Il y a actuellement une belle querelle à propos du projet de Nicolas Sarkozy qui consiste à refonder la droite, en s’emparant d’un titre nouveau « Les Républicains ». Celui-ci trancherait avec la multitude des sigles qui ont marqué l’histoire récente des formations politiques. Certains s’indignent carrément qu’on puisse ainsi s’approprier une dénomination qui devrait s’appliquer à tous. C’est le cas de Jean-Noël Jeanneney, auteur d’une véhémente tribune dans Le Monde et par ailleurs descendant d’une très honorable dynastie républicaine. D’autres font remarquer qu’on assiste à un alignement sur le modèle américain, et Régis Debray précise qu’il ne reste au parti socialiste que de se transformer en « Démocrate » pour que la mutation soit pleinement réussie. Mais il me semble que Manuel Valls, bien avant qu’il n’accède à ses responsabilités actuelles, avait manifesté explicitement un tel désir.
Il est vrai que si cela se produisait, ce serait le signe d’un changement profond de nos habitudes et de nos mentalités françaises. Derrière les étiquettes, il faudrait interpréter un véritable changement de paradigme, avec des déplacements idéologiques considérables. Le parti socialiste actuel est loin, dans ses références, de la vieille SFIO. Le tournant de 1983, jamais clairement assumé, constituait déjà un démenti au programme socialiste de François Mitterrand. Pour peu que François Hollande ait eu la volonté de revenir à certains fondamentaux d’une gauche anti-capitaliste, il a tôt fait de se démentir lui-même. Pourtant, je ne suis pas persuadé que cela aboutisse vraiment à un parti français analogue au parti démocrate américain. On pourrait dire la même chose à propos de l’évolution de la droite, qui n’aboutirait pas à un parfait décalque du parti de la famille Bush.
Reste qu’il y a la question de la République elle-même, dont le nom est souvent brandi comme un talisman, et dont il conviendrait de redéfinir la substance philosophique. Faudrait-il pour cela en revenir à Bodin qui affirmait au XVIe siècle : « République est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine. » Mais c’est une toute autre affaire !