LES UNIVERSITES « CATHOLIQUES » - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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LES UNIVERSITES « CATHOLIQUES »

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Un jeune Brésilien, que je ne connais pas, m’a envoyé un courriel pour me dire qu’il avait quitté l’Université catholique au Brésil quand le professeur de théologie avait nié la présence réelle, méprisé les règles liturgiques et rejeté la réalité de la résurrection du Christ. Qui paye le salaire de cet enseignant ? Mais depuis longtemps il est clair qu’il n’est pas besoin d’aller au Brésil pour trouver de tels enseignants – ou opinions.

Je suis souvent contrarié par l’usage sans discernement des concepts modernes de « droits de l’homme » et de « valeurs » comme s’ils étaient parfaitement compatibles avec une philosophie réaliste ou la révélation. De telles notions sont apparues avec la philosophie moderne. Généralement ils signifient ce qu’on veut leur faire dire, sauf, bien entendu, ce que les chrétiens ont à l’esprit.

Un ami, auquel je me plaignais de cette confusion, m’a rétorqué : « le cœur et l’âme de la rhétorique ecclésiastique est fondée sur le conflit du christianisme avec l’humanitarisme laïque, ce que Comte appelait « la religion de l’humanité. » Cette « religion de l’humanité », en dépit de son appellation, est, dans notre monde contemporain, l’alternative d’ordre pratique à l’orthodoxie. Je devrais dire « l’alternative au christianisme », mais tant de chrétiens adhérent aujourd’hui dans la pratique à « la religion de l’humanité » que j’hésite à la présenter ainsi.

C’est à quoi je pensais lorsque j’étudiais, en cours, un essai de feu le P. Ernest Fortin, A.A., paru en 1993 sous le titre Avons-nous besoin d’Universités Catholiques ? Fortin, qui était un homme extrêmement fin, est trop rarement étudié. Il commençait par une critique du fameux essai de Mgr. John Tracy Ellis datant de 1955 : Les Catholiques américains et la vie intellectuelle.

Fortin mettait en doute les postulats de cet essai. Le critère de ce qu’une université devait être y était tiré des standards des Universités laïques. Cet essai a servi de justification, pour beaucoup, pour importer et utiliser un système d’évaluation qui n’avait plus de caractère catholique. « L’excellence » consistait à imiter ce qui était fait par les « universités de prestige ».

Fortin avait découvert que les étudiants de quelques écoles catholiques, généralement les plus modestes, recevaient en fait une éducation beaucoup plus libérale que celle dispensée dans les universités laïques ou les plus grandes universités catholiques. Ces petites écoles étaient isolées. La situation présente est bien plus critique. La norme d’une université n’est plus seulement celle d’une université « laïque » mais celle d’une université de « recherche ». C’est là, les initiés le savent, que se trouve l’argent.
Fortin se demandait « pourquoi le gros de l’éducation dispensée à grands frais aux étudiants de nos meilleures écoles est si souvent perçue par ceux-ci comme anémiant et antiseptique au dernier degré ? » Le commentaire de Forbin fait écho à celui d’Allan Bloom selon lequel les plus malheureux étudiants de nos jours se trouvent dans les vingt ou trente meilleures et plus coûteuses universités. Dans leurs esprits fertiles, ils voient qu’ils sont parvenus à intégrer les « meilleures » écoles, ont dépensé tout leur argent, mais sont laissés pratiquement l’âme vide.

Fortin fournit l’explication suivante : « Je pense que la raison en est que la plupart des enseignants sont eux-mêmes les produits de la recherche universitaire contemporaine et imbus de son éthique singulière. » « Quelle éthique singulière ? » demanderez vous. Celle-ci : nos recherches portent sur l’homme sans savoir qui il est. Nous partons du principe qu’il est prouvé qu’il n’existe pas de nature humaine. Donc la science et la recherche ne rencontrent aucune limite.

Dans L’Homme et la Cité, Léo Strauss écrivait justement : « La conquête de la nature requiert la conquête de la nature humaine et donc en premier lieu la mise en question de l’immutabilité de la nature humaine : une nature humaine immuable est susceptible d’ériger des limites absolues au progrès. » C’est à ce « progrès » que s’adonnent nos universités dans leur activité de recherche.

Nous sommes engagés à « créer » un homme nouveau et une humanité nouvelle. Nous avons abandonné la vertu, la discipline et la grâce qui sont nécessaires pour la comprendre et la mettre en pratique. Nous ne réduisons pas notre perspective. Totalement autonomes à l’égard de la nature et de la raison, nous n’acceptons que ce que nous avons bien voulu.

Selon Fortin, « A tout prendre, la philosophie et la théologie ont perdu leur statut de discipline- cadre. Si tant est qu’elles survivent, elles le font comme éléments d’un compromis démocratique au sein duquel la quête des principes de fondation et l’unité de la connaissance sont évacués comme étant non pertinents et hostiles aux idéaux égalitaires de notre époque. » Nous étudions aujourd’hui la « diversité » pour elle-même. Nous ne saurions étudier les concepts transcendants de bien, de bon et de beau (Socrate) sans restreindre notre « progrès », sans impliquer que « tout n’est pas permis » (Dostoïevski).

Nous avons des universités où l’on peut tout étudier sauf ce que nous sommes et sommes capables d’être en vertu de la raison et de la grâce. Nous « recherchons » tout sauf ce qui est. On ne peut pas faire de « recherche » sur les choses les plus élevées. C’est la raison pour laquelle nous sommes libres.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/on-catholic-universities.html