Je me permettrais aujourd’hui, profitant de la présence à Radio Notre-Dame de Philippe Bilger, dont on connaît l’indépendance d’esprit, de poser une question complètement iconoclaste, et même – disons-le – insupportable. Les victimes ont-elles tous les droits ?
Bien sûr que les victimes ont des droits: droit de faire reconnaître les préjudices qu’elles ont subis et notamment le pretium doloris. La douleur qu’elles ont éprouvée. Elles ont le droit à une juste réparation. C’est René Girard qui a beaucoup insisté sur cette idée selon laquelle c’était le judéo-christianisme qui avait imposé la primauté de la victime à l’encontre d’un passé immémorial où son innocence se retrouvait bafouée, et où, paradoxalement, elle était en situation d’accusée dans le cadre d’un processus sacrificiel, celui de la victime émissaire. La Bible s’est insurgée contre cette mentalité en imposant, à l’inverse de la perversité de la foule aveugle, l’évidence de l’innocence de la victime. Et dans les Evangiles, Jésus est celui qui refuse d’entrer dans ce processus. Il est l’agneau de Dieu, la victime immolée, mais la victime parfaite, et il refuse de cautionner le lynchage dont il est l’objet.
Depuis cette révolution biblique et évangélique, l’éminente dignité des victimes est désormais reconnue. Et l’opinion, qui dans le passé les accablait, les défend par principe aujourd’hui et même les exalte. Au point que parfois la position victimaire est presque devenue enviable. Ses droits sacrés sont imprescriptibles et sa situation lui permet d’agir sur l’opinion avec une redoutable efficacité.
Pardon de le dire ce matin, mais avec l’affaire de la pédophilie, nous sommes en pleine suprématie victimaire et l’actuelle offensive des médias démontre à l’évidence quelle redoutable puissance est aux mains de ceux qui se sont constitués en lobbies et défendent les intérêts, au demeurant indiscutables, de leurs mandants.
Mais tout de même, et là je serais donc volontiers provocateur, le lobby de défense des victimes de la pédophilie dans l’Eglise catholique est devenu redoutable, il exige et manie des sommes considérables. Il peut parfois ruiner des diocèses. Je serais catholique américain que je finirais par m’insurger. Dois-je être dépouillé de mon église paroissiale, moi qui n’ai rien fait et qui deviens moi-même victime d’une affaire qui ne concerne qu’un très petit nombre et qui finit par peser sur la masse des innocents ? Ne suis-je pas, de plus, fondé à me mettre en colère, lorsque sous le prétexte de dénoncer cette minorité de clercs prédateurs, c’est l’ensemble du clergé que l’on veut déshonorer, en désignant par exemple le célibat sacerdotal comme cause essentielle de perversion ?
N’y aurait-il pas lieu de se coaliser en retour pour défendre l’honneur du sacerdoce et exiger le respect de nos prêtres, qui dans la plupart des cas, sont admirables? Et puis qu’est ce que cette façon de vouloir « se payer le pape » dans une volonté démesurée d’inventer une sorte de coupable absolu ? Disons-le, c’est carrément insupportable et il est grand temps d’arrêter cette folie. Les victimes ont des droits mais elles n’ont pas tous les droits. Et l’actuel emballement médiatique doit être arrêté au plus vite.
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Pour aller plus loin :
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- 3094-René Girard