Les deux cités - France Catholique
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Les deux cités

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La concomitance de la fête des Rameaux et d’un jour d’élection nationale est peut-être une occasion pour réfléchir aux relations entre ce que saint Augustin appelait les deux cités. Jésus entrant solennellement à Jérusalem ne revendique-t-il pas la royauté ici-bas ? Dans sa grande étude sur Jésus de Nazareth, Joseph Ratzinger n’hésite pas à écrire que Jésus revendique de fait un droit royal. Certes, ce droit est nettement d’ordre messianique : « Jésus ne se fonde pas sur la violence ; il n’engage pas une insurrection militaire contre Rome. Son pouvoir est d’un caractère différent. C’est dans la pauvreté de Dieu, dans la paix de Dieu, qu’il reconnaît l’unique pouvoir qui sauve. » À travers l’histoire, il n’a pas toujours été aisé de reconnaître cette spécificité. Cela est si vrai qu’aujourd’hui encore certains affirment que le christianisme a renoncé aux moyens de la puissance parce qu’il y a été contraint.

Je ne puis rentrer dans les complications historiques qui demanderaient de longs discernements. Le discernement essentiel, c’est l’entrée de Jésus à Jérusalem qui nous l’impose, avec la singularité d’un événement à la fois glorieux et tragique. On croit souvent que c’est la foule unanime de Jérusalem qui acclame d’abord Jésus, puis se renie au point de réclamer sa mort à Pilate. Mais selon Joseph Ratzinger, ce n’est pas exact. L’entrée messianique dans la ville est accompagnée par l’ensemble des amis de Jésus. Mais l’accueil de Jérusalem elle-même est d’une autre nature : « Quand il entra dans Jérusalem, dit Matthieu, toute la ville fut agitée. » (21,10-11) C’est le trouble qu’apporte ce Messie dont on ne sait pas clairement si son royaume est vraiment de ce monde.

Quelle leçon en tirer pour aujourd’hui ? Oui, le royaume messianique et eschatologique est toujours en marche. Mais il se distingue de la cité d’ici-bas. N’empêche que cette distinction n’implique pas séparation. Le Christ continue à nous troubler, parce que la charte des béatitudes implique un autre regard sur la cité, parce qu’une puissance de transformation intérieure est à l’œuvre pour changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. Ce n’est pas rien que l’entrée du Christ dans la ville. Nous le savons avec la Semaine sainte. C’est toute la dramatique humaine qui se trouve désormais aux prises avec la dramatique divine.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 mars 2015.