Les religions pacificatrices - France Catholique
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Les religions pacificatrices

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Il y a quelques années, l’historien (et ancien ambassadeur d’Israël en France) Élie Barnavi, publiait un essai au titre provocateur : Les religions meurtrières (Flammarion, 2006). La thèse du livre était assez radicale, même si elle était nuancée par l’espoir d’une sorte d’auto-guérison desdites religions par émancipation du fondamentalisme : « On a massacré au nom de Dieu et des Écritures saintes tout au long des siècles et sur tous les continents. » Par chance, l’Occident se serait prémuni des dangers du fanatisme grâce à la laïcité : « Le bonheur de l’Occident, ce fut la laïcité. » Au moment de la parution du livre, nous avions fait part de quelques sérieuses critiques à l’égard d’une argumentation qui nous paraissait un peu systématique, avec quelques affirmations pour le moins risquées, notamment à propos de la Réforme qui aurait accompli elle-même « l’œuvre de laïcisation qui était au cœur de la modernité politique » et des Lumières unilatéralement louées pour leurs vertus émancipatrices. C’était aller un peu vite dans la démonstration, qui oubliait notamment ce qu’Alphonse Séché nommait les guerres d’enfer imputables aux idéologies modernes.

C’était aussi oublier que la laïcité ouverte, dont on se félicite aujourd’hui, n’avait pu prendre son essor que par la défaite de la laïcité de combat. Mais ce type d’objections ne pouvait effacer ce qu’il y avait de fondé dans la pensée d’Élie Barnavi. Il est trop vrai que la religion a été souvent associée à des entreprises meurtrières, dès lors qu’elle fournissait en justification des projets de domination politique. Sur ce point, Élie Barnavi n’était pas toujours attentif au fait que les guerres dites de religion en Europe n’avaient pas été d’abord motivées par des querelles dogmatiques. Comme l’a montré le théologien américain William Cavanaugh (Le mythe de la violence religieuse, Éditions de l’Homme Nouveau, 2009), il s’agissait en fait d’un phénomène de montée en puissance des États qui voulaient s’approprier le pouvoir spirituel. Il n’empêche qu’il y avait quelque chose de pervers dans cette symbiose que la sécularisation politique allait faire éclater en faveur de recompositions problématiques.

L’initiative du pape François, réunissant les présidents Shimon Peres et Mahmoud Abbas pour une prière commune, semble démontrer que nous passons à une autre étape de l’histoire. Celle où l’autorité spirituelle, désencombrée de toute charge temporelle, est en mesure de faciliter un face-à-face inédit avec l’autorité politique. C’est cette dernière qui se trouve invitée à s’interroger elle-même, face au Dieu qui est au-delà de toutes les querelles humaines, sur le courage moral qui permet aux ennemis de devenir artisans de paix et de se reconnaître frères dans un commun héritage abrahamique.