Libéraliser le notariat ? - France Catholique
Edit Template
Marie dans le plan de Dieu
Edit Template

Libéraliser le notariat ?

Christine Taubira a reçu cette semaine les représentants des professions réglementées dont les tarifs sont supposés trop chers en raison d'une absence de concurrence. Entretien avec Me Jean-Marie Montazeaud vice-président du Conseil régional des notaires de la Cour d'appel de Versailles.
Copier le lien

– Un rapport de l’inspection générale des Finances a suggéré des pistes pour faire baisser les tarifs notamment des notaires et huissiers de justice. Quelles sont-elles ?

Me Jean-Marie Montazeaud : S’agissant du notariat, le ministère de l’Économie sur la base d’un rapport de l’inspection générale des finances, qui ne nous a jamais été communiqué, envisage, sous prétexte de concurrence, de révolutionner le notariat français. Il s’agirait d’ouvrir a d’autres professionnels ( liste non arrêtée à ce stade) la rédaction des actes de droit immobilier et en matière de droit de la famille (contrat de mariage, donations). Il n’y aurait plus de contrôle sur les installations d’offices. La baisse du tarif serait envisagée. Le notaire conserverait une compétence exclusive sur la publication des actes immobiliers…

– En quoi vous semblent-elles contestables ?

 Comme l’a bien dit Madame Taubira, « e ne suis pas une convaincue des vertus de la concurrence , « je le dis profondément et franchement, le droit n’est pas une marchandise ». Comment en effet garantir dans ce nouveau modèle la sécurité juridique. Comment le notaire pourrait-il engager sa responsabilité sur un acte qu’il n’a pas rédigé ?

Aujourd’hui l’acte rédigé par un notaire est garanti par la profession par le biais de la Caisse de garantie des notaires de France, sans coût
supplémentaire pour le client. Qu’en serait-il des actes signés hors notariat  La rédaction des actes par tout juriste ne ferait pas baisser les coûts. Regardons ce qui s’est passé aux Pays-Bas. La libéralisation du tarif n’a fait baisser les prix que pour les actes les plus importants au bénéfice des entreprises et des personnes aisées, excluant de facto de l’accès au droit les plus modestes. C’est le citoyen qui a fait les frais de la réforme.

Aujourd’hui l’État contrôle l’installation territoriale des notaires, créant des offices là ou c’est nécessaire en fonction du nombre d’habitants. Cela permet de maintenir des offices sur l’intégralité du territoire. La liberté d’installation conduira à un désert juridique après un désert médical.

– Doit-on faire baisser les tarifs ?

Notre tarif est redistributif, il bénéficie aux plus faibles et aux familles, leur permettant un accès au droit pour un coût raisonnable. Il est important qu’il en soit ainsi, mais nous sommes prêts à envisager, en concertation, une révision qui permette de compenser la hausse des taxes et la hausse des prix de l’immobilier, tout en préservant la rentabilité de nos offices, seule garantie des 40 000 emplois de la profession. Pour mémoire notre rémunération représente moins de 1% du prix d’achat d’un logement.

 
– Quels sont les revenus des notaires ?  

Des chiffres ont été jetés en pâture, sans rappeler qu’un chiffre d’affaire n’est pas un salaire, et sans distinguer les sommes qui relèvent de la rémunération du capital de celles qui relèvent de la rémunération du travail. La quasi-totalité des notaires de la Cour d’appel est endettée, et les jeunes qui se sont installés dans les dernières années ont souscrits des emprunts sur 15 ans. Quant aux 40 000 salariés de la profession, ils voient leur salaire fixés a minima par la convention collective du notariat, allant d’employé à notaire salarié.

– Achète-t-on toujours sa charge ?

Le droit de présentation existe toujours en effet, sauf en Alsace-Moselle; les créations d’étude sur concours existent également sur tout le territoire, permettant de créer son office gratuitement.

Supprimer le droit de présentation entraînerait impérativement l’indemnisation des notaires par l’État… ce qui ne m’apparait pas possible compte tenu des difficultés budgétaires de la France.

– Ce système est-il très différent de celui des autres pays européens ?

Le système du notariat est majoritaire en Europe, mais la vénalité des offices n’existe pas dans les pays ayant implanté récemment notre modèle.

– Peut-on échapper à la généralisation du droit anglo-saxon ?
 
Oui. Pourquoi vouloir importer chez nous un système défaillant (2,6% du PIB de contentieux aux États Unis contre 0,6% en France) au motif qu’il serait plus moderne.

Nous avons la sécurité juridique en France et certains pays ne s’y sont pas trompés (tel que le Kosovo, le Vietnam et la Chine) en faisant le choix du système du notariat français pour garantir la sécurité des transactions immobilières en considérant que la sécurité juridique était un préalable a toute prospérité économique.

L’Inde et le Qatar ont récemment sollicité l’expertise du notariat français pour préfigurer l’implantation d’un système calqué sur le nôtre. Alors, de grâce, ne jouons pas aux apprentis sorciers.

– Comment le notariat affronte-t-il l’évolution actuelle du droit de la famille ?

Les notaires sont au service des Français, ils sont le garants du service public français ; ils se doivent d’appliquer les textes régissant la République, pour notamment prévenir les conflits et assurer la paix sociale. Il est certain que les évolutions des familles compliquent la vérification de certaines situations. D’où la nécessité d’un système vraiment fiable. 

http://www.hauteprovenceinfo.com/article/16/09/2014/professions-reglementees–les-notaires-montent-au-creneau133/5009