Au fil de deux articles précédents je plaidais pour une refonte des arguments exposés devant les tribunaux à propos de liberté de religion. Je m’inquiétais que la défense de liberté religieuse soit prise pour un plaidoyer en faveur de « croyances ». Et cependant ce genre d’argument revenait à calomnier la religion en classant ses enseignements comme de simples « croyances » sans véritables fondements.
Jean-Paul II avait mis en garde contre la tentation de traiter l’enseignement religieux comme des appels subjectifs de conscience dissociés des vérités morales. Comme fréquemment rappelé ici, la position catholique à propos de l’avortement est tissée d’embryologie (des faits scientifiques) et de raisonnements de principe. L’enseignement a été émis comme relevant de la loi naturelle, accessible à tous et pour toutes religions.
Ainsi, l’Église n’a pas requis simplement une exemption en faveur des catholiques au sujet des obligations d’Obamacare sur l’avortement et la contraception. Les évêques ont insisté là-dessus, ces obligations constituent une « loi injuste » qui ne saurait concerner personne.
La famille Green, propriétaire de la chaîne de magasins de bricolage « Hobby Lobby », s’est opposée aux obligations de « Obamacare » comme violations à leurs convictions religieuses. Mais dans leur saisie du tribunal, les Green opposaient à la loi leur «conviction que la vie humaine débute avec la fertilisation de l’ovule par le sperme.» J’ai déjà signalé qu’il ne s’agit pas d’une conviction mais d’une vérité fondamentale en embryologie.
Je plaidais alors pour une refonte de la loi par la remise en état du lien classique entre logique de la morale et logique de la loi. Quand la liberté individuelle des personnes est mise à mal par la loi, la loi doit présenter une « justification » au sens strict : qu’elle s’appuie sur un principe, ou une interprétation du bien et du mal, telle qu’elle soit applicable à tout le monde concerné par la-dite loi.
Des lecteurs m’ont demandé de publier leurs remarques, en voici quelques-unes :
Avant que la loi ne rende obligatoires les règles de « Obamacare », la loi devrait apporter la preuve que la requête de la famille Green exprime des arguments profondément déraisonnables, par exemple :
• que les vies supprimées par l’avortement ne sont rien d’autre que des vies humaines.
• que ces vies sont incontestablement innocentes, en ce sens qu’elles ne sauraient porter un préjudice intentionnel à quiconque.
• que la qualité d’êtres humains de ces rejetons ne dépend ni de leur taille ou de leur poids, ni de leur faculté à s’exprimer par un langage.
• et à moins que soit institué un nouveau droit de tuer pour convenance personnelle, justifier la suppression de ces vies humaines doit être comparé aux explications données quand on ôte la vie à n’importe quel autre être humain.
À moins que le gouvernement ait des arguments plausibles sur ces points, il devrait faire marche arrière sur son projet présomptueux visant à remplacer le code moral de la famille par rien de plus que cette prétention à produire ce qu’on pourrait dire vaguement « au service du bien public ».
On peut aller plus loin sur le plan moral en précisant le renoncement de la famille Green sur certains points: elle n’a pas emprunté le chemin de l’objection de conscience sur le fait que l’argent qu’elle verse en taxes est employé à la mise en œuvre de politiques exécrables, c. à d. le soutien financier de l’ONU, les allocations aux femmes célibataires ou — bien pire — les subventions aux avortements.
La famille Green est consciente d’être déjà impliquée, par le biais du système fiscal, dans le soutien aux avortements par les subventions et l’encouragement par la politique gouvernementale. Mais la question posée ici est simplement de savoir pourquoi la famille Green devrait aider plus directement et personnellement les avortements par les services médicaux qu’elle finance pour son personnel.
En d’autres temps, la simple idée que les autorités gouvernementales puissent obliger une personne « A » à effectuer des paiements, ou à transférer de ses biens, à une personne « B » aurait été considérée comme « législation de classe », forme de vol légal. Commis par le pouvoir fédéral, celà tomberait sous le coup du Cinquième Amendement [à la Constitution] comme « accaparement de biens » sans justification légale.
Après tout, si un service est rendu obligatoire par le gouvernement fédéral, le-dit gouvernement fédéral doit en assurer le financement, et non transférer un service public au domaine privé pour qu’il en assume les frais. Cette combinaison contourne nettement le domaine de constitutionnalité car il dispense le gouvernement de lever les fonds nécessaires à ses propres engagements, et justifie auprès des électeurs les taxes supplémentaires qu’il inflige au public.
Il y a encore beaucoup à dire, j’en parlerai une prochaine fois. Le présent argumentaire ne semble nullement concerner la défense d’une forme de « liberté religieuse », c’est certain. Mais comme je l’ai précédemment exposé, notre tradition religieuse constitue un réservoir d’analyse morale sur laquelle se fondent les lois — essentiellement en ce qui concerne la signification du terme « être humain », et pourquoi il doit y avoir un lourd et solide ensemble de justifications avant de lui ôter la vie ou de restreindre sa liberté. Ces arguments peuvent résonner comme un discours juridique mais, en réalité, ils jaillissent de bien plus profond, de notre enseignement religieux.
http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/recasting-the-argument-for-religious-freedom.html
Photo – Grâce à la science: une nouvelle image ultrason 3D d’un être humain.