Il y a bientôt cinquante ans, la psychologue américaine, Catherine Morris Cox faisait une découverte dont on s’étonne toujours qu’en tant de temps, elle n’ait pas davantage inspiré les réflexions des philosophes (a).
Ayant soigneusement étudié la biographie de trois cents grands hommes sur lesquels l’Histoire avait enregistré assez de précisions pour que l’on puisse a posteriori chiffrer leurs performances aux tests actuellement utilisés pour déterminer le quotient intellectuel (Q. I.), C. M. Cox avait tout simplement calculé le Q. I. de Pascal, Newton, Copernic, Faraday, etc. À première vue, cette tentative peut sembler burlesque : comment mesurer l’intelligence d’individus morts depuis si longtemps ?
Un Copernic très moyen
Mais ce scepticisme ne saurait s’appuyer que sur l’ignorance, ou bien sur des malentendus. En particulier, sur l’ignorance de ce que sont les tests d’intelligence. Ceux-ci ne laissent pratiquement rien à l’appréciation subjective. Ils consistent essentiellement en une série d’épreuves graduées aboutissant à des évaluations chiffrées. Les épreuves ne requièrent aucune culture du sujet testé. Elles peuvent être affrontées par chacun avec des chances égales, quelles que soient son éducation et son instruction. Tous les divers types d’esprit (visuel, verbal, etc.) y trouvent leur compte.
D’autre part, ces épreuves sont de même structure, de même nature que celles à laquelle la vie affronte notre intelligence. Par conséquent, dans une biographie bien détaillée, on rencontre presqu’à tout instant des épisodes qui trouvent leur équivalence parmi les tests actuels. Quant aux malentendus, ils concernent essentiellement la définition de l’intelligence : comment sait-on si les psychologues à qui nous sommes redevables de ces tests (notamment le Français Binet 1 et l’Américain Terman 2 ) étaient eux-mêmes assez intelligents pour savoir de quoi ils parlaient ? Je dis qu’il s’agit d’un malentendu, car le mot « intelligence » comportera toujours un flou, une incertitude d’extension et de compréhension, quelle que soit l’analyse sémantique qu’on en propose.
Binet, on le sait, écartait ce problème par sa boutade fameuse : « L’intelligence, c’est ce que mesurent mes tests. » Il est possible, convenons-en donc dès l’abord, que la définition de l’intelligence impliquée dans les dispositifs inventés par Binet et améliorés par ses successeurs soit insuffisante. Mais en tout état de cause, elle l’est moins que toute autre, puisqu’elle se prête à des analyses chiffrées et à toute modification que l’on jugera désirable. Les tests actuels ont été confrontés à l’expérience et discutés par des milliers de spécialistes depuis Binet. Ils sont le résultat d’un consensus à peu près universel sur la meilleure définition de l’intelligence.
Il est certes possible que ces milliers de spécialistes en discussion depuis si longtemps n’aient pas abouti à des résultats suffisants : la discussion est toujours ouverte. Mais il se trouve que les tests actuellement utilisés montrent depuis longtemps leur fiabilité. Des psychologues comme C.-W. Taylor, R.-L. Ellison et autres ont pu suivre des sujets en grand nombre, tout au long de décennies et voir la vie confirmer les diagnostics portés par le test dès l’enfance des sujets testés.
Cela dit, venons-en à la découverte de C. M. Cox, à laquelle j’ai eu plusieurs fois l’occasion de faire allusion dans de précédentes chroniques 3 . Elle a trouvé tout simplement qu’il n’existe aucune relation, aucune corrélation, aucun lien de cause à effet entre l’intelligence et le génie ! Certes, il y a de grands génies très intelligents : pourquoi n’y en aurait-il pas ? Il eût quand même été surprenant que l’un fût exclusif de l’autre ! C’est ainsi que le Q. I. de Goethe peut être évalué à 180-190 (la moyenne étant 100). Mais Copernic atteint tout juste la moyenne, de même que Faraday qui fut peut-être le plus extraordinaire physicien expérimental de tous les temps ! Cromwell se situe vers 110-120, ainsi que Newton, J.-S. Bach à peine au-dessus, Rousseau, Calvin, vers 130-140, Kepler au-dessous de 150. Tous ces hommes extraordinaires (et beaucoup d’autres) furent moins intelligents que les meilleurs élèves du premier lycée venu. Leur grandeur fut, certes, de nature intellectuelle, mais ce n’était pas l’intelligence ! 4
Quoi donc, alors ? Si la trouvaille de C. M. Cox n’a guère stimulé les philosophes, il est juste de dire que les psychologues, eux, ont été plus curieux. Ils ont essayé de savoir en quoi consiste le génie.
