Ouagadougou a été le théâtre d’attentats ces dernières années, ainsi que d’une vague d’enlèvements plus récemment, dont a été victime le Père Joël Youbare. Quelle est votre analyse sur la montée de l’islamisme ?
Cardinal Ouédraogo : Le défi de l’insécurité est une tragédie mondiale ! Tous les continents sont frappés de plein front : Amérique, Europe, Asie…avec les récents et douloureux événements du Sri Lanka qui ont causé tant de victimes innocentes à Pâques. Les pays du Sahel sont également pris dans la fournaise ! Mais la Semaine sainte et les fêtes de Pâques se sont déroulées sans incidents à Ouagadougou. Nous avons confié les trois sacrements de l’initiation chrétienne, baptême, confirmation et eucharistie à des centaines de baptisés à travers nos différentes paroisses dans la sérénité et l’action de grâce.
Ouagadougou est pour sa part une capitale meurtrie, qui a déjà été victime de trois attaques terroristes sanglantes, sans compter celles menées aux frontières du pays. Pourquoi le Burkina est-il devenu une des cibles de ces groupes islamistes ? Récemment, nous venons encore de perdre un missionnaire espagnol à la frontière du Togo. Un missionnaire italien a été enlevé à la frontière du Niger et une religieuse colombienne également à la frontière du Mali. Toute la sous-région est confrontée à ce drame de l’intégrisme.
Que faire face à l’islam radical ?
Le dialogue interreligieux est d’une grande importance. À Ouagadougou, j’ai continué ce que je faisais dans le diocèse d’Ouahigouya dont j’étais l’évêque de 1996 à 2009, et qui est un diocèse à forte majorité musulmane : les leaders religieux se sont rapprochés les uns des autres. Avec les protestants et les musulmans, nous avons travaillé main dans la main avec les chefs coutumiers.
Récemment encore, au nord du pays, il y a eu des attaques. Un chef de village a été tué avec cinq membres de sa famille. La population écœurée, qui n’a pas pu mettre la main sur les tueurs, s’est rabattue sur ceux qui ont hébergé les djihadistes. Notre crainte est que cette crise-là débouche sur un dérapage ethnique et communautaire à coloration religieuse.
Dans ce contexte, comment se porte l’Église ?
L’Église au Burkina est une Église en marche avec un élan missionnaire. C’est le récit de la pêche miraculeuse, tiré de l’Évangile de saint Luc, quand Jésus demande aux apôtres ayant passé toute une nuit sans prendre de poisson : « Avancez au large et jetez vos filets. » Ils ont obéi et le miracle s’est produit ! Cette injonction du Christ constitue une feuille de route.
C’est une Église en marche depuis 1900 puisque les premiers missionnaires, les Pères Blancs, sont arrivés à cette date en Haute-Volta, l’actuel Burkina Faso, et se sont établis à Koupela, à 140 km de la capitale. Puis à Ouagadougou dès 1901.
Dans la Bible, plusieurs images explicitent la réalité ecclésiale. Nous comparons l’Église à un arbre, dont tous les baptisés sont les branches, ou à un troupeau mené par le Bon Pasteur. Mais l’image la plus significative, pour nous autres Africains, c’est l’image de la famille à l’africaine. Pas la petite « cellule familiale » avec père, mère et enfants, mais la famille au sens large avec frères, oncles, cousins, neveux…
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