de la liturgie alexandrine-Saint Antoine, Saint Athanase, Saint Cyrille,- avaient de la psychologie égyptienne une profonde intelligence. Ils ont écrit le rite pour éduquer les esprits, si bien qu’aujourd’hui encore les coptes apprennent, à travers lui, leur théologie.

Le souffle de l’Esprit

Si l’Occident s’adresse d’abord au Père et au Fils, l’Orient accorde une place centrale au Saint Esprit. Dans la mouvance vivifiante et sanctifiante de celui-ci, l’Eglise copte est tendue vers sa fin ultime, vers l’union de chaque fidèle avec le Seigneur.

En fondant tous ses membres en un seul corps, l’Esprit fait vivre l’Eglise; il est à l’œuvre dans les sacrements ; il est à l’origine de l’ordre nouveau instauré par la résurrection du Fils. Ainsi l’épiclèse, qui se situe après la consécration, est la partie la plus solennelle de la messe de Saint Basile : « Seigneur notre Dieu, nous T’adorons, nous pécheurs et serviteurs indignes et Te prions. Répands Ton Esprit-Saint sur nous pour nous purifier, et sur ces offrandes pour les transformer et en faire des Sacrements Saints pour Tes saints. Que ce pain devienne le Corps de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, Notre Dieu et Notre Sauveur, pour la rémission des péchés et pour la vie éternelle de ceux qui le reçoivent. Et que cette coupe devienne le Sang de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, Notre Dieu et Notre Sauveur, pour la rémission des péchés et pour la vie éternelle de ceux qui le reçoivent ».

Le culte marial

L’Eglise copte voue par ailleurs une vénération toute particulière à la Vierge Marie, déclarée « Théotokos » au concile d’Ephèse en 431. Elle préside aux destinées de l’Eglise et de l’univers qui s’inscrivent encore dans le temps. De nombreux hymnes exaltent la Mère de Dieu présentée comme « la Porte du ciel », « le Temple de la divinité ». A la messe, elle est symbolisée par « l’encensoir d’or pur » qui, comme elle porta dans ses entrailles le Fruit Béni, « contient le parfum plein d’arôme » qui monte vers le Père.

Le langage des symboles

On trouve, par cet exemple, une autre caractéristique de la liturgie de Saint Basile : sa dimension symbolique. Détours signifiants, les symboles évoquent, par un signe concret, matériel, les réalités spirituelles. Ils sont comme un aperçu, comme une correspondance du ciel dont l’âme, par et à travers eux, entrevoit la splendeur. Les symboles, qui commémorent les différentes étapes de l’histoire du salut, donnent ainsi à penser et conduisent les esprits contemplatifs au cœur du Mystère.

-Les cierges 
Les deux porte-cierges ou céroféraires qui encadrent l’évangéliaire sont des représentations de Moïse et Elie, la Loi et les Prophètes, sur la montagne de la Transfiguration. Durant la lecture de l’Evangile les cierges allumés signifient que le Christ est la lumière du monde et, lorsque le prêtre fait le tour de l’autel, que la Bonne Nouvelle doit être annoncée à toute la terre.
-Le voile 
Lors de la prière de l’offertoire, le célébrant prend le pain du sacrifice, l’enveloppe dans un voile et fait le tour de l’autel. Ce rite rappelle l’annonce messianique du vieillard Siméon tenant entre ses mains l’enfant Jésus dans ses langes.
Après la prière de l’action de Grâce, le prêtre couvre le pain d’un grand voile qu’on appelle prosphérin, qui symbolise le tombeau du Christ ; il met ensuite un petit voile sur le grand, en signe du sceau que Pilate mit sur le tombeau afin que personne ne puisse enlever le corps du Sauveur.
Après la prière de la Réconciliation, le prêtre enlève le voile en symbole de la Résurrection du Christ.
-Le lavement des mains
Au début de la messe le prêtre se lave les mains en signe de purification et jette quelques gouttes d’eau sur le peuple à l’exemple de Pilate, pour signifier qu’il n’est pas responsable pour ceux qui s’approchent indignement de la Sainte Communion.
-L’encens  
L’encens a une grande place dans la messe Copte. Il a plusieurs significations.
L’encens, parfum précieux, est à l’image des prières qui montent au ciel et sont agréables à Dieu. Il est signe de l’adoration due au Seigneur et de l’hommage qu’on rend aux Saints en encensant leurs icônes .
L’encens tient lieu aussi de bénédiction pour le peuple quand le prêtre traverse l’église, encensant les fidèles. Il est également un symbole de purification par le feu lorsque, par trois fois, le célébrant pose ses mains sur l’encensoir, avant de prononcer les paroles de la consécration.
L’encensoir symbolise encore, comme nous l’avons vu, la Vierge Marie toute pure qui a accueilli en son sein le Fils de Dieu, unissant ainsi la divinité à l’humanité.
Dans la prière pour les défunts enfin, le diacre passe avec l’encensoir devant tous les fidèles pour qu’ils évoquent leurs morts et prient pour eux.

