Conférence publique au Conseil de l’Europe, Strasbourg, le 22 juin 2011 – Salle 3 à 13h
organisée par l’Association nationale pour la défense du droit à l’objection de conscience (ANDOC) et le European Centre for Law & Justice, avec le soutien du Parti Populaire Européen.
Avec la participation de
– Dr. Esteban RODRÍGUEZ MARTÍN, Gynécologue ; objecteur de conscience
– Prof. José Antonio DÍEZ FERNÁNDEZ, Professeur de droit, Coordinateur de l’Association nationale espagnole pour la défense du droit à l’objection de conscience (ANDOC)
– Dr. Grégor PUPPINCK, Directeur du Centre européen pour la justice et les droits de l’Homme, ECLJ, Strasbourg.
A l’occasion de cette conférence sera présenté le Rapport de l’ANDOC réalisé en collaboration avec l’ECLJ sur les atteintes structurelles portées à la liberté de conscience du personnel médical en Espagne. Ce rapport apporte des exemples précis, nominatifs, de médecins ayant été contraints de participer à un avortement ainsi qu’à des procédures de dépistage à finalité eugénique. *
Depuis la loi de juillet 2010, la liberté de conscience des personnels de santé refusant de participer à un avortement ou à une procédure eugénique est structurellement violée, l’avortement n’étant plus considéré en Espagne comme une exception au droit à la vie mais comme un droit autonome et opposable au personnel de santé. La législation espagnole se fonde sur le principe erroné que les professions médicales ont l’obligation professionnelle et morale de pratiquer l’avortement, qu’il s’agisse d’avortement « sur demande » (jusqu’à 14 semaines) ou « eugénique ». Ce n’est qu’à titre de dérogation et de façon restrictive que les professions médicales peuvent demander à faire valoir leur objection de conscience.
Un droit fondamental soumis à autorisation administrative
Contrairement au principe suivant lequel tout droit fondamental s’exerce « de droit », la loi espagnole soumet l’exercice du droit à l’objection de conscience à une procédure administrative stricte. Cette procédure présentée formellement comme déclarative est dans les faits une procédure d’autorisation préalable; en effet, l’expérience a prouvé que l’administration se réserve dans les faits le pouvoir de refuser l’enregistrement de l’objecteur de conscience pour divers motifs.
La création d’une liste noire des objecteurs
L’obligation de se déclarer comme objecteur auprès de l’administration a pour effet de créer un registre nominatif de praticiens selon leur conscience. En outre, cela constitue un moyen de pression sur le personnel médical.
Un droit fondamental soumis à interprétation restrictive
L’autorité administrative chargée de tenir le registre des objecteurs refuse fréquemment des déclarations motifs que l’objecteur de conscience n’est pas suffisamment impliqué dans la procédure d’avortement, ou pour des raisons de délais. En effet, selon cette administration, l’inscription au registre des objecteurs de conscience doit être sollicitée avant que le médecin ne soit confronté à une demande d’avortement. S’il n’a pas eu la prévoyance de s’inscrire à titre préventif, il est dans l’obligation de prescrire ou de réaliser l’avortement.
Des cas ont été reportés dans lesquels des médecins généralistes qui sont pourtant les premiers confrontés aux demandes d’avortement ne sont pas autorisés à exercer leur droit à l’objection de conscience, ils ont l’obligation de renvoyer la femme voulant avorter vers un spécialiste et de signer un certificat de visite requis pour pouvoir avorter.
Un avancement professionnel dépendant du nombre d’avortements prescrits ou pratiqués. Le « Programme d’accréditation des compétences professionnelles » est le programme national de gestion des carrières des professionnels de santé. Parmi les critères de notation des professionnels de santé figure le nombre d’avortement prescrits ou réalisés par année, provoquant ainsi une discrimination au détriment des personnels objecteurs de conscience.
L’absence de droit pour le personnel chargé du diagnostique prénatal.
Un flou préjudiciable au bloc opératoire
Il arrive fréquemment que le personnel médical intervenant au bloc opératoire, tel que les médecins anesthésistes et infirmières, ne soit pas informé correctement de la nature de l’intervention pratiquée, notamment en cas de curetage utérin. De même, en cas d’avortement eugénique, le personnel médical assistant, dont le médecin anesthésiste, n’est pas informé le cas échéant de l’avis négatif du Comité clinique.
Le personnel infirmier ou administratif se voit refuser l’exercice du droit à l’objection de conscience lorsqu’ils sont chargés de remplir les autorisations médicales d’avortement.
Dans certaines communautés autonomes, les violations sont plus nombreuses encore. Ainsi, en Andalousie des instructions officieuses sont envoyées aux professionnels de santé les informant du caractère « obligatoire » du droit des femmes à l’interruption volontaire de la grossesse.. Le recrutement au sein du Service de santé d’Andalousie est soumis à la condition de ne pas être objecteur de conscience.
Ces atteintes structurelles sont en violation directe des normes européennes et internationales
Résolution 1763 PACE du 7 octobre 2010, sur “Le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux.“
§1 « Nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l’objet de pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations d’aucune sorte pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister un avortement, une fausse couche provoquée ou une euthanasie, ou de s’y soumettre, ni pour son refus d’accomplir toute intervention visant à provoquer la mort d’un fœtus ou d’un embryon humain, quelles qu’en soient les raisons. »
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
Art. 10 §2 : “Le droit à l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. “
Recommandation 1518 PACE (2001) sur l’Exercice du droit à l’objection de conscience au service militaire dans les États membres du Conseil de l’Europe
“(…) le droit à l’objection de conscience est une composante fondamentale du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des Droits de l’Homme.“
Convention d’Oviedo du 4 avril 1997
Art. 12: « Il ne pourra être procédé à des tests prédictifs de maladies génétiques ou permettant soit d’identifier le sujet comme porteur d’un gène responsable d’une maladie soit de détecter une prédisposition ou une susceptibilité génétique à une maladie qu’à des fins médicales ou de recherche médicale, et sous réserve d’un conseil génétique approprié. »
Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006
Art. 10 « Les États Parties réaffirment que le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et prennent toutes mesures nécessaires pour en assurer aux personnes handicapées la jouissance effective, sur la base de l’égalité avec les autres. »
CourEDH, Tysiac c. Pologne, 20 mars 2007
Il est possible de se fonder sur l’article 9 de la Convention européen des droits de l’Homme afin de justifier une objection de conscience, si l’individu qui objecte participe de manière active ou passive à la procédure en question.
CourEDH, R. R. c. Pologne, 26 mai 2011
Les Etats doivent organiser les services de santé de telle manière à garantir à la fois « l’exercice effectif de la liberté de conscience des professionnels de la santé dans leur cadre professionnel » et la faculté pour les « les patients d’accéder aux services auxquels ils ont droit selon la loi applicable. »
— – * « Informe sobre vulneraciones al derecho de objeción de conciencia de los profesionales de la sanidad pública en España. 2011 ». (pdf à télécharger ci-dessous)
— – * « Informe sobre vulneraciones al derecho de objeción de conciencia de los profesionales de la sanidad pública en España. 2011 ». (pdf à télécharger ci-dessous)
Documents joints
Pour aller plus loin :
- Droit à l’objection de conscience : l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe remet en cause la liberté de conscience des prestataires de soins de santé
- L'objection de conscience confirmée !
- CEDH : Une régression de la liberté de conscience et de religion en Europe.
- A propos du projet de loi espagnol sur l’avortement
- Manifestations et menaces pour la liberté de réunion, la liberté des médias et la liberté d'expression