L’histoire nous offre de curieux retours. C’est le grand philosophe Giambattista Vico qui a sans doute le plus insisté sur les ricorsi qui structurent le temps, démentant par avance la célèbre formule de Louis-Ferdinand Céline sur « l’histoire qui ne repasse jamais les plats ». L’accord qui vient d’être signé entre le Saint-Siège et le gouvernement chinois nous ramène, d’une certaine façon, un demi-siècle en arrière. On peut dire que sous le pontificat de Paul VI la diplomatie vaticane recherchait des accommodements raisonnables avec les différents États communistes, parce qu’elle ne pouvait faire autrement, en vertu des rapports de force.
Ces accommodements n’étaient pas sans risques, et les adversaires de l’Ostpolitik pratiquée alors par Mgr Casaroli ne se faisaient pas faute de le souligner. Mais Casaroli emportait des succès réels, même modestes, par exemple au moment de la négociation des accords d’Helsinki. Par ailleurs, dans un pays comme la Pologne, où le catholicisme faisait masse, l’Église pouvait mieux se faire entendre qu’en Tchécoslovaquie. De plus, la Pologne avait un primat de très haute stature, le cardinal Wyszynski qui savait parler haut et fort au régime. Nicolas Senèze, dans La Croix d’hier, rappelle qu’à un moment les rapports furent si tendus entre le primat et le régime que ce dernier voulut jouer la carte Wojtyla contre Wyszynski, pensant que le jeune archevêque de Cracovie serait plus accommodant. L’erreur était magistrale. À distance, elle fait sourire, car le futur Jean-Paul II était au diapason des dissidents qui combattaient le totalitarisme avec de nouvelles armes intellectuelles.
Et c’est Jean-Paul II qui mettrait fin à la politique des accommodements raisonnables en soulevant la Pologne contre le régime. Il est vrai qu’avec la Chine aujourd’hui, on retourne à la méthode Casaroli, à cause de l’existence d’un rapport de force imposé par un Parti communiste chinois inflexible, en dépit des transformations de la Chine. À quoi aboutira le compromis réalisé ? Il est difficile de le prévoir, car nous sommes dans la modalité du provisoire et du pragmatisme qui lui correspond.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 septembre 2018.