-Les chiffres
La liturgie copte utilise abondamment le langage des chiffres qui, sans cesse, viennent rappeler son aspect trinitaire.
Chacune des personnes de la Trinité est ainsi évoquée lors de la prière de bénédiction des offrandes et lors de la préparation à la communion : « Béni soit le Père Saint ! Béni soit le Fils Saint ! Béni soit l’Esprit Saint ! »
Dans la prière du Trisagion, trois adjectifs sont nécessaires pour qualifier le Seigneur : « Ô Dieu Saint, Ô Dieu fort, Ô Dieu Immortel », quand se déroule, en trois étapes, la vie du Christ « qui est né, qui est mort, qui est ressuscité d’entre les morts. »
Les « kyrie » vont pareillement par trois ainsi que les « amen » et les « alléluia ». Un « je crois » n’est pas suffisant pour professer sa foi ; un « Il est juste et digne » n’est pas suffisant pour l’Anaphora , pas plus que pour les bénédictions et les invocations où prévaut le rite ternaire.

Les portes du Royaume

Action de grâce de l’Eglise qui vient adorer son Seigneur et contempler les mystères divins, la célébration selon le rite de St Basile revêt une dimension eschatologique et mystique. Elle est une porte ouverte sur l’invisible, le Sacrifice éternel que chantent les anges.

La musique liturgique, où se mêlent heureusement les mélodies héritées de l’antique Egypte et de la synagogue, les cymbales et les triangles, les psalmodies répétitives et entêtantes transportent l’assemblée au seuil d’un autre monde.

Longues oraisons en station debout, mains levées, paumes offertes, baisers de la croix et des icônes, innombrables génuflexions et processions : les fidèles vivent, corps et âmes, le drame eucharistique. Rassemblés au pied de l’iconostase qui, comme cela est gravé dans le bois de sa porte centrale, figure non pas la séparation, mais la transition entre ce monde et le Royaume, ils appréhendent avec ferveur la présence de l’invisible. Lors de leurs cérémonies, ils retrouvent cette intimité respectueuse avec le sacré qui, depuis la nuit des temps, est pour l’égyptien le fondement de son existence.

Chaque Eglise s’enracine dans une réalité humaine tangible à qui elle doit ses charismes propres. Marqué par le passé pharaonique, par la sensibilité orientale et par la conquête arabe s’est dessiné, à travers la liturgie de Saint Basile, le beau visage du christianisme copte et de son Eglise. Une Eglise monastique, ascétique et mystique, vivifiée par le sang de ses martyres et accrochée, pour toujours, à la Croix en terre d’Islam.

Mgr Michel Chafik
Recteur de la Mission Copte Catholique
Notre Dame d’Egypte

La liturgie de Saint Basile est célébrée tous les dimanches à 11 heures
Chapelle Notre-Dame d’Egypte
15 rue Philippe de Girard 75010 PARIS