« Les oubliés de la crise sanitaire » - France Catholique
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Dieu face à l'État
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« Les oubliés de la crise sanitaire »

Quels enseignements tirer de cette période de pandémie du point de vue juridique ? Christophe Éoche-Duval, conseiller d’État3, a publié deux récentes études sur le statut des aumôniers d’hôpitaux et sur le droit de visite aux malades.
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« Alors même qu’ils répondent au besoin spirituel des patients, ils ont souvent été bloqués à l’entrée par les plans blancs… »

« Alors même qu’ils répondent au besoin spirituel des patients, ils ont souvent été bloqués à l’entrée par les plans blancs… »

Les services d’aumônerie d’hôpitaux ont été particulièrement éprouvés pendant la crise sanitaire. Quels sont leur rôle et leur statut dans une République laïcisée ?

Christophe Éoche-Duval : Les aumôniers d’hôpitaux remontent loin dans notre histoire ; depuis le Moyen Âge l’habitude est que les « hospices » s’attachent le service rémunéré d’un chapelain qui prendra le nom d’aumônier. C’est cette situation de fait qui indispose la République en 1905. Les aumôneries s’étaient développées dans tous les établissements que l’on peut dire « reclus » : prisons, hospices et hôpitaux, internats, casernes. Rémunérées sur crédits publics, elles auraient dû passer à la trappe.

Mais au cours des débats, l’amendement du député Maurice Sibille est providentiellement adopté. À deux voix près, il sauve les aumôneries d’une interdiction de financement d’activité non laïque. L’article 2 de la loi de 1905, aujourd’hui encore, est la seule disposition qui sauvegarde leur existence !

On en compte 3 439 en exercice en 2018, la majorité sous statut bénévole. Leur statut est pluriconfessionnel, mais les catholiques y restent très largement majoritaires. À partir de 1982, leur sécularisation est très nette – 10 % de prêtres désormais – et la féminisation décolle – 80 %. C’est seulement depuis un décret de 2007 qu’est confirmé le statut d’agent public dans leur contrat d’engagement par l’hôpital – classé catégorie C de la fonction publique hospitalière. Mais encore faut-il que l’établissement de santé décide de recruter un aumônier, et ne se contente pas de bénévoles.

Quelle carence constatez-vous ?

Ce qui frappe est le contraste entre leur officialisation dans la loi de 1905, un principe dont nous pensons qu’il a valeur de garantie constitutionnelle, et l’extrême pauvreté de leur statut, exclusivement précisé par voie de règlements et circulaires, à peine complété d’un décret en 2017 – qui avait plus pour but de leur imposer une formation civique républicaine.

Le nombre d’aumôneries, de contractuels ou de bénévoles, est en fait « à la main » du directeur de CHR ou CHU. Cette précarité s’est trouvée au cœur de la pandémie. Alors même qu’ils répondent au besoin spirituel des patients, ils ont souvent été bloqués à l’entrée par les plans blancs déclenchés pendant le confinement. C’est très injuste et sujet à caution juridique.

Cette crise a révélé leur faiblesse : un seul petit article du Code de la santé publique les mentionne, aucun du Code de l’action sociale et des familles. Il n’y a pas de droit à l’aumônier reconnu par les textes dans le secteur médico-social à statut privé, majoritaire.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.