Il faudra, un jour, écrire l’histoire des Journées mondiales de la jeunesse, à partir de leur inspiration initiale, en décrivant leur développement progressif. Jean-Paul II ne fut sûrement pas le seul à en avoir conçu l’idée ou le projet, mais c’est lui qui conféra à l’initiative son originalité et sa force d’entraînement. Il s’agissait d’inviter la jeunesse du monde sur les chemins de la foi, dans une démarche de pèlerinage. Qu’est-ce qu’un pèlerinage, sinon une mise en disponibilité totale de soi-même, pour se consacrer à un face-à-face avec l’unique nécessaire ? C’est aussi une mise en chemin sur un itinéraire qui ménage des étapes successives vers un but, à l’image de la vie spirituelle, et même de la vie tout court. Gabriel Marcel caractérisait l’existence humaine comme pérégrinante. Mais dans ce cas précis, la disponibilité de l’esprit met à distance les soucis secondaires pour tout mettre en perspective. Et c’est particulièrement important à l’aube de l’entrée dans l’âge adulte. Que sera ma vie ? Comment sera-t-elle éclairée ? Quelles décisions fondamentales pourrais-je prendre pour qu’elle ait un sens ? Un sens qui ne se limite pas à mes seules aspirations personnelles, car il englobe aussi mes proches, la famille que je fonderai et les responsabilités civiques qui seront les miennes. Tout cela sous le regard d’un Dieu qui me sollicite au plus intime de moi-même.
On a pu reprocher aux JMJ de s’apparenter aux manifestations festives dans l’esprit du temps, celles qu’un Philippe Muray avait dénoncées avec une verve et une pertinence remarquables. Lui-même, d’ailleurs, ainsi que le regretté Maurice Dantec ont pu égratigner certains aspects des JMJ, qui leur paraissaient trop ressembler aux dérives de l’Homo festivus. Mais il faut avoir participé soi-même à ces Journées pour comprendre que leur esprit est complètement différent du divertissement où les modernes s’étourdissent pour se mieux oublier. Il y a d’abord l’aspect ascétique du pèlerinage qui suppose le dépouillement pour se libérer de ce qui n’est pas essentiel. Il y a aussi l’entrée dans la prière liturgique qui scande le temps. Il y a même l’exercice du chemin de Croix qui renvoie au cœur rédempteur du mystère chrétien.
Depuis leurs origines, les JMJ n’ont cessé d’approfondir et de perfectionner leur mode d’exercice. Très vite, l’enseignement des catéchèses y a pris une importance centrale, et la veillée de conclusion se termine désormais par l’adoration du Saint-Sacrement, qui a finalement remplacé des représentations scéniques trop insatisfaisantes. Les Journées mondiales de la jeunesse de Cracovie bénéficient de l’expérience engrangée et leur retour à la patrie de saint Jean-Paul II sera significatif à la fois d’un héritage et d’un défi sans cesse renouvelé par le développement des conjonctures historiques. La jeunesse polonaise de 2016 n’est plus celle d’il y a trente ans. Et son évangélisation suppose un surcroît de création apostolique.