L’une des études les plus intéressantes est celle d’Anne Roe (b), qui voulut voir si les résultats de C. M. Cox étaient confirmés par les savants actuels. Elle a donc demandé à des commissions de physiciens, de biologistes, de psychologues et d’anthropologistes de désigner les plus éminents savants des États-Unis dans chaque spécialité. Après quoi, elle a demandé à ces derniers de bien vouloir se laisser examiner par des équipes de psychologues 5 . Sans entrer dans le détail, disons qu’en effet, comme l’avait découvert Cox, le génie et l’intelligence n’entretiennent que des rapports de bon voisinage.
Certains de ces éminents esprits n’ont pas su résoudre plusieurs des épreuves qui leur étaient présentées. Il y a, certes, parmi eux, des hommes (ou femmes) très intelligents. Leur moyenne est (quand même !) supérieure à celle du commun des mortels. Mais leur prééminence scientifique ne va pas de pair avec leur intelligence. Les plus intelligents ne sont pas les plus créateurs. Les plus créateurs se répartissent à peu près au hasard dans un classement par performance intellectuelle 6
Intelligence n’est pas création
Mais à travers cette étude s’éclaire un peu le mystère du génie, qui semble bien être, comme le disait Buffon, une espèce de « longue patience ». Plus précisément, la créativité est le produit d’un trait de caractère plus que d’un éclat de l’intelligence. Elle vit d’une tension profonde de la curiosité et de la volonté, d’une obsession profonde de l’être. La racine du génie n’est pas dans l’intelligence, mais dans la volonté 7.
Tout cela devrait être médité par ceux qui s’interrogent sur l’avenir de l’homme dans un monde de plus en plus livré à des machines plus « intelligentes » que nous. Si nous abdiquons notre être moral, nous ne servirons bientôt plus à rien. Les machines nous remplaceront, et sans que le monde y perde rien.
Aimé MICHEL
(a) C. M. Cox : Genetic studies of genius, Vol. II : the early mental traits of 300 geniuses (Stanford University Press, 1926).
(b) Anne Roe : A psychologist examines 64 eminents scientists (Scientific American, vol. 187, 1952), et The making of a scientist (Dodd Mead, 1952). Anne Roe est une femme, comme C. M. Cox. C’est un hasard, bien entendu.
Les Notes de (1) à (7) sont de Jean-Pierre Rospars
(*) Chronique n° 66 parue dans F.C. – N° 1304 – 10 décembre 1971. Reproduite dans La clarté au cœur du labyrinthe, chap. 7 « Psychologie humaine », pp. 206-207.
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Rappel :
Deux livres qu’il faut absolument faire connaître :
Aimé Michel, « La clarté au cœur du labyrinthe ». Chroniques sur la science et la religion publiées dans France Catholique 1970-1992. Textes choisis, présentés et annotés par Jean-Pierre Rospars. Préface de Olivier Costa de Beauregard. Postface de Robert Masson. Éditions Aldane, 783 p., 35 € (franco de port).
Aimé Michel, « L’apocalypse molle ». Correspondance adressée à Bertrand Méheust de 1978 à 1990, précédée du « Veilleur d’Ar Men » par Bertrand Méheust. Préface de Jacques Vallée. Postfaces de Geneviève Beduneau et Marie-Thérèse de Brosses. Éditions Aldane, 376 p., 27 € (franco de port).
