La Conférence des évêques de France vient de consacrer une large part de sa récente session à ce qu’on pourrait appeler les retombées du drame de la pédophilie dans l’Église. Il est probable, par ailleurs, que les conclusions de la commission présidée par Jean-Marc Sauvé, lorsqu’elles seront rendues publiques dans quelques mois, vont réalimenter une réflexion intense sur les responsabilités ecclésiales dans la gestion des affaires de crimes sexuels durant les dernières décennies. Certes, il n’y a pas que l’Église à être impliquée dans des scandales qui affectent la société tout entière et qui, semaine après semaine, mettent en cause des secteurs aussi influents que les médias et les milieux intellectuels. Mais en raison de son statut et de sa vocation, l’Église se trouve forcément secouée plus que toute autre institution par des fautes qui l’accablent et semblent fragiliser sa crédibilité. Ce doit être l’occasion de sérieuses mises au point, propres à un ressaisissement pour le corps tout entier, dans sa tête et dans ses membres. L’adage selon lequel « Ecclesia semper purificanda » (l’Église est toujours à purifier) est de ce point de vue d’une actualité brûlante.
Une Église toujours à purifier
À cet adage, certains préfèrent « Ecclesia semper reformanda » (l’Église est toujours à réformer), ce qui peut s’entendre aussi, parce qu’il y a nécessité de révisions structurelles, voire de créations nouvelles pour répondre à des impératifs pratiques. Il y a, par exemple, besoin d’instances indépendantes, notamment à l’échelon national, pour enquêter et sanctionner, là où des relations trop interpersonnelles ne donnent pas la capacité de liberté de jugement nécessaire. Mais certains voudraient aller beaucoup plus loin, jusque dans la refondation totale d’une institution qu’ils estiment obsolète et incapable d’auto-correction. Reprenant à leur compte deux formules du pape François, qu’ils arrangent à leur guise, « cléricalisme » et « synodalité », ils imaginent avoir les clés d’une nouvelle Église dont on se demande en quoi elle pourrait s’inscrire dans la continuité de l’Église voulue par le Christ et qui se définit depuis les origines comme tradition apostolique. On est obligé de tenir bon sur l’autorité spirituelle des successeurs des apôtres, à laquelle rien ne saurait suppléer. Et sûrement pas une synodalité aux contours des plus vagues qui pourrait être le lieu des techniques de manipulation de groupe. N’est-ce pas déjà le saint cardinal Newman, à qui on ne saurait reprocher une méconnaissance des fondements du christianisme, qui affirmait son scepticisme quant à la créativité des commissions ? Aucune d’entre elles ne saurait se substituer à la structure hiérarchique qui s’est imposée dès les apôtres. N’est-ce pas aussi le cardinal de Lubac qui tenait à rappeler cet axiome fondamental : « Tout ébranlement, toute altération ou tout relâchement de la structure essentielle de l’Église suffirait à mettre tout renouveau spirituel en péril.1 »