Les cieux proclament la gloire de Dieu - France Catholique
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La justice de Dieu
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Les cieux proclament la gloire de Dieu

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Ce titre est le célèbre premier verset du psaume 19. Il exprime un beau sentiment qui pose une question grave : Les cieux révèlent- ils vraiment la gloire de Dieu ? Le sens – est-ce quelque chose dans le monde  à l’extérieur de nous-mêmes? ou bien le sens est-il simplement quelque chose qui est en moi- quelque chose que je crée dans mon esprit, une sorte de vernis mental dont je recouvre le monde plutôt qu’un souffle d’air frais que je reçois de lui.

Depuis l’époque de Descartes, les intellectuels occidentaux ont passé beaucoup de temps à retourner cette question dans leur tête pour essayer de découvrir une solution. Qu’il y ait vraiment un monde à l’extérieur de soi est l’une de ces questions que Descartes nous a léguées- la réalité extérieure à nos esprits étant une de ces choses qui ont été consommées par « le doute méthodique » de Descartes. Du point de vue cartésien, nous sommes fondamentalement « des choses qui pensent », pour qui la seule chose, peut-être, dont nous puissions être sûrs, est que nous existons. (« Je pense, donc je suis »)

Avant Descartes, « connaître » signifiait mettre nos esprits en accord avec la réalité.

Après Descartes, ce que nous savons n’est que le contenu de nos pensées, non la réalité elle-même. Ce qui ne peut se réduire à des idées claires et distinctes n’est plus considéré comme digne d’attention rationnelle. En conséquence, non seulement « la foi » a souvent été réduite à rien moins qu’à un « acte » romantique de volonté, mais même le type de connaissance qui avait été considéré comme le sommet de la vie intellectuelle par des philosophes, tels que Platon et Aristote, à savoir la contemplation, fut réduit à une façon sophistiquée de se regarder le nombril.

Que pourrions-nous sérieusement contempler d’autre que nous-mêmes avec notre esprit, et en particulier, nos propres pensées ? Débarrassez-vous du corps et allez directement à la pureté de la pensée. Le petit « doute » de Descartes concernant l’existence de son propre corps a eu pour conséquence naturelle l’exaltation de la modernité sous différentes formes d’ersatz de mysticisme oriental.

Pire encore, nous avons une génération toute entière de jeunes adultes qui sont certains qu’ils ne peuvent   « rien savoir »- spécialement concernant ce qui est moralement bon : ce qui est bien ou mal. Pour beaucoup de gens, « la connaissance » n’est pas un processus qui amènerait leur esprit à une compréhension plus profonde d’une réalité  extérieure à eux-mêmes, dans le monde, un processus qui exige du temps et de la discipline, qui nécessite des compétences qui doivent être améliorées et développées. C’est plutôt, simplement, un processus qui consiste à nommer les choses d’une telle manière qu’elles soient plus facilement sujettes à satisfaire les désirs d’une personne. La réalité, vue sous cet angle, n’est pas quelque chose qui nous forme; elle est simplement devenue matière à être formée par nous.

On peut trouver un exemple évident de ce problème dans les discussions modernes sur la nature du mariage. Présentés comme enseignements de l’Eglise sur la vraie nature du mariage,- une série d’enseignements qui dépend presque entièrement de la raison  plutôt que de la révélation, et de la loi naturelle plutôt que des autorités bibliques, beaucoup de gens répondent ceci : « Pourquoi devrais-je définir le mariage de cette façon ? Si je définis le mariage de cette façon, alors je ne pourrai pas faire ce que je veux .».

Ce n’est pas une question d’esayer de découvrir la vraie nature ou le vrai sens des choses- dans ce cas, celui du mariage- c’est une question de savoir comment je peux construire « des significations», de telle sorte que cela me permette d’obtenir ce que je veux du monde.

Le problème, c’est que, à partir du moment où nous avons tous cessé de découvrir la vérité telle qu’elle existe en dehors de nous dans le monde, en nous refugiant dans « la vérité »ou « la signification » que moi seul je crée dans mon esprit, alors, nous ne possédons plus de pierre de touche contre laquelle tester nos pensées. Aussi longtemps que nous construisons tous, simplement « des significations » en accord avec nos propres désirs, alors le langage devient de moins en moins un moyen de « communiquer » (de créer une « communion » avec les autres). Il devient simplement une autre arène pour l’esprit de compétition et le désir de puissance.  « Voilà ce que signifient ces mots, Je veux insister là-dessus ».

S’il n’y a pas dans le monde extérieur une signification intrinsèque que je sois appelé à découvrir et à laquelle je sois appelé à m’accorder, et si le sens est simplement quelque chose que je crée pour moi-même, alors, il ne nous reste plus de langage commun, ni de vraie façon de nous dire les uns aux autres nos préoccupations pour le bien commun. Tout doit sur le champ être formulé dans le langage de la « liberté » et de « l’autonomie ».

Le problème est que la liberté autonome séparée de tout souci du bien commun se dégradera nécessairement pour devenir la règle du plus fort sur le plus faible. A un moment donné, les désirs du groupe le plus nombreux et le plus puissant domineront les désirs du groupe le plus petit et le moins puissant des deux. Et quand quelqu’un se met à parler d’un bien « social » et du bien « commun », beaucoup de gens concluent qu’ils sont simplement en train de manipuler le langage à leurs propres fins.

De plus en plus de gens supposent que (et les media alimentent leur cynisme) une fois que vous avez démasqué les mots qui sonnent bien, au fond, un tel langage n’est que l’expression du désir de pouvoir d’un groupe d’individus. Et alors tout ce qu’il nous reste n’est que le langage de l’idéologie : Des gens débitent des slogans, auxquels ils croient à peine, des mots pour humilier, plutôt que pour instruire, pour manipuler plutôt que pour convaincre.

L’autre problème lié au fait que je pense le sens et la valeur comme quelque chose que je crée, plutôt que quelque chose que je découvre, est que, si je choisis de donner de la valeur à quelque chose, alors cela a de la valeur, mais si je ne le fais pas, alors cela peut ne pas avoir de valeur.

Et ainsi, tout aussi facilement que je peux dire : « Cela n’est pas ce que le sexe ou le mariage signifie pour moi – ce ne sont pas mes « valeurs », je peux dire aussi : « Personnellement je n’attache pas de valeur aux forêts anciennes ou aux chouettes tachetées ou au saumon.- je n’y attache pas assez d’importance pour arrêter l’exploitation des forêts ou suspendre mon projet de barrage ».

Si le monde n’a pas de valeur intrinsèque, alors la seule manière de faire en sorte que les gens soient « d’accord avec moi » est de les intimider, pour qu’ils acceptent mes « valeurs ».

Les cieux – et la terre et les corps humains – déclarent-ils la gloire de Dieu ? Le monde a-t-il été imprégné par son Créateur d’une signification intrinsèque, mise là pour que je la découvre ? Ou bien est-ce juste de la « substance » morte – de la matière – qui attend que j’en fasse ce que je veux ?

http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-heavens-declare-the-glory-of-god.html

Illustration : Le Mariage de la Vierge par Pérugin, c. 1502