Mardi 15 septembre
Écouter l’éditorial :
Il n’y a pas que les amateurs de cinéma pour aimer la vie, selon un slogan publicitaire bien connu. Ceux qui aiment les livres, même lorsque c’est un prétexte pour s’évader, se distraire, se divertir – dirait Pascal – sont ramenés à la vie même, ses douceurs, son âpreté, ses richesses intimes. Car il ne faut pas s’y tromper. L’imagination qui est à l’œuvre dans la littérature n’est pas évasion de la réalité humaine. Elle rejoint la singularité de la vie dans ce qu’elle a d’incontrôlable, de non-maitrisable, en obligeant à sortir de soi-même pour habiter d’autres consciences. C’est ce que dit Alain Finkielkraut dans son dernier livre, que je recommande absolument. Il explique qu’il faut distinguer l’imagination du fantasme. Le fantasme qui assujettit les êtres à la domination du désir, ce qui renvoie d’ailleurs à une distinction déjà faite par Jacques Lacan. Mais écoutons bien ce que veut nous dire Alain Finkielkraut dont le dernier essai commence par une prière. Celle du roi Salomon suppliant l’Éternel de lui accorder un cœur intelligent.
La merveilleuse formule qui nous livre la clé de la grande littérature. Celle qui nous sera toujours indispensable, celle que l’école d’hier nous enseignait pour nous ouvrir aux énigmes et aux mystères du monde. Il faut que j’avoue, au passage, la dette que j’ai à l’égard d’Alain Finkielkraut. Presque tous ses combats sont les miens. L’essentiel étant celui de la culture. Celle qu’on appelait autrefois la culture générale et qui est aujourd’hui en danger de disparition depuis que l’école, dit-il, a choisi la voie du jargon spécialisée et la voie de la démagogie. Dans le dernier numéro du magazine Lire, notre philosophe redit encore sa colère à l’égard de la trahison des pédagogues. « Au lieu de mettre l’admiration au cœur du projet éducatif, l’école met la culture au pluriel et devient ainsi la poubelle de l’actualité et de la mode, elle se ferme aux œuvres sous couleur de s’ouvrir au monde. »
L’objet de ce dernier essai est précisément de montrer comment les grands livres d’imagination ouvrent au monde. Et il le fait, non sous le mode de la polémique, mais sous celui de la lecture. Lecture de neuf romans, des romans français, tchèques allemands, russes, anglais qu’importe. Parce que tous, dans le génie de leur langue singulière nous communiquent une intelligence supérieure de nous-même. Simplement deux réflexions. La première concerne la valeur irremplaçable du livre, du livre papier dont il faut redonner de toute urgence le goût à nos adolescents en les arrachant momentanément à la fascination de leurs écrans et de leurs claviers. La seconde touche à l’agnosticisme, ici réaffirmé, d’Alain Finkielkraut. Il commence, je l’ai dit, par une prière, celle de Salomon, mais il affirme aussitôt après qu’à cette prière Dieu ne répond pas. Pourtant, il me semble qu’il y a comme une correspondance entre son cœur intelligent et ce que saint Anselme appelait l’intelligence de la foi. Qu’est-ce que la foi, sinon le cœur illuminé par la lumière d’en haut ? Entre les deux formes d’intelligence, il n’y a pas contradiction, mais progression. Avancer au sein du mystère qui est celui de notre intériorité la plus profonde. Le cœur de Blaise Pascal est bien le cœur intelligent de Finkielkraut, mais accédant à son secret ultime, ce moi dit Claudel qui est plus moi-même que moi. À ce degré ultime Dieu répond, il est la présence sans laquelle serait inconcevable le secret que nous sommes à nous-même.
— – Un cœur intelligent d’Alain Finkielkraut, Stock/Flammarion, 290 p., 20 €. Écouter l’éditorial : Le nouveau livre de Gérard Leclerc, « Rome et les lefebristes, le dossier », 96 pages est disponible. Merci de nous réserver votre commande par internet : ou par courrier, au prix de 12 euros franco à l’ordre de SPFC, 60, rue de Fontenay 92350 LE PLESSIS ROBINSON. ou par carte bancaire au 01 46 30 37 38
— – Un cœur intelligent d’Alain Finkielkraut, Stock/Flammarion, 290 p., 20 €. Écouter l’éditorial : Le nouveau livre de Gérard Leclerc, « Rome et les lefebristes, le dossier », 96 pages est disponible. Merci de nous réserver votre commande par internet : ou par courrier, au prix de 12 euros franco à l’ordre de SPFC, 60, rue de Fontenay 92350 LE PLESSIS ROBINSON. ou par carte bancaire au 01 46 30 37 38