On a beau être blindé, j’avoue que l’éditorial de Laurent Joffrin dans Libération d’hier m’a un peu estomaqué. Je cite : « Il y a désormais en France un catholicisme politique, activiste et agressif, qui fait pendant à l’islam politique. Le révérend père Fillon s’en fait le prêcheur mélancolique. D’ici à ce qu’il devienne une sorte de Tariq Ramadan des sacristies, il n’y a qu’un pas. Avant de retourner à leurs querelles de boutiques rose ou rouge, les progressistes doivent y réfléchir à deux fois. Sinon, la messe est dite. » J’ai beau lire et relire, je ne parviens pas à trouver une once de bon sens dans cette prose vindicative. Quoi qu’on pense de François Fillon, l’imaginer comme pendant catholique de Tariq Ramadan, non ce n’est vraiment pas possible !
Fort heureusement, nous autres catholiques sommes particulièrement attachés à la séparation des domaines et à la distinction des ordres pascaliens. Et Fillon, pas plus qu’un autre, n’est disposé à mélanger les rôles. Mais il est vrai que curieusement le débat, ces dernières heures, s’est brusquement tourné vers le domaine religieux, et Alain Juppé n’y est pas pour rien. Il a mis en cause les convictions traditionalistes de son concurrent en se réclamant pour lui-même du patronage du pape François. Cela était d’autant plus violent qu’il concentrait son attaque sur la question de l’avortement, au moment même où le Pape réitérait dans sa lettre apostolique Misericordia et Misera la conviction de l’Église sur ce sujet sensible : « L’avortement est un péché grave, parce qu’il met fin à une vie innocente. »
Le fait que le Pape autorise les prêtres à pardonner ce péché grave, comme ministre du sacrement de réconciliation, sans recourir à une permission spéciale, n’est nullement une preuve de laxisme. C’est au contraire, le signe de l’importance pastorale que le Pape accorde à cette blessure intime de nos sociétés, qu’il s’agit de soigner sans retard. Mais qu’on laisse au Pape ce qui revient au Pape et aux politiques la tâche qui leur est dévolue. Nous ne gagnerons rien à l’hystérisation du débat. Les défis actuels sont suffisamment sérieux pour qu’on vienne les brouiller avec d’étranges obsessions.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 novembre 2016.
Pour aller plus loin :
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