Y a-t-il en période de guerre une attitude spécifique de l’Église, l’Église dans ses structures institutionnelles, avec ses responsables hiérarchiques ? Bien sûr, les chrétiens en tant que citoyens sont appelés à réfléchir aux situations politiques et aux conflits violents compte tenu de leur différence, différence évangélique. Mais les responsables, parce qu’ils sont indépendants des engagements directs font forcément entendre un langage particulier. Le langage du pape François, dans les circonstances actuelles, n’est pas celui du président Macron. On le voit mal prendre son téléphone pour négocier durement avec Vladimir Poutine comme l’a fait hier le président français.
Certes, il est arrivé pendant la Première Guerre mondiale au pape Benoît XV de tenter un arbitrage en faveur de la suspensions des hostilités, grâce notamment aux liens privilégiés qu’il avait avec l’empereur catholique d’Autriche-Hongrie. Mais il ne pouvait le faire que parce qu’il se situait au-dessus des puissances belligérantes. Lorsque François se rend à l’ambassade russe auprès du Saint-Siège, ou téléphone au président ukrainien Zelinski, c’est en vertu de son autorité spirituelle. Sa réaction c’est de plaider spontanément pour la paix. Ainsi nous sommes dans le paradoxe du croisement entre le spirituel et le temporel qui implique une bonne connaissance du terrain. De ce point de vue, le Saint-Siège s’est toujours caractérisé par son action diplomatique avec un réseau international dont les spécialistes ont souvent reconnu la valeur.
En ce qui concerne particulièrement l’Ukraine, l’implication du religieux dans la conjoncture de la guerre pouvait poser question car l’orthodoxie se trouve divisée, avec une Église reliée au patriarcat de Moscou et une Église qui a été crée sous l’égide du patriarcat de Constantinople. À l’ouest du pays, une forte communauté uniate, rattachée à Rome, compte aussi dans l’équilibre général. Contrairement aux craintes de divisions, c’est un fort sentiment d’unité qui se dégage et montre comment le spirituel peut parer à des désaccords qui auraient été ruineux.