À payer par chèque à l’ordre des Éditions Aldane,
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- Alfred Binet (1857-1911), que nous avons cité à propos de son livre Psychologie des grands calculateurs et joueurs d’échecs (chronique n° 64, L’« infirmité » de la mémoire, parue ici il y a deux semaines), né à Nice, dirigea le département de psychologie physiologique de la Sorbonne à partir de 1892. Trois ans plus tard il fonda le périodique scientifique L’Année psychologique. En 1903, il publia son célèbre ouvrage L’Étude expérimentale de l’intelligence. En 1904, il fut chargé par le ministère de l’Instruction publique de mettre au point des techniques permettant de dépister les enfants qui pourraient bénéficier d’une éducation spécialisée. L’année suivante il publiait avec Théodore Simon le résultat de sa recherche dans un long article de L’Année psychologique. Il y proposait un grand nombre d’épreuves, conçues de façon pragmatique, portant sur des aptitudes diverses et simplement classées par ordre de difficulté croissante. « C’est l’intelligence seule que nous cherchons à mesurer, écrivait-il, en faisant abstraction autant que possible du degré d’instruction dont jouit le sujet. (…) Nous ne lui donnons rien à lire, ni à écrire, et nous ne le soumettons à aucune épreuve dont il pourrait se tirer avec de l’érudition ». Il ajoutait « Cette échelle permet, non pas à proprement parler la mesure de l’intelligence – car les qualités intellectuelles ne se mesurent pas comme des longueurs, elles ne sont pas superposables ». Déjà il craignait le mauvais usage qu’on pourrait faire de son échelle d’intelligence, alors qu’elle ne visait dans son esprit qu’à sélectionner les enfants ayant besoin d’aide. En 1908, il attribua un âge mental à chaque épreuve : l’âge le plus jeune auquel un enfant d’intelligence normale était capable de la réussir. L’enfant passait les tests en commençant par les plus faciles ; l’épreuve à partir de laquelle il échouait donnait son âge mental. Binet calculait la différence entre l’âge mental et l’âge chronologique mais ce choix n’était pas très judicieux car une même différence signale un retard d’autant plus grand que l’enfant est plus jeune. C’est l’Allemand Stern qui, en 1912, proposa à juste titre de calculer plutôt le quotient des deux âges (multiplié par cent pour éviter les décimales) : le « quotient intellectuel » (QI) était né. « De tous les psychologues, devait écrire Terman (voir ci-dessous), celui que je préfère est Binet, non pas à cause de son test d’intelligence, qui ne fut qu’une conséquence de sa vie de travail, mais à cause de l’originalité de ses vues, de son ouverture d’esprit et du charme rare de sa personnalité qui brille dans tous ses écrits » (cité par www.indiana.edu/ intell/terman.shtml).
- Lewis M. Terman (1877-1956), une des grandes figures de la psychologie américaine, fut professeur à l’Université de Stanford de 1910 à sa mort. Son père fut le doyen de cette université et contribua beaucoup à son développement. Terman doit sa célébrité notamment à la révision du test d’Alfred Binet qu’il publia avec Maud Merril en 1916 : le test de QI dit de Stanford-Binet. Il s’intéressa toute sa vie aux génies et aux enfants doués. Il étudia en particulier un échantillon d’enfants surdoués qu’il suivit jusqu’à l’âge de 35 ans et montra dans les cinq volumes de ses Études génétiques du génie (1925-1959) que, contrairement à un stéréotype de l’époque qui les considérait comme asociaux et bizarres, ils étaient en bonne santé et réussissaient socialement et professionnellement avec un taux de divorce plus faible que la moyenne. Depuis les années 60, on reproche à Terman de n’avoir pas été sensible aux biais culturels propres aux tests psychologiques et de n’avoir pas prévu leurs effets négatifs sur les enfants de familles pauvres et des minorités raciales. Il pensait que les résultats obtenus par son test prouvaient que « l’intelligence du Noir moyen est très inférieure à celle de l’homme blanc moyen. (…) L’intelligence de l’Indien américain (…) n’est pas grandement supérieure à celle du Noir moyen. Notre population mexicaine, qui est en grande partie d’origine indienne, ne montre guère de meilleurs résultats » (cité par www.nndb.com/people/478/000165980/). Il fut donc un eugéniste militant, ce qui était une opinion majoritaire dans les milieux scientifiques de son époque.
