Si saint François avait été envoyé dans un camp de travail en Sibérie, ou dans une colonie de lépreux, ou dans une entreprise de courtage à Wall Street, aurait-il été moins saint François ? En revanche combien de mortels y a-t-il dans le monde qui ont tel caractère lorsqu’ils sont dans la nécessité, tel autre lorsqu’ils sont dans l’abondance, qui maugréent lorsqu’ils sont plongés dans l’inconfort, et deviennent possédés par leurs possessions.
Saint François demeure le même en toute circonstance ; les « non-saint François », comme le caméléon, prennent la couleur de la feuille sur laquelle ils se trouvent. Pourquoi cette différence ?
Parce que saint François est plus libre.
Au premier abord cela paraît aller chercher trop loin, mais quand un homme est-il libre ? Négativement, il est libre quand il n’est pas déterminé par les circonstances extérieures, par exemple quand il n’est pas enchaîné avec les autres prisonniers, quand il n’est pas découragé par le désespoir, quand il est trop au-dessus de l’environnement pour être influencé par lui.
Il ne tourne pas autour du monde ; c’est le monde qui tourne autour de lui. Il ne dépend pas de ses humeurs, il est libre d’humeurs. Saint Paul disait être content autant dans l’abondance que dans la nécessité.
Mais d’où vient cette indépendance psychologique par rapport à l’extérieur, cette faculté de maintenir un esprit égal dans un monde passant constamment de la lumière à l’ombre et réciproquement ? Cela vient d’une dépendance à l’égard de Dieu. En réalité, toute véritable Déclaration d’Indépendance est une Déclaration de Dépendance…
Les États-Unis ont été un arsenal de défense contre l’agression ; un Samaritain aidant les nations à retrouver la paix ; un garde-manger pour le monde affamé et, sous la protection de la Providence, la cause secondaire pour les peoples du monde de la préservation de leur liberté.
Le ton moral et religieux de notre société est venu en partie de notre Déclaration d’Indépendance et de notre Constitution, qui affirme : premièrement, que les droits et les libertés viennent non des hommes ou des majorités, mais de Dieu, et oar conséquent sont inaliénables ; deuxièmement, parce que droits et libertés sont des dons de Dieu, les citoyens jouissent de droits et de libertés, en plus de ceux donnés par la Constitution; troisièmement, c’est le « peuple » et non les « masses » qui détient l’exercice du pouvoir civil, qui vient de Dieu – le peuple, étant auto-déterminé par la conscience, s’oppose aux « masses » qui sont déterminées par autre chose ou soumises à un dictature.
En dépit du riche fonds moral de notre nation, des citoyens sérieux craignent que, comme des enfants prodigues, nous dévastions notre héritage spirituel par le déclin de notre responsabilité morale. Un tel délabrement est dû à deux causes : la première, l’oubli que l’homme doit un jour rendre compte devant le Juge Éternel de sa gestion d’intendant ; la deuxième, l’égoïsme – un homme s’occupe le plus des choses auxquelles il est lié organiquement, comme il se préoccupe plus de sa tête que de son chapeau.
En devenant égoïste et séparé de tous les liens organiques et fonctions sociales, telles que l’Église, son pays et sa famille, son sens des responsabilités s’affaiblit.
Les conséquences sont nombreuses :
1. Quand des personnes abdiquent leur sens de responsabilité par rapport à Dieu, à l’État, à la famille et à leur vocation dans la vie, ils se dissolvent en atomes ; les atomes n’existent que pour eux-mêmes. Dire que nous vivons dans l’âge atomique peut être une caractérisation plus malheureuse que celle que nous connaissons ; car si nous ne sommes rien que des individus atomisés, alors nous sommes prêts ou à être fissurés mentalement ou à être collectivisés en une dictature du type socialiste. Celle-ci n’est rien d’autre que l’organisation par la contrainte du chaos créé par un conflit entre des égoïsmes individuels.
2. Une fois que Dieu et la loi morale et la conscience ont été bannis, alors il n’y a plus de modèle en dehors de la crise elle-même qui nous permet de juger la crise ; plus de modèle de temps qui nous permet de régler nos montres ; plus de partition musicale qui nous permet de distinguer nos harmonies et nos désaccords.
3. Ensuite, la science est laissée privée d’un monde de valeurs, de buts, de choix, d’idéaux. Le scientifique même, qui est toujours un esprit à l’extérieur des faits qu’il étudie, est laissé sans explication de toutes ses descriptions. Il est aussi sans vérité, dont ii est toujours à la recherche dans ses expériences et dont il sait qu’elle existe et dure, même si la race humaine devrait s’éteindre.
4. Ensuite l’éducation ne forme que la moitié d’un homme, développant son intellect mais non sa volonté ; son esprit, mais non son caractère ; elle lui donne la connaissance de faits, mais ne lui donne ni but ni destinée.
5. Finalement, quand la Vérité Divine est déniée, il n’y a pas de déterminant final, excepté le pouvoir, qui a déjà réduit un tiers du monde en esclavage.
Extrait du Guide to Contentment
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Le Vénérable Fulton John Sheen est né à El Paso (Illinois) le 8 mai 1895. Il fit ses études au séminaire Saint Paul (Minnesota) et fut ordonné en 1919. Après avoir poursuivi ses études à l’Université Catholique, il passa un doctorat en philosophie à l’Université Catholique de Leuven/Louvain (Belgique). En 1930, mgr Sheen commença une émission radiophonique dominicale nocturne, « The Catholic Hour, » et en 1951 il lança « Life Is Worth Living, »/ « La Vie vaut d’être vécue » qui devint une des émissions télévisées les plus suivies et qui lui valut un prix Emmy en 1952. Il fut élevé à l’archiépiscopat, puis déclaré Vénérable Serviteur de Dieu par le pape Benoît XVI le 28 juillet 2012.
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