C’est comme s’ils nous voyaient pour la première fois. [cet article a paru suite à l’affaire Chick-fil-A. Dan Cathy, PDG de la chaîne de restauration rapide ayant révélé à un journaliste qu’il était pour le mariage traditionnel, un mot d’ordre de boycott a été lancé. Deux anciens candidats à la présidentielle, Mike Huckabee et Rick Santorum ont alors lancé un contre-boycott, appelant à aller manger chez Chick-fil-A le 1er août.]] Ils ont entendu parler de nous. Ils ont bien assez parlé de nous. Ils nous psychanalysent. Ils se moquent de nous. Mais ils ne nous avaient jamais vraiment vus.
Peut-être croyaient-ils que nous étions une survivance du passé, des arriérés grinçant des dents, de drôles d’oiseaux vivant au bord de routes poussiéreuses, de dangereuses créatures vivant dans des marais infestés de malaria.
Ils savent que nous pouvons influer sur les élections, même celles sur le mariage, et cela même dans les États libéraux. C’est une énigme pour eux car ils n’ont certainement jamais vu aucun d’entre nous dans l’Upper West Side de Manhattan ou les collines d’Hollywood.
Mais ils nous ont vus la semaine dernière, en files par millions, attendant parfois des heures pour acheter des sandwichs au poulet. Nous avons célébré cette journée de façon joyeuse, tranquille et respectueuse — et cela les a paniqués. Rachel Held Evans est une blogueuse chrétienne de gauche.
Elle a écrit :
Des images de files d’attente serpentant devant l’entrée des restaurants, des railleries et des huées sur Facebook, des conversations éplorées avec des amis homosexuels, des tentatives ratées pour tenter de comprendre et d’expliquer les deux camps… Soudain, ma religion me devient complètement étrangère, mesquine, insignifiante et réactive. Ma foi a perdu ses repères. Je n’ai plus envie de prier, même pas pour la maman qui me supplie de le faire pour son fils homo qui a juré hier de ne plus remettre les pieds dans une église.
Je reste suspendue par les extrémités de mes doigts ruisselants de sueur à cette saillie de la foi, me demandant si lâcher prise me mènera à la liberté ou à la mort. J’ai tenu bon précédemment : lors des guerres de la science, la guerre du gender, la guerre de Noël, la guerre des cultures — mais je suis si lasse de me battre, si lasse de me sentir déphasée.
Son billet a été commenté 290 fois avant qu’elle ne ferme les commentaires. Et la plupart partageaient son opinion : en plus d’une dramatisation excessive, de l’incompréhension, du découragement, un sentiment de défaite.
Est-ce que c’était la première fois qu’ils nous voyaient ? Je pense vraiment que c’était la première fois qu’ils nous voyaient en masse (en français dans le texte), au moins sur la question du mariage. Ils avaient eu connaissance de nos effectifs auparavant en voyant le résultat des élections, ou avaient eu des rumeurs sur notre nombre mais ils ne nous avaient jamais contemplés de leurs yeux incrédules.
L’un d’entre eux a écrit :
Le contrecoup d’hier m’a laissé paralysé et presque sans espoir. Je ne peux pas me rappeler un moment de ma vie où je me suis senti aussi profondément peiné et blessé. Je pense avoir marché vingt miles durant les dernières vingt-quatre heures, cherchant à retrouver ma paix intérieure
Leur vague à l’âme mène parfois à des choses bizarres et même folles. Qui n’a pas vu la vidéo du type réprimandant la fille de Chick-fil-A réglant la circulation sur le parking. Sa voix a des accents de panique en raison de ce qu’il voit. Au fond, il est en pays étranger. Comme tant d’autres, il est habitué à donner de la voix pour défendre le mariage homosexuel et tous ces chrétiens ne sont-ils pas des fanatiques haineux ? Personne ne le contredit car la plupart des gens sont habitués à se taire.
Et il y a eu ensuite le journaliste Mark Krzos de Fort Myers, News-Press, qui a écrit sur Facebook :
Je ne me suis jamais senti aussi étranger dans mon propre pays que je l’ai été en assurant aujourd’hui la couverture de l’action des partisans du restaurant. Le niveau de haine, de peur infondée, de gens mal informés rend infiniment triste. Je ne peux même pas publier certaines des choses que disent les gens.
Son article a pris ses distances par rapport à son commentaire sur Facebook et sa page Facebook a rapidement perdu du terrain.
Il est très douteux que Krzos ait rencontré qui que ce soit ayant tenu des propos qu’il ne puisse publier. Selon un homologue de l’autre camp, c’est nous qui sommes un ramassis de canaille vulgaire. Nombre d’entre nous l’entendent d’amis ou même de membres de leur famille. « Pourquoi détestez-vous autant les homosexuels ? » « Je suis lasse de tant de sectarisme. » Et cela à longueur de journée.
C’est un discours assommant et cela montre la faiblesse intellectuelle du camp adverse. Ainsi que le savent ceux qui ont passé du temps dans les longues files d’attente, c’était une journée pleine d’un profond respect. Les gens restaient sur le côté et laissaient les religieuses et les soldats monter au front. C’était un rassemblement paisible.
Notre camp a l’habitude d’être chahuté sur cette question. Même ainsi, nous gagnons élection après élection sur la question du mariage (32 à 0 sur les élections à l’échelle de l’État). Nous avons gagné même dans un État aussi libéral que la Californie. Nous avons gagné même quand le scrutin avait lieu lors des primaires démocrates. Les sondages nous affichent perdants parce que les gens ont peur d’exprimer leur avis, surtout devant des étrangers et parfois même devant leurs familles et amis. Mais une fois dans l’isoloir, nous gagnons toujours.
C’est pourquoi cet événement est important. Nous sommes sortis en masse. Nous sommes sortis par millions et nous avons voté avec nos pépettes et nos assiettes. Des gens normaux. Pas des fanatiques haineux. C’était une quadruple victoire. Premièrement, nous avons gagné. Deuxièmement, ils ont perdu. Troisièmement, ils savent qu’ils ont perdu. Et quatrièmement, pour la première fois, ils ont découvert qui nous sommes.
Plus important peut-être encore, non seulement ils nous ont vu pour la première fois mais nous nous sommes vus entre nous. Pensez-y : cette question peut être mise à l’écart, dans le monde du travail, dans la culture populaire, dans le milieu relationnel et même dans la famille.
Nos opposants veulent qu’il en soit ainsi. Ils nous veulent solitaires, isolés et vaincus. Ils jouent sur l’argument de l’inéluctabilité et cela a presque réussi. Mais cette semaine, la donne a changé. Nous n’étions pas si seuls que ça, n’est-ce pas ? Nous étions très nombreux, n’était-ce pas phénoménal ? Ne nous sommes-nous pas souri timidement dans les files d’attente, comme si nous partagions un secret ? Eh bien, il n’y a plus de secret.
Qui aurait cru que le slogan « mangez plus de poulet » deviendrait un mot de passe et le cri de ralliement de la civilisation occidentale ?
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Austin Ruse est le président du Catholic Family & Human Rights Institute (institut pour les droits de l’homme et de la famille catholique) basé à New-York et Washington, un institut de recherche qui se consacre uniquement à la politique sociale internationale. Les opinions exprimées ici engagent uniquement leur auteur et ne reflètent pas forcément les positions du C-FAM.
Illustration : le président et directeur de l’exploitation de Chick-fil-A, Dan Cathy
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-tears-of-the-sexual-left.html
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Photo : Dan Cathy, président de Chick-fil-A’s and COO, chaîne de restauration rapide à base de poulet.