Il ya plusieurs années, quelques facultés et universités religieuses ont été troublées par des débats sur la question de savoir si Les monologues du vagin devaient être joués sur leurs campus. Beaucoup – plusieurs d’entre elles étant catholiques – ont été contraintes d’autoriser la pièce controversée au motif que ce serait aller contre la « liberté de l’enseignement » de ne pas le faire.
Cependant, au moins une faculté a osé franchir le pas de bannir la pièce du campus, mais peut-être pas pour les raisons auxquelles on pourrait s’attendre. Le Collège Mount Holyoke, qui se présente comme « une faculté de beaux-arts pour femmes » a maintenant décidé que la pièce n’est pas « suffisamment englobante ».
Bon, elle est entièrement à propos des femmes, n’est-ce pas ?
En fait, il s’avère que non.
Voyez-vous, l’équipe de théâtre des étudiants de Mount Holyoke a banni la pièce du campus parce que, comme elle l’a expliqué, « au fond, le spectacle offre une perspective extrêmement étroite sur ce que signifie être une femme ».
Ou pourrait se dire « Hourrah ! Pourquoi les femmes sont-elles réduites en premier lieu à une partie du corps ? » Les femmes ne se plaignent-elles pas souvent : « Je ne suis pas qu’un morceau de corps » ?
C’est sûr, mais là n’est pas la question. Parce qu’il s’avère que Mount Holyoke bannit cette pièce parce qu’elle exclut les « femmes » qui – je suis désolé mais je ne l’invente pas – n’ont pas de vagin. Oh. Attendez. Quid ?
Un journal applaudit la décision de Mount Holyoke en titrant : « Des facultés vont au-delà de « l’identité de genre » des Monologues du vagin d’Eve Ensler. »
Eve Ensler, l’auteur de la pièce, défend sa pièce en rétorquant : « Je pense qu’il est important de savoir que je n’ai jamais eu l’intention d’écrire une pièce sur ce que signifie être une femme, ce n’est pas l’objet des Monologues du vagin. »
Je suis bien sûr heureux qu’elle ait clarifié cela. Elle et les manifestants des campus catholiques sont en accord sur ce point. Mais maintenant que nous savons que la pièce n’a pas les femmes pour sujet, de quoi parle-t-elle ?
« C’est une pièce, dit Mme Ensler, sur ce que signifie avoir un vagin. » (C’est donc bien à propos d’une partie du corps). « Il n’y est jamais dit, par exemple, que la définition d’une femme est quelqu’un qui a un vagin… Je crois que c’est une importante distinction… Lorsque nous employons un langage, nous devons faire très attention à ce que nous disons. »
C’est sûr. Très, très attention. Parce qu’il est de plus en plus clair de nos jours que tout le monde porte une cible sur son dos, parce que les élites jouent à leur jeu perpétuel de surenchère idéologique ; qui peut exercer sur l’autre une indignation vertueuse vis-à-vis des échecs dans la défense d’une idéologie du genre scrupuleusement exacte. Et comme je ne parviens pas à imaginer une situation dans laquelle on « n’utiliserait pas le langage » – nous pensons avec des mots – je suppose qu’il faut être toujours « très attentif » vis-à-vis de ce que l’on pense. Ainsi que l’avait prédit George Orwell, la « liberté » moderne exige que les gens veuillent toujours être à l’affût des preuves de « crimes de la pensée ».
Ainsi, même si je ne me soucie pas vraiment de ce que fait ou ne fait pas la faculté de Mount Holyoke, pas plus que je ne pense que la culture d’un campus ne doit être jugée sur la base de ce que les étudiants participent ou non aux Monologues du vagin, j’ai deux préoccupations.
La première est simplement que ce qui se perd dans ce désordre provenant de la surenchère langagière est la femme – la vraie femme vivante, avec les besoins spécifiques d’une femme, dont certains sont biologiques. En tant qu’homme, ce n’est pas à moi de le dire, mais je pense que les femmes devraient le faire.
Certes, une femme n’est pas seulement son corps, mais il faut une espèce de gnosticisme radial pour affirmer qu’être une femme – ou un être humain, en l’occurrence – n’a absolument rien à faire avec sa corporéité. Les problèmes de santé des femmes ne sont pas seulement émotionnels, psychologiques ou culturels. Il y intervient également de sérieuses réalités physiques et biologiques.
Personne ne s’inquiète-t-il que certaines personnes puissent à présent envahir un territoire qui appartient bien aux femmes et, en fait, les en écarter ? Par exemple, il n’est pas clair pour moi que quelqu’un comme Bruce/Caitlyn Jenner entreprenne d’apprendre aux femmes en quoi consiste être une femme ; Même si des médias l’ont proclamé « femme de l’année » lorsqu’il a modifié certaines (mais pas tous) des parties de son corps.
Rachel Dolezal n’a pas été autorisée à revendiquer le fait d’être « noire », même si elle se dévoue à la cause de la justice raciale ; mais Bruce Jenner est nommé « femme de l’année » parce qu’il s’est ajouté une paire de faux seins ? On parle bien là de réduire les femmes à des morceaux de corps !
Les femmes perdent un bon demi-litre de sang chaque mois, portent les enfants dans leur utérus pendant neuf mois et accouchent après des heures de travail acharné, et Bruce Jenner est femme de l’année ? J’admets que, moi qui ne suis pas vraiment une lumière, je ne comprends pas cela.
Que vont devenir, dans les années futures, des choses précieuses telles que les sports féminins, la littérature féminine, et les lycées et facultés féminins (comme Mount Holyoke, pour citer un exemple évident) ? Vont-elles disparaître à cause des désirs et des conceptions de certains – je place ce mot très délicatement – hommes ? Les athlètes féminins commencent déjà à percevoir les problèmes potentiels.
Je suis désolé d’être un « émasculé » sur ce point mais cela m’ennuie, même si ce n’est pas complètement mes affaires puisque je suis une personne non-femme.
Il y a quelque chose d’autre qui me gêne. Lorsque les catholiques se plaignaient que Les monologues du vagin violaient leurs principes fondamentaux, on les a condamnés comme hommes des cavernes. « La liberté de l’enseignement » doit être le souverain suprême. Maintenant qu’un groupe a quelque part réussi à aller encore plus à gauche qui n’importe qui d’autre, qu‘est-ce qui est arrivé au slogan de « liberté de l’enseignement » ? N’était-ce qu’un gourdin que quelques-uns ont utilisé de manière cynique pour taper sur la tête de leurs adversaires ?
Pour ma part, je crois vraiment à la « liberté de l’enseignement ». Mais si les gens se convainquent que ce n’est qu’un outil idéologique et non une position de principe, ils deviendront cyniques et, tout comme pour le gamin qui criait « au loup ! », ils ne se rallieront plus à son cri.
Et ça, ça m’ennuie vraiment parce nous avons tous des raisons de veiller sur le dialogue libre et ouvert.
Même si, et c’est bien triste, certains préfèrent les monologues, sauf lorsque cela devient idéologiquement suspect.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/12/07/the-vagina-monologues-are-silenced/
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Randall B. Smith est le titulaire de la chaire Scanlan de théologie à l’Université St Thomas de Houston. Son ouvrage le plus récent, Reading the Sermons of Thomas Aquinas: A Beginner’s Guide, est maintenant disponible chez Amazon et chez Emmaus Academic Press.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Monologues_du_vagin
http://www.femmeactuelle.fr/culture/actu-expos-spectacles/les-monologues-du-vagin-1043216/critique-des-monologues-du-vagin-00510
Pour aller plus loin :
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