Dans le débat à propos de l’islamo-gauchisme que j’ai commenté depuis lundi, on pourrait se demander si les chrétiens ont leur mot à dire. La question ne peut leur être étrangère, puisqu’il s’agit d’un univers religieux différent du leur, mais qu’ils sont amenés à fréquenter pour beaucoup quotidiennement. Le concile Vatican II, qui s’est voulu d’ouverture et de dialogue, a encouragé dans sa déclaration Nostra ætate une approche bienveillante de l’islam. Mais l’extrême concision du texte ne permettait pas d’envisager la question dans toute sa complexité. Complexité qui est apparue au cours des dernières décennies en raison de la présence forte d’une communauté musulmane dans nos pays de tradition chrétienne mais aussi d’un certain nombre de drames.
On peut remarquer qu’il n’y a pas plein accord entre chrétiens, et particulièrement catholiques, lorsque le sujet est abordé. On pourrait même dire qu’il existe des courants plus ou moins favorables ou méfiants à l’égard d’un dialogue. Le courant le plus favorable se réclame souvent de la figure de Louis Massignon, dont les travaux ont fait autorité et dont l’intérêt pour le mystique Al-Hallaj est significatif d’une volonté de rapprochement par le haut. Mais on lui a opposé qu’il ne s’agissait en l’espèce que d’un cas sans doute exemplaire, mais qui n’était pas significatif du fait musulman dans son ensemble. Et à l’encontre de Massignon, un courant prévenu par les persécutions à l’égard des chrétiens du Proche-Orient met en cause un extrémisme dangereux qui s’est manifesté de nos jours avec le salafisme.
Dans l’affrontement actuel les chrétiens ne sont donc pas neutres, ils ont à prendre partie. Notamment en raison d’une expertise théologique qui leur est propre et devrait être d’un éclairage précieux.