La photo est éloquente à elle seule. Elles sont une soixantaine de mamans, pour la plupart voilées, manifestant dans un quartier réputé difficile de Montpellier en faveur de la mixité scolaire et d’un plus haut niveau d’excellence pour leurs enfants. Elles bloquent la circulation d’un tramway, pour mieux interpeller Philippe Saurel, le maire de la ville. Comment interpréter cette scène, alors que fait rage la contestation de la réforme du collège proposée par Mme Vallaud-Belkacem ? Tout d’abord, il y a le refus du quartier ghetto et a fortiori de l’école ghetto. C’est le contraire du repli communautariste sur une identité d’origine. On veut que les enfants se mêlent aux enfants d’autres origines et sans aucun doute d’abord à ceux que Pierre Bourdieu aurait appelé « les héritiers ». À cette différence près que pour le sociologue cette appellation était péjorative et que pour les mamans montpelliéraines il y a tout avantage à côtoyer les héritiers de tout un passé culturel.
Seconde remarque : la réclamation de plus d’excellence va à l’encontre de ce qu’on appelle nivellement par le bas. Les mamans ne rêvent que de promotion pour leurs enfants et n’entendent pas qu’on leur réserve une éducation au rabais. Elles veulent une participation plénière au patrimoine des héritiers. Se sont-elles renseignées sur les projet de réforme concertés à Paris ? Je n’en sais rien, mais parmi les multiples manifestations actuelles à propos du devenir de l’école, on ferait bien de prendre en compte leur revendication et d’en discerner la signification. Il me semble qu’elles adhèreraient assez aisément au contenu d’une tribune de Jacques Julliard dans Le Monde d’hier : « L’excellence n’est pas de droite parce que tout républicain, tout socialiste, est persuadé que les distinctions sociales doivent se fonder sur le talent et sur le mérite plutôt que sur l’argent. La haine de la distinction intellectuelle est le fondement le plus sûr de la distinction sociale. » C’est cette dernière phrase qu’il convient de mettre en exergue. Les mamans de Montpellier plaident non pas pour un égalitarisme niveleur mais pour la promotion que permet la distinction intellectuelle. Elles sont tout à fait les bienvenues dans notre beau débat national.
