Durant près de trois siècles (30-313), le christianisme fut persécuté. La foi au Christ se développa par l’évangélisation et la charité, lentement, péniblement, le « Messie crucifié » étant en butte à la contradiction. Au contraire, l’islam fut conquérant et violent « depuis le commencement » (Jn 8, 44). Mahomet, chef de guerre, fit massacrer plus de 600 Juifs Banu Qurayza à la bataille du Fossé en 627. Durant sa vie commença la conquête de la Terre sainte. Jérusalem tomba en 638, six ans après sa mort. 1 500 km séparent pourtant Jérusalem de La Mecque.
Repousser les Sarrasins
La croisade s’inscrit avant tout dans un contexte de légitime défense et de reconquête des territoires perdus après l’agression arabe. Prétendre que les chrétiens auraient attaqué les premiers par vil esprit de conquête est faux. À ce compte-là, la France aurait dû renoncer à récupérer sur l’Allemagne l’Alsace-Moselle perdue entre 1870 et 1918. L’unique différence qui rend moins palpable la légitime défense repose sur l’écart temporel séparant la chute de Jérusalem de sa délivrance en 1099, soit 461 ans. Mais la Grèce mit 476 ans pour se libérer de l’envahisseur musulman (1354-1830), la Serbie 489 ans (1389-1878), la Roumanie 467 ans (Valachie 1461-1878).
Pourquoi un tel délai ? Si, un siècle après la mort du Christ, les chrétiens étaient dans les arènes de Rome ou de Lyon jetés aux fauves, un siècle après la mort de Mahomet à La Mecque (732), les Arabes étaient à Poitiers, soit près de 7 900 km ! Avant de songer à libérer Jérusalem, encore fallait-il repousser les Sarrasins d’Occident. S’ils furent rapidement boutés hors de France par Charles Martel dont l’épée retrouvée à Sainte-Catherine de Fierbois par sainte Jeanne d’Arc servit contre un autre envahisseur, cette reconquista mit un temps conséquent en Espagne – 722-1212 puis 1492 pour Grenade –, plus bref en Sicile et Calabre – raids arabes dès 652, mais soumission de 827 à 1091.
En 1095, quatre ans après que l’Italie fut débarrassée des Arabes par les chevaliers normands, le pape Urbain II voulut aller plus loin, jusqu’au tombeau vide du Christ, relique de sa Résurrection. Entre-temps, le mythique pacte d’Omar, prétendument bienveillant aux sujets de seconde zone, avait montré ses illusions de protection, quand le calife fatimide d’Égypte Al-Hakim détruisit le Saint-Sépulcre en 1009, puis que les Turcs seldjoukides interdirent les pèlerinages après avoir pris Jérusalem en 1071.
Avoué du Saint-Sépulcre
Urbain II prêcha en 1095, au concile de Clermont, un pèlerinage pénitentiel armé. Après avoir pacifié le royaume de France par la paix et la trêve de Dieu, l’Église incitait aussi les nobles, s’ils ne pouvaient réfréner leur ardeur guerrière, à en faire meilleur usage. L’empereur de Constantinople Alexis Ier avait sollicité en mars l’aide occidentale contre les Turcs pour récupérer ses territoires d’Asie mineure. Aux cris de « Dieu le veut ! », une foule immense répondit à l’appel. Jérusalem fut reprise le 15 juillet 1099. Les sources arabes contemporaines ne mentionnent pas plus de massacres qu’habituellement quand une ville refusait la reddition. Godefroy de Bouillon ne voulut pas s’appeler roi mais avoué du Saint-Sépulcre ni porter couronne là où le Christ n’avait ceint que des épines.