Interrogé sur les raisons qui l’avaient amené à entrer au sein de l’Église, Chesterton 1 fit cette célèbre réponse : « pour me débarrasser de mes péchés.»
Le Nouveau Testament est bien clair là-dessus, la remise des péchés est le but central de la rédemption. Le Christ n’est pas venu d’abord pour dire ce que sont les péchés — il faut vraiment être borné pour ne pas avoir la moindre notion de ce qu’ils sont — mais pour les pardonner.
Il a proclamé ce pouvoir de pardonner, en vérité un pouvoir divin. Ce qui a scandalisé les chefs Juifs en L’entendant. Mais Il était décidé. Et il a poursuivi en conférant à Ses apôtres dans l’Église le pouvoir de perpétuer le but fondamental de pardonner, mais exclusivement en Son nom.
La venue du Christ nous soulage finalement donc en nous conférant un moyen authentique de nous défaire de nos péchés. On peut penser que c’est notre désir car nous sentons le poids de nos péchés. Les « tu ne commettras pas… » des commandements sont le B. A. – BA.
Chesterton a aussi noté que nous avons reçu ces interdictions afin de préserver notre liberté de ne pas commettre de péchés si nous voulons éviter d’en porter le poids.
Le péché, même si nous prétendons le dire bon, ce qui, étonnamment, est un refrain courant de nos jours, nous empêche de faire ce que nous souhaitons, d’atteindre le bien désiré. En vérité, même en commettant un péché, nous cherchons le bien, mais le faisons de travers, en toute liberté.
Il ne faut pas s’étonner outre mesure que bien des gens, nous compris, commettent des péchés. C’est attristant, mais pas surprenant. L’Église est là pour nous procurer le pardon de nos péchés. Elle rétablit la relation directe avec Dieu, que nous brisons en péchant.
Le Christ n’a jamais dit qu’un jour ou l’autre Lui ou quelqu’un d’autre donnerait une méthode pour éviter de pécher. Il nous a laissé notre libre arbitre. La seule manière d’éliminer le péché serait de supprimer le libre arbitre. Joseph Ratzinger, dans « Le sel de la terre », disait: « Il peut se produire que des collisions et des ruptures se répètent car la rédemption est toujours intégrée à la liberté de l’homme, et Dieu n’enlèvera jamais cette liberté.» Nier le péché, de quelque manière que ce soit, est simplement mentir.
Ainsi, les pécheurs ne sont pas le pire danger dans l’Église. Ils sont une raison d’être pour l’Église telle qu’elle est. On raconte parfois que, sachant qu’on sera pardonné, on peu pécher sans limites. Le Christ Lui-même était plutôt généreux quant au nombre de fois où nous devrions pardonner, mais Il n’encourageait pas à pécher.
Il y a cependant un vrai problème en relation avec ces considérations. On peut affirmer que l’Église a des « ennemis », ceux qui entravent son action, ceux qui établissent d’autres religions ou des idéologies en vue de la remplacer ou de la combattre.
Beaucoup de pays dans le monde, bien plus qu’on ne croirait, et même chez nous, ont des lois ou textes officiels excluant ou réduisant la liberté de pratiquer ou de justifier la foi. De telles restrictions sont parfaitement injustes. Elles révèlent un côté du mystère de l’iniquité, le mystère de la détestation du bien, de la haine de Dieu.
Dans les années 1930, pendant la guerre d’Espagne, et confronté à d’autres questions en Allemagne et en Italie, Pie XI a posé cette question-là: « Qui sont les plus dangereux ennemis pour l’Église?»
Sa réponse:
« Les pires persécuteurs de l’Église ont été ses propres évêques, prêtres et religieux infidèles. L’opposition de l’extérieur est terrible, et a donné de nombreux martyrs. Mais les pires ennemis de l’Église sont ses traitres.»
Comment cela se peut-il, demanderez-vous? La mission de l’Église « ad extra » (envers « les autres ») repose essentiellement sur le témoignage de vérité par les chrétiens eux-mêmes, en particulier par ceux qui occupent des postes élevés, clercs ou laïcs.
De manière analogue, Jean-Paul II expliquait aux évêques européens en 1982 que « les crises chez les européens et en Europe sont des crises et des tentations pour les chrétiens et dans l’Église d’Europe.» On pense habituellement que le drame du monde se joue hors du plan divin de la rédemption. Il n’en est rien.
C. S. Lewis [écrivain, poète, théologien laïc, 1898 – 1963] notait dans « Mere Christianity » (Simple christianisme) que le plus grand mal qu’on puisse commettre est de dire bon ce qui est mauvais, et mauvais ce qui est bon. Peu importe que parler ainsi soit emballé dans une forme de relativisme, de théorie de diversité, ou de soif de pouvoir. Le résultat est le même.
À la fin, à l’aide de termes sophistiqués, nous disons que ce qui est mal est bien. Nous légiférons pour justifier cette inversion du bien et du mal, ce qui, en fin de compte, ne change rien. On ne fait que pénaliser ceux pour qui les « tu ne commettras pas . . . » restent la règle.
Mais le problème essentiel demeure: les « permissifs » qui justifient et ouvrent la porte au mal avec leurs âmes déboussolées. Le repentir demeure la seule voie pour empêcher ce retournement, le repentir et, comme le dit Benoît XVI, le bons sens.
James V. Schall, S.J.
Photo : Pie XI: « les pires ennemis de l’Église sont ses propres traitres.»