Les vandales dans le jubé - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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Les vandales dans le jubé

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Le Christ dans le désert de Moretto da Brescia (Alessandro Bonvicino), vers 1520.

Le Christ dans le désert de Moretto da Brescia (Alessandro Bonvicino), vers 1520.

[The MET, New York]

De nombreux lecteurs se souviennent des rénovations que leurs églises ont subies dans les années 1970, arrachant les bancs de communion, jetant des statues de saints à la décharge, blanchissant les murs autrefois décorés de dessins au pochoir, réduisant les autels en décombres ou détruisant les bâtiments en entier, pour les remplacer par – des choses. Il est difficile de trouver comment les appeler.

D’après mon expérience, moins de gens savent clairement ce qui a été fait à la musique, et presque personne ne sait ce qui a été fait aux textes d’hymnes traditionnels qui restent dans Worship, Glory and Praise, Gather et autres instruments de stupidité. Si ces propos semblent dur, je prie le lecteur de considérer combien il est plus facile de ruiner des choses que les gens entendent plutôt que celles qu’ils voient, ou même n’entendent pas mais conservent vaguement dans la mémoire.

J’ai juré une inimitié éternelle contre les stupides liturgiquement et poétiquement. Les cantiques que j’ai nommés me donnent beaucoup de travail. Ne vous trompez pas. Dieu n’est pas bien loué par ce qui est débraillé et stupide ; et le mauvais goût glisse souvent dans la mauvaise théologie. Quand ils font n’importe quoi avec de vieux hymnes, les éditeurs ne cherchent pas tant que nous ressentions ou pensions ce qu’ils aiment, mais plutôt que nous ne ressentions ni ne pensions ce qu’ils n’aimaient pas. Ils soustraient.

Regardez un bel hymne de Carême, gâté par les éditeurs de Worship. Voici les deux premières strophes, telles qu’elles apparaissent dans les anciens livres de cantiques :

Quarante jours et quarante nuits
Tu (« Thou ») as jeûné dans le désert ;
Quarante jours et quarante nuits,
Tenté et pourtant sans tache.
N’allons-nous pas partager Tes (« Thy ») peines,
Et des joies terrestres nous abstenir,
Jeûner en priant sans cesse,
Joyeux de souffrir avec Toi (« Thee ») ?

Il n’y a rien de difficile dans ces lignes. Tout enfant qui prie le Je vous salue Marie et le Notre Père n’aura aucun problème avec Thou, Thy et Thee. Ces pronoms sont pratiques pour les poètes, et la voyelle claire et brillante dans Thee est plus favorable au chant que la voyelle rudement arrondie qui la remplace, You. Étant donné que les éditeurs n’ont souvent d’autre choix que de conserver les premières formes modernes (pensez à « Comme Tu (Thou) es grand » et « Dieu saint, nous louons Ton (Thy) nom »), quel est l’intérêt de les changer ici ? Laissez la poésie tranquille.

Mais ce ne sont pas seulement les pronoms qu’ils ont trouvés intolérables. C’est l’étreinte joyeuse par le poète des pratiques ascétiques du Carême. Si Jésus a jeûné et prié pendant quarante jours et quarante nuits, ne nous précipiterons-nous pas pour le rejoindre ? Les éditeurs se couvrent :

Quarante jours et quarante nuits,
Tu as (« You were ») jeûné dans le désert ;
Quarante jours et quarante nuits,
Tenté et pourtant sans tache.
N’allons-nous pas partager tes (« your ») peines,
Et des joies mondaines nous abstenir,
Jeûner en priant sans cesse,
Forts de souffrir avec toi (« you ») ?

« Aucune différence », pouvez-vous dire. Vraiment ? S’il n’y a aucune différence, pourquoi faire des changements ? Mais il y a une différence. Jésus ne s’est pas abstenu des joies mondaines. La mondanité est au mieux une implication nécessaire dans ce monde d’achat et de vente. Au mieux, cela apporte soins et ennuis. Au pire, c’est le mal : vous appartenez au monde plutôt qu’au royaume de Dieu.

