Les « démocrates Reagan » catholiques sont-ils encore une force politique ? - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Les « démocrates Reagan » catholiques sont-ils encore une force politique ?

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Les prétendants à la candidature républicaine pour les présidentielles ont proclamé qu’ils sont en position de vaincre en novembre parce que les démocrates Reagan se rallieront à eux. Ils peuvent avoir raison quant à leur appel à ce groupe d’électeurs qui sont pour la plupart catholiques. Mais la question clé est : ces électeurs peuvent-ils provoquer un revirement dans l’issue des élections ?

La première fois que les démocrates catholiques mécontents sont apparus sur le radar politique, c’était en 1965. Cette année-là le Parti conservateur à New York , fondé en 1962 par deux catholiques irlandais, a appuyé pour la mairie la candidature de William F. Buckley contre le démocrate Abe Bearne et le candidat républicain John V. Lindsay. Il s’agissait pour Buckley en fait de stopper le très libéral Lindsay, un ancien de Yale, en recueillant les votes des Républicains ultra-conservateurs de Manhattan.

Lindsay triompha parce que la plupart des votes de Buckley (tout de même un bon 340.000) venaient des quartiers catholiques blancs, ethniques – et non du propre territoire de Buckley, le côté Upper East. Les vétérans de la Deuxième guerre mondiale, pour beaucoup des démocrates depuis toujours, avaient déserté leur parti à cause de sa dérive à gauche.

Richard Nixon saisit la signification de ce vote Buckley. A la recherche d’un come back politique en 1958, Nixon partageait l’avis de son jeune conseiller politique, Kevin Phillips, selon qui la puissance d’attraction de Buckley avait reposé sur des questions culturelles.

Le remuant ghetto noir affecta les syndicats catholiques et les quartiers ; l’augmentation des impôts pour une aide sociale qui ne cessait de s’accroître pesait sur les petits propriétaires ; l’élévation de la moyenne des crimes mettait en danger les vies des cols bleus et de la classe moyenne.
Plus que tout autre groupe religieux du Nord-Est, les Catholiques habitaient une « zone de combat » socio-économique confrontée au Parti démocrate, qui faisait face à un dilemme : renonce à son orientation croissante vers une idéologie libérale ou risquer d’aliéner son groupe le plus important formé par ses supporteurs depuis toujours.

Les catholiques de New York n’étaient pas seuls à se méfier des techniciens sociaux qui dominaient le Parti démocrate. Les catholiques ethniques à Boston, Chicago, Philadelphie, Soranton, St. Louis, et les banlieues en extension rapide étaient irrités par plusieurs des programmes sociaux de la Grande Société. Et tandis que la plupart d’entre eux continuaient à être enregistrés comme démocrates, les études montraient que leur loyauté faiblissait parce qu’ils ne sentaient plus que c’était leurs intérêts que leur parti avait à cœur.

La tendance devient tout à fait évidente lors de la réélection du président Nixon. Au fur et à mesure qu’arrivaient les résultats de l’élection 1972, on ne pouvait plus douter que la coalition démocrate forgée par Franklin Roosevelt s’était désintégrée. Nixon battit George McGovern, emportant quarante-neuf Etats et recueillant 60% des votes nationaux.

Nixon fut le premier Républicain à bénéficier d’une majorité de votes catholiques : Polonais à Detroit, Pittsburgh, Buffalo et Lackawanna ; Italiens à Philadelphie, Boston et Chicago ; Irlandais à New York et Boston ; Allemands à St.Paul et Milwaukee, à une majorité écrasante, soutinrent Nixon.
Un démocrate italo-américain à New York, Mario Cuorno, étudiant le naufrage électoral, conclut à juste titre que McGovern avait éloigné le col bleu catholique, «  qui se sentait aliéné par un nouveau Parti démocrate dont il avait l’impression qu’il n’était pas compris et qu’il n’avait plus de rapport avec lui. »

Huit ans plus tard, ces « Démocrates Nixon » devinrent « les Démocrates Reagan ». Marchant contre le président Carter, Reagan insista sur « le travail, la famille, le voisinage, la paix et la liberté ». Il dit aux électeurs catholiques :

« Le secret est que quand la Gauche a mis la main sur le Parti démocrate, nous, nous avons mis la main sur le Parti républicain. Nous avons fait du Parti républicain le Parti du peuple travailleur, de la famille, du voisinage, de la défense de la liberté et, oui, du drapeau américain et de l’engagement d’allégeance à une nation sous la conduite de Dieu Ainsi, vous voyez, le parti avec lequel tant d’entre nous ont grandi existe encore, sinon qu’aujourd’hui il est appelé le Parti Républicain. »

Reagan emporta le vote catholique à 49% pour 42% à Carter (le candidat indépendant John Anderson reçut 7%) et la décennie 1980 fut l’apogée du pouvoir électoral des « démocrates Reagan » catholiques.

Depuis, cela a été en constant déclin.

A la fin de la Deuxième guerre mondiale il y avait 16.100.000 soldats US, dont 30% étaient catholiques. En mai 2015, 90% d’entre eux étaient morts. Le reste, 1.700.000 mouraient à 1000 par jour en moyenne. La projection du département des Anciens combattants est que le 30 septembre 2017, ce nombre tombera à 500.000.

Mon père est un « démocrate Reagan » classique. Il est entré dans les marines en 1944 à 17 ans, a été blessé dans le Pacifique Sud, est revenu chez lui pour travailler comme docker sur les appontements de Brooklyn jusqu’à son adhésion au NYPD [New York City Police Department] en 1953. Mon père qui, si Dieu veut, aura 89 ans en mai, fait partie des jeunes vétérans de la Seconde guerre mondiale.

La chute rapide du nombre des vétérans de la Seconde guerre mondiale aide à expliquer en partie pourquoi d’anciens Etats qui influençaient les élections présidentielles – New York, Pennsylvanie, New Jersey – sont devenus des états profondément bleus. Trente ans après la réélection écrasante de Reagan en 1984 (il remporta 49 Etats, comme Nixon en 72), beaucoup de ses supporters catholiques ont maintenant atteint ou dépassé 90 ans et sont partis pour la Floride, ou sont partis pour toucher leur récompense céleste.

Tout simplement les « démocrates Reagan » catholiques ne sont plus un groupe d’électeurs significatif. Et, c’est bien triste, beaucoup des enfants et petits-enfants de la « Grande Génération » sont des catholiques de cafeteria.

Comme le sociologue Charles Murray le faisait remarquer dans son ouvrage incisif Coming Apart, le reste des cols bleus catholiques qui résident dans les villes industrielles autrefois bouillonnantes, ne sont plus « soudés, orientés vers la famille, durs à la tâche, durs au combat », ce qui est dû au déclin de l’influence de l’Eglise et au triomphe de la contre-culture.

Le Parti républicain doit cesser de vivre sur le passé reaganien et reconnaître qu’il doit faire grandir sa base. Selon moi, son avenir dépend de l’attraction qu’il exercera sur les catholiques hispaniques, dont beaucoup sont socialement conservateurs, viennent de familles soudées, vont régulièrement à l’église et possèdent un esprit d’entreprise.

C’est à ses périls que le Great Old Party [Le Parti Républicain] ignore ce conseil, spécialement s’il choisit pour son candidat à la présidence quelqu’un qui réellement aliène les Hispaniques, ce qui fera prendre au Parti le chemin qu’ont pris les Whigs.

Jeudi 10 mars 2016

https://www.thecatholicthing.org/2016/03/10/catholic-reagan-democrats-still-a-political-force/