Que peut-on attendre d’un texte épiscopal sur la politique en période d’intense débat électoral ? Disons que ce n’est pas évident, lorsque nous sommes déjà saturés de discours et que chaque camp surveille ce qui pourrait nuire à ses intérêts et contredire ses convictions. J’avoue, pour ma part, que j’attendais le texte annoncé du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France avec une certaine perplexité, sinon une certaine crainte. Mais lecture faite, ce petit essai sur le sens du politique m’a plutôt intéressé par son habileté supérieure, c’est-à-dire son art d’éviter les chausses-trappes. Ce qui nous est proposé, c’est une réflexion pour nous tirer vers le haut, en évitant les polémiques inutiles et en mettant l’accent sur un essentiel où tous peuvent se retrouver, non pas pour réaliser des consensus improbables mais pour établir un champ de questionnement commun.
Ce que j’ai apprécié aussi c’est un style qui échappe tout autant à la langue de bois qu’à la langue de buis. Je ne sais qui a rédigé le texte, mais il y a une heureuse unité de style, agrémentée de quelques bonnes formules. Par exemple, à propos du débat récurrent sur l’identité, j’ai bien aimé celle-ci : « Plus que d’armure, c’est de charpente que nos contemporains ont besoin pour vivre dans le monde d’aujourd’hui. » L’armure est purement défensive, la charpente s’entend surtout comme une construction intérieure qui permet de dominer les difficultés, en les reconnaissant et en les hiérarchisant.
Une réflexion sur le sens du politique ne se dispense pas de ce qui peut être conflictuel et qui empêche le chrétien de se fondre dans un discours contraire à sa foi. Il s’agit alors de déployer « une liberté intérieure qu’il faut savoir manifester avec le courage de l’Esprit même et surtout si elle est contraire aux discours ambiants et aux prêts-à-porter idéologiques de tous bords ». Comment donner un témoignage de fermeté sans que celle-ci ne devienne jamais « raideur et blocage » ? C’est sans doute du grand art, un art qui rejoint celui-même de la politique qui est celui du compromis sans doute, mais sûrement pas des compromissions qui trahissent les convictions.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 octobre 2016.