- C. M. Cox n’est citée, sauf erreur de ma part, que dans une seule chronique antérieure, la n° 54 Le temps pourri, que nous publierons ici ultérieurement. Pour Anne Roe voir les chroniques n° 67, La querelle des programmes, parue ici le 26 avril 2010, n° 40, Quand les chiffres plébiscitent la famille, parue le 25 mai 2010, et la note 2 de la chronique n° 35, Un bébé encombrant (25 octobre 2010).
- Anne Roe dans le chapitre 12 « Jusqu’à quel point les scientifiques sont-ils intelligents ? » de son livre The making of a scientist (Dood, Mead & Co, New York, 1952) résume ainsi le travail de Catherine Cox : « Quand le Dr Cox fit une étude intensive des biographies d’hommes célèbres, elle et ses associés estimèrent leur QI sur la base des rapports de ce qu’ils avaient été capables de réaliser à différents âges. » Elle donne un tableau des QI obtenus qui, curieusement, ne coïncide pas avec celui d’Aimé Michel puisque Pascal se voit attribuer un QI de 195, Newton 190, Kepler 175, Faraday 170 et Copernic 160 ; les deux meilleurs QI étant ceux de Leibniz (205) et de Goethe (210).
Stephen J. Gould fait une critique dévastatrice de ces prétentions dans La mal-mesure de l’homme (trad. par J. Chabert et M. Blanc, Odile Jacob, Paris, 2009, pp. 220-224). Catherine Cox, une collaboratrice de Terman, partit d’une liste de 1000 « instigateurs de l’histoire » publiée par un autre chercheur, liste qui était fondée sur la longueur des articles écrits à leur sujet dans les dictionnaires biographiques. Elle réduisit cette liste à 282 personnages, « rassembla toutes les informations biographiques précises sur leur jeunesse et se mit à estimer deux valeurs de QI pour chacun d’eux – l’une, appelée QI A1, allait de la naissance à l’âge de dix-sept ans ; l’autre, le QI A2, de dix-sept à vingt-six ans. » (Ces deux listes expliquent peut-être les valeurs différentes données par Anne Roe et Aimé Michel). Gould signale plusieurs difficultés.
Primo, sur les cinq personnes, dont Terman, auxquelles elle demanda de lire ses dossiers et d’évaluer les deux QI, trois s’accordèrent mais les deux autres donnèrent des QI divergents, l’un nettement supérieur, l’autre nettement inférieur. Cox rejeta les estimations des deux derniers !
Secundo, les experts partaient d’une base de QI de 100 pour chaque individu puis ajoutaient ou plus rarement retranchaient à cette valeur selon les données fournies. « Les différences de QI que Cox relevait parmi ses sujets ne mesurent nullement leurs talents divers, encore moins leur intelligence innée. (…) [Ses] estimations de QI ne reflètent guère autre chose que le volume des informations disponibles. En général, un faible QI traduit une absence de données sur le sujet et un QI élevé une liste substantielle. »Ainsi on ne connaît presque rien de l’enfance de Cervantès et Copernic, ce qui explique leurs QI très bas. En outre les génies nés dans des familles humbles (Faraday, Bunyan, Masséna, Saint-Cyr, Shakespeare etc.) sont doublement pénalisés : « les précepteurs et les scribes ne foisonnent pas pour encourager, puis narrer sur le papier, les précoces exploits des futurs grands esprits » ; en outre « Cox utilisant le stratagème favori des eugénistes, estimait l’intelligence des parents d’après leur métier et leur statut social » et en tenait compte pour corriger, en plus ou en moins, le QI des enfants. « Un enfant qui n’avait rien fait de remarquable pendant les dix-sept premières années de son existence pouvait néanmoins se voir gratifier d’un QI de 120 en vertu de la richesse ou du prestige de la profession de ses parents. »
Gould termine son réquisitoire par ces mots : « On pourrait paraphraser le célèbre mot de Voltaire sur Dieu et dire pour conclure que, même si l’information nécessaire sur le QI des grandes figures de l’histoire n’existait pas, il était probablement inévitable que les héréditaristes essaieraient de l’inventer. »
- Voici en quelques mots les conclusions tirées par Anne Roe de son étude de 64 scientifiques éminents (tous Américains).
