Les semaines sociales furent une création de ce qu’on a appelé « le christianisme social » aux origines du XXème siècle et dans la mouvance de la première encyclique sociale Rerum novarum de Léon XIII. De cette encyclique est née toute une solide tradition dont la dernières encyclique de Benoit XVI, Caritas in veritate constitue le dernier fleuron. La persistance et le dynamisme d’une institution plus que centenaire constituent en soit un sujet de réflexion.
Le christianisme est bel et bien présent sur le front des questions sociales et il entend proposer son éclairage propre, voire des solutions originales, dans un domaine qui est celui du bien commun, de la justice et qui appartient à tous les citoyens. Il ne s’agit pas d’ailleurs de travailler pour les Semaines en dehors du corps social. Elle travaille avec tous les hommes, toutes les femmes de bonne volonté, mais en demeurant fidèle à la source d’inspiration qu’est l’Évangile et à celle de cette tradition féconde constituée par la doctrine sociale de l’Église. Cela n’a pas toujours été facile. J’ai évoqué moi-même ici la crise vécue par le christianisme social dans les années 60 lorsqu’on s’interrogeait sur son bien-fondé. Certains allaient jusqu’à dénoncer une véritable idéologie liée à certains préjugés et à certaines pratiques.
Le pape Jean-Paul II a vigoureusement remis en lumière l’originalité de cette doctrine sociale en expliquant qu’il y a une anthropologie propre à l’Évangile. Cet éclairage fut notamment à l’origine du syndicat Solidarnosc et d’une affirmation très originale des chrétiens dans le monde communiste. On sait que le monde en a été changé. Ce fut, il est vrai, pour affronter d’autres difficultés, d’autres enjeux. Ceux de la mondialisation, d’une libéralisation conquérante et même de la crise économique et financière que nous connaissons aujourd’hui.
Si l’on reprend les thèmes des Semaines sociales, on s’aperçoit qu’elles ont toujours été en phase avec les évolutions sociales et économiques. En 2003 par exemple, en choisissant le thème de l’argent, les semaines s’emparaient d’un sujet crucial, pour déterminer le rôle de la finance dans le développement économique. Mais, plus généralement, maintenir obstinément la primauté de la question sociale constituait une sorte d’avertissement à l’heure d’une économie se prenant pour seule finalité et prétendant ériger en loi suprême la rationalité du capital et la fécondité de l’argent. Il y a d’autres paramètres dans une économie, dans les relations humaines quelles qu’elles soient, notamment celles qui concernent les nouvelles solidarités : solidarité de proche en proche, mais aussi à l’échelle de la mondialisation.
Je me permettais de terminer en insistant sur un point crucial. Il y a quelques jours seulement, la FAO mettait en cause le scandale insupportable de la mort d’enfants pour cause de carence alimentaire. Il me semble que ce scandale devrait en priorité susciter notre solidarité avec une mobilisation à l’échelle de la planète.