Ce qui m’a le plus frappé au sujet du débat sur Sœur Margaret Farley – professeur émérite de Yale dont le livre Just Love / « Aime seulement » a reçu récemment un avertissement de Rome parce qu’il accepte la masturbation, l’homosexualité, et le remariage après un divorce — est combien il est rebattu. En fait, la seule chose qui soit un peu surprenante à ce sujet, c’est le temps qu’il a fallu à Rome pour finalement s’intéresser à un livre publié en 2006 — et même cela, d’après les habitudes de Rome, n’est pas très remarquable.
Si vous ne tenez pas compte des perspectives des médias et expliquez le sujet en langage clair, voici de quoi il est question : un livre écrit par une religieuse hétérodoxe est correctement critiqué par les autorités catholiques comme étant non catholique dans son enseignement moral (ce qu’elle admet elle-même en partie) et, en conséquence, devient du jour au lendemain une cause célèbre dans les médias laïques et est défendu par la Société théologique « catholique » d’Amérique (CTSA) dont elle a été présidente.
De plus, elle est complimentée par les deux organisations parce qu’elle « envisage d’une manière nouvelle » les questions de moralité sexuelle. En fait, ces manières nouvelles sont justement les mêmes chemins rebattus que l’opinion de l’élite et des universitaires a parcourus depuis des dizaines d’années.
Mais, bien entendu, c’est le genre de religieuse catholique que l’on s’attend à voir engager comme professeur d’études catholiques dans une institution de l’Ivy League 1 comme l’université de Yale.
Si vous lisez ceux qui la défendent, Sœur Farley est aussi censée être un écrivain élégant. Si vous lisez Sr Farley elle-même — et je dois avouer que je n’ai eu le courage que de feuilleter ici et là — vous trouverez un style modéré utilisé dans Aime seulement pour remanier les vieilles ressources, je veux dire, les penseurs et les modes d’analyse importants dans les milieux académiques laïques il y a environ vingt ans : les cultures non occidentales, Michel Foucault, Catherine MacKinnon, les Grecs antiques, l’Afrique, Le Kamasutra 2, les perspectives multi culturelles, les obstacles à la nouvelle pensée et d’autres.
A toutes fins utiles, il vaut peut-être la peine de revoir avec attention ces personnes et ces choses. Mais si, après une recherche prétendument ardue et un désir déclaré de ne pas simplifier des sujets très complexes, on arrive à une position essentiellement conforme aux calmes assomptions du Zeitgeist 3, pourquoi cette cérémonie compliquée ?
Il aurait été juste aussi facile de sortir de la bibliothèque et d’inscrire ce que beaucoup d’étudiants et de professeurs croient à Yale – sans le bénéfice du clergé ou des professeurs.
Et, je vous en prie, évitons l’habituel mensonge des « positions minoritaires » qui luttent avec courage pour qu’on les entende. C’est assez difficile de juger correctement de telles choses, mais les media n’ont aucune difficulté à trouver des institutions variées, y compris des institutions catholiques, où le livre de Soeur Farley a été la matière principale des cours sur la morale sexuelle depuis qu’il a paru. Ce n’est guère étonnant car quiconque essaie d’adopter une position adverse sur virtuellement tous les campus universitaires appréciera parfaitement la vraie balance politique.
En vérité, c’est exactement ce qui est arrivé en février dernier à Anthony Esolen, propre rédacteur de The Catholic Thing à la même université de Yale où Sr Farley enseigne. Vous n’avez probablement rien vu à ce sujet dans les médias, et Tony n’a pas non plus été défendu par le CTSA quand il est allé à Yale pour présenter la vue chrétienne classique du sexe et du mariage. Au contraire, on l’a accusé d’homophobie — un chrétien traditionnel est évidemment malade, quelles que soient ses raisons — et sa conférence a été interrompue par des couples homosexuels et hétérosexuels qui, à un signal prédéterminé, sont sortis de l’audience et ont commencé à s’embrasser.
Ironiquement, la conférence d’Esolen faisait partie du programme de la « Semaine de l’Amour Vrai » organisée par d’intrépides étudiants de Yale eux-mêmes pour contre balancer la grossièreté et la lubricité de ce qui est devenu le régime de base du campus : la « Semaine du Sexe ».
L’administration de l’université a essayé, semble-t-il, de réduire quelques-unes des manifestations les plus salaces de la « Semaine du Sexe », mais elle y est allée doucement par peur des réactions négatives des étudiants et des professeurs.
« Cette année, a rapporté un journaliste de The Weekly Standard, le but de l’affaire n’était pas d’introduire un sexe effréné à Yale, mais de créer un dialogue ». Eh bien, c’est bon à savoir. Les adultes dans de telles situations ne font jamais remarquer, semble-t-il, l’absurdité complète de la manière dont de nombreux étudiants engagés — dans leurs propres esprits — à « créer un dialogue » étoufferont allégrement la parole des autres, au nom de la justice et de la diversité.
Heureusement, d’autres courants commencent à être connus, même parmi les universités de l’Ivy League. Par exemple, une revue, The Ivy League Christian Observer, décrit maintenant ces outrages. Mais leur effort n’est pas tout négatif, il documente aussi les efforts importants, quoiqu’encore fragiles, faits pour apporter une voix différente aux institutions qui forment la prochaine génération.
Si les médias ou la Catholic Theological Society ou Sœur Margaret Farley elle-même cherchaient vraiment des signes de voix fraîches et différentes dans notre culture, nous verrions apparaître — au moins de temps en temps — les résultats ces efforts courageux et peut-être, peut-être, qu’on devrait leur accorder du respect de temps en temps parce qu’ils sont sincères et rationnels et qu’on ne doit pas en faire des démons.
Les champions de nouvelles façons de penser ne s’intéressent pas à ces choses ; par contre ils se consacrent à défendre des idées et des modes qui, pendant le demi-siècle passé ont détruit les familles, endommagé les enfants et rendu le contrôle nécessaire des impulsions érotiques — tâche que toutes les civilisations qui nous ont précédés ont reconnue comme cruciale pour le bonheur de l’homme et le besoin de grande sagesse — un des tabous réel et non imaginé de la société américaine.
Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing et président de l’Institut Faith & Reason de Washington, D.C. Son dernier livre, The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustains the West, est disponible à Encounter Books.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-real-taboos.html
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Illustration : Affiche au sujet de « La semaine du vrai amour » à Yale.
- NDT : Ivy League est un groupe de huit universités du nord-est des Etats-Unis réputées par leur excellence, leurs stricts critères d’admission et leur élitisme social –Wikipedia.
- NDT : Le Kamasutra est un ancien texte Indien-Hindou de la littérature sanscrite considéré comme une œuvre standard sur la conduite sexuelle par Vātsyāna. –Wikipedia
- NDT :Le Zeitgeist est un mouvement inspiré par le film de Pierre Joseph, Zeitgeist, et fondé en 2008. Il a des chapitres dans 70 pays du monde entier et cherche à changer le monde en créant une société globale non-violente où les ressources seraient utilisées raisonnablement et équitablement partagées.