1/ Ils diffèrent des autres gens par ce qu’ils font, par ce qui leur procure des satisfactions, non par des aptitudes très particulières.
2/ Ils proviennent de familles instruites ; aucun d’entre eux n’a eu de père travailleur non qualifié « et aucun ne vient d’une famille catholique » (p. 231).
3/ Plus souvent que d’habitude ces hommes ont dû tabler sur leurs propres ressources.
4/ Ils ont manifesté très tôt un intérêt en rapport avec leur future spécialité.
5/ Leur niveau intellectuel est élevé avec des différences d’aptitudes : plutôt verbales en physique théorique et en sciences humaines, plutôt non verbales en physique expérimentale, les anthropologues étant faibles sur les tests mathématiques.
6/ La structure de leur personnalité diffère aussi suivant leur spécialité : les biologistes insistent plus sur les contrôles rationnels et sont plus critiques, les physiciens sont anxieux et peu doués pour les relations sociales, les praticiens des sciences humaines sont très soucieux de ces relations.
7/ Ils consacrent une grande partie de leur temps à penser afin de trouver des réponses à des questions qu’ils se posent.
8/ Ils ont besoin d’indépendance, d’autonomie, de maîtrise personnelle de leur environnement.
- Cette conclusion n’est pas explicitement formulée par Anne Roe mais s’accorde bien à son propos : « La nature de l’intelligence est un sujet sur lequel il y a un grand et violent désaccord parmi mes collègues, mais ils s’accordent assez bien sur quelques points importants. Il semble généralement accepter qu’il y a plus d’une sorte de capacité intellectuelle. Il y a encore un désaccord quant à leurs relations hiérarchiques, par exemple y a-t-il un facteur général plus un ensemble d’aptitudes particulières, tels que des aptitudes mathématiques, ou y a-t-il un nombre indéterminé d’aptitudes particulières, toutes de même rang ? C’est une simplification à l’extrême de l’argument mais il donne l’idée générale. » (p. 156). Sur ce, l’auteur distingue les trois aptitudes les plus couramment distinguées : verbales, à comprendre et utiliser le langage, spatiales, à percevoir les relations spatiales et enfin numériques, à manipuler les nombres. « Il est un point supplémentaire important, et démontrable, que ces diverses aptitudes ne sont pas étroitement apparentées. C’est-à-dire qu’un homme qui est bon dans l’une, n’est pas nécessairement bon dans une autre. Ni nécessairement mauvais dans la seconde s’il est bon dans la première. En termes statistiques, il y a une corrélation faible entre elles. » (p. 157). Anne Roe ajoute en note « En plus de tout cela, le travail le plus récent incline à penser que ce fut une erreur d’essayer de séparer si rigoureusement le comportement intellectuel et d’essayer de le tester en tant qu’unité substantielle. On se demande maintenant si on ne ferait pas mieux de travailler le problème d’une manière différente en essayant d’inclure d’autres facteurs tels que la motivation. J’approuve fortement cette vue. Je suis convaincu depuis longtemps que l’“aptitude créativeˮ n’existe pas en tant que facteur unitaire que certaines personnes ont et d’autres pas, et je suspecte fortement que j’en viendrai bientôt à la conclusion qu’il en va de même pour l’aptitude intellectuelle en tant que facteur séparé. ».
- Lee Smolin remarque à propos d’Einstein : « Il était lent à comprendre une argumentation et facile à désorienter ; d’autres étaient beaucoup plus habiles en mathématiques. On raconte qu’Einstein lui-même disait : “Ce n’est pas parce que je suis si intelligent. C’est parce que je reste avec mes problèmes plus longtemps.ˮ » (Rien ne va plus en physique, Dunod, 2006, p. 400). S’appuyant sur le travail de Cox, Rémy Chauvin assure que « la grande majorité des génies montrent tous un degré inhabituel de persistance (maintien de la motivation), de persévérance en face des obstacles, et un degré très élevé d’ambition. » (Les surdoués, Stock, Paris, 1975, p. 125). Pour l’exemple de Kepler voir la chronique n° 38, La petite lampe de Prague, parue ici le 12 avril 2010.