Le carême n’est pas fait pour s’abstenir du péché ! Nous sommes toujours censés le faire. L’abstinence que nous pratiquons dans le Carême concerne des choses licites, et même bonnes. Jésus s’abstenait de nourriture et de boisson et de compagnie humaine ordinaire. Ce sont des joies terrestres.

Pourquoi alors dire que nous devrions être forts de souffrir plutôt que joyeux ? Nous ne sommes pas forts. Notre force vient de Dieu. Le poète ne nous demande pas de serrer les dents. Il demande quelque chose de plus simple et de plus surprenant. Il demande la bonne volonté : cette trace de sourire que l’on voit sur le visage de quelqu’un qui a décidé de s’en passer, quoi qu’il arrive. Dans une telle joie, nous souhaitons être avec Jésus dans le désert maintenant, afin d’être avec lui dans la gloire à venir :

Nous aurons ainsi la paix divine ;
Notre joie sera plus sainte ;
Autour de nous aussi, les anges brilleront,
Tels ceux qui T’ont (« Thee ») alors servi.
Garde, ô garde-nous, cher Sauveur,
Toujours constants à Tes (« Thy ») côtés ;
Qu’avec Toi (« Thee ») nous puissions paraître
Au temps de la Pâque éternelle.

C’est une belle chose d’être joyeux de souffrir aux côtés de Jésus. Il est bien plus beau de connaître cette joie plus sainte, lorsque nous partagerons pleinement son triomphe sur Satan. Car après ces tentations, le diable le quitta et « des anges vinrent et le servirent » (Mt 4, 11). Le poète attend avec impatience le triomphe ultime. Si notre Sauveur nous maintient à ses côtés, constants, indéfectibles dans cette vie, nous apparaîtrons à ses côtés dans la vie à venir, au temps de la Pâque éternelle.

Eh bien, les éditeurs ne pouvaient pas supporter le pronom moderne ancien Thee, et puisque c’était aussi un mot rimant, ils ne pouvaient pas simplement le remplacer par vous. Le résultat enfouit la référence biblique et la scène dramatique qu’il évoque :

Nous aurons ainsi la paix divine ;
Notre joie sera plus sainte ;
Autour de nous aussi, les anges brilleront,
Tels ceux qui vous (« you ») ont servi fidèlement.

La joie plus sainte n’a plus de terme de comparaison : plus sainte que quoi ? Aucune autre joie n’a été mentionnée.

Les anges du ministère là-bas, avec Jésus, dans le désert, sont remplacés par des anges génériques, qui « ont servi » – mais où, quand ? Et fidèlement ? Par opposition à quoi, dans ce poème ? Pourquoi le mot est-il même là ? Seulement parce que les éditeurs avaient besoin d’une rime. C’est boiteux, décevant.

Pourrais-je faire un meilleur travail ? N’importe qui pourrait – en ne faisant rien du tout, sauf de laisser les poèmes tels qu’ils étaient, face à la grande rage de la destruction moderniste.

N’est-ce juste qu’une petite chose ? Multipliez ce cas par les deux cents anciens hymnes que les éditeurs de Worship ont permis de conserver. Considérez que d’autres caractéristiques de la vie chrétienne seront également étouffées ou réduites au silence, de la crainte devant la majesté de Dieu à la douloureuse prise de conscience de la façon dont nous persistons dans le péché.

La moisissure noire ne pèse pas lourd. Mais en voudriez-vous sur vos murs ?

— 

[(À propos de l’auteur

Anthony Esolen est conférencier, traducteur et écrivain. Parmi ses livres, il y a Out of the Ashes: Rebuilding American Culture (« Sortir de la cendre : reconstruire la culture américaine ») et dernièrement, The Hundredfold: Songs for the Lord (« Le centuple : chants pour le Seigneur »). Il est professeur et écrivain à Magdalen College, à Warner, New Hampshire.)]