Tout le Proche-Orient redoutait l’entrée en guerre du Hezbollah chiite libanais au côté du Hamas. Il n’en a rien été, du moins pour l’instant. Prudent, calé sur un agenda géopolitique fixé par l’Iran, son parrain religieux, militaire et financier, il a choisi la réserve. Le discours très attendu d’Hassan Nasrallah, le 3 novembre, a confirmé son attentisme. Chef de ce parti-milice depuis 1992, Nasrallah s’est dit « engagé dans la bataille depuis le 8 octobre », citant en exemple ses quarante « martyrs » tombés face à Tsahal. En évoquant l’éventualité « réaliste […] d’une guerre totale », il n’a fait que la repousser à plus tard.
Les circonstances ne sont pas favorables aux intérêts iraniens. L’impressionnante montée en puissance des forces américaines dans la région dissuade toute initiative belliqueuse : l’Amérique dispose de trois groupes aéronavals, assez pour empêcher l’Iran et le Hezbollah de s’en prendre à Israël. Jamais, depuis 1945, une telle puissance de feu n’avait été rassemblée dans la région.
Les activités sporadiques de bombardements à la frontière nord d’Israël entretiennent l’illusion d’une mobilisation des « frères libanais » au côté du Hamas. Mais le Hezbollah reste prudemment en deçà du seuil qui déclencherait une nouvelle guerre. Avec son arsenal – 30 000 engins opérationnels –, il aurait les moyens de saturer Israël de roquettes et de missiles. Il ne l’a pas fait. Le cheikh Nasrallah, 63 ans, a sans doute déçu ses partisans les plus radicaux. Il a surtout rassuré les Libanais qui redoutaient de voir leur pays une nouvelle fois otage d’un conflit extérieur, comme en 2006. À l’époque, une provocation du Hezbollah avait déclenché une guerre de 33 jours, amenant Israël à détruire une grande partie des infrastructures civiles du Liban.
Plus fort que l’armée
Le Hezbollah – le « parti d’Allah » – est le maître des horloges. Il peut faire ce qu’il veut – ou ce que l’Iran veut. Sa marge de manœuvre est presque totale. Représenté au Parlement – 13 députés – et au gouvernement – 2 ministres –, allié à une moitié de la communauté chrétienne, le camp du général Michel Aoun, le Hezbollah est la seule milice libanaise à avoir pu garder ses armes à la fin de la guerre du Liban (1975-1990). Ses effectifs, sa puissance de feu et son aguerrissement – en Syrie – dépassent largement ceux de l’armée libanaise. La plupart des Libanais lui reconnaissent, peu ou prou, son statut de « résistance libanaise à Israël ».
Mais beaucoup, chez les chrétiens et les sunnites, souffrent de l’arrogance de ce parti-milice issu, en 1982, de la nébuleuse terroriste syro-chiite.