Les Chrétiens de Syrie au service de la Réconciliation. - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Les Chrétiens de Syrie au service de la Réconciliation.

Compte rendu de la conférence de Sa Béatitude Grégoire III, patriarche d'Antioche (Syrie) le 5 novembre à Paris.
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En pèlerinage en Europe, pour promouvoir la paix en Syrie, le Patriarche de l’Eglise grecque melkite catholique, Sa Béatitude Grégoire III Laham
1 a effectué une étape à Paris afin d’inciter les pouvoirs publics français à agir au service de la réconciliation dans son pays et, au-delà, au Proche-Orient. Au cours de son séjour parisien, il a prononcé lundi 5 novembre une conférence sur le thème de la réconciliation à l’Eglise Saint Julien-le-Pauvre de Paris, à l’invitation conjointe de l’œuvre d’Orient et de la communauté paroissiale melkite catholique. Une grande partie des fidèles de St-Julien le Pauvre est originaire de Syrie et a soif de connaître la situation de leur Eglise et sa position dans le conflit syrien.

Non sans un certain humour, le Patriarche a tenu d’abord à se présenter à son public. Mais cette présentation n’était pas une simple déclinaison d’identité. Il a en effet rappelé ses multiples passeports, syrien, libanais, égyptien, jordanien, du Vatican, pour rappeler qu’il est le Patriarche d’une Eglise arabe et pas seulement syrienne, qui s’inscrit depuis plus de 1300 ans dans un contexte musulman. « Nous sommes une Eglise arabe mais non musulmane, une Eglise orientale, mais pas orthodoxe, une Eglise catholique mais pas latine (…) Nous permettons à l’Eglise universelle de respirer avec ses deux poumons ». Cette Eglise arabe vit avec les arabes musulmans, souffre avec eux, espère avec eux. Tel le Fils, elle est au milieu d’eux, et se met à leur service.

Et aujourd’hui servir c’est prêcher, agir pour la réconciliation en Syrie et au Proche-Orient : « ma responsabilité dit Grégoire III, devant Dieu, mes fidèles et mes concitoyens ». D’où ce pèlerinage dans les principales capitales européennes et à Rome que mène le Patriarche melkite, afin de les inciter à agir en ce sens. Toute autre aide notamment militaire, n’a aucun sens si ce n’est perpétuer et intensifier une guerre civile qui a fait déjà des milliers de morts.

Dans ce conflit, les chrétiens ne sont pas armés, ne doivent pas l’être et ne se battent pour aucun camp. Ils n’ont pas de compte à régler avec les uns ou les autres. Bien sur, ils subissent enlèvements, pillages, rackets, assassinats et c’est intolérable. Mais prendre les armes les condamnerait irrémédiablement. Au contraire, ils participent à toutes les démarches d’apaisement ou de réconciliation au niveau local, avec le soutien moral et matériel du Patriarcat et du Saint-Siège. Ils viennent en aide aux blessés, aux réfugiés quelles que soient leur origine ou leur confession. D’ailleurs le Pape Benoît XVI lui-même n’a-t-il pas prêché la réconciliation lors de son voyage au Liban au mois de Septembre ? Une réconciliation pour le Liban, mais aussi pour le Proche-Orient.

Le patriarche Grégoire III s’enflamme ; ce ne sont pas les musulmans qui obèrent l’avenir des chrétiens, c’est la guerre. Sans réconciliation, la paix, la démocratie, la justice, le développement sont des mots vides. Il s’insurge contre les allégations formulées ici ou là dans les médias, qui font des chrétiens et de leurs pasteurs des clients du régime en place ou ses affidés. Il s’élève contre les soupçons de partialité dont on salit la parole des évêques arabes et syriens. Ceux-ci sont en contact permanent avec les prêtres, les moines, les fidèles. Ils ne font qu’exprimer ce que ces derniers leur décrivent et rien de plus.

Il récuse les propos pessimistes qui présentent les chrétiens comme condamnés à disparaître. Leur avenir est en Syrie et nulle part ailleurs. La coexistence avec l’Islam est possible. La démocratie est possible avec les musulmans, la laïcité aussi, une laïcité croyante, car le sécularisme est inacceptable pour les musulmans. Et même s’il faut tenir compte du contexte musulman, il est hors de question que les chrétiens acceptent d’être des citoyens de seconde zone. Bien sur, il y a un danger fondamentaliste qui est largement le fruit de la guerre. Mais l’islam n’est pas un bloc. Et Grégoire III d’évoquer les différents débats et controverses entre responsables ou théologiens musulmans sur la démocratie et l’islam auxquels il lui a été donné d’assister ou de participer, notamment lors de différents colloques. Les positions de l’université Al-Azhar du Caire de ce point de vue lui paraissent d’ailleurs encourageantes.

Mais puisque les Européens s’inquiètent tant de l’islam et des Arabes, ils doivent comprendre que tant que le conflit israélo-palestinien ne sera pas réglé, tant qu’il n’existera pas un Etat palestinien aux côtés d’Israël, le Proche-Orient sera en effervescence. Il faut prendre la mesure du sentiment d’injustice qui nourrit la colère des habitants du Proche-Orient. Sans la résolution de ce conflit, par une paix juste pour toutes les parties, cette région sera en ébullition. Eluder la question palestinienne, c’est y rendre la paix impossible. Il n’y aura pas de vrai Printemps arabe sans justice. Même pour la coexistence avec l’islam en Europe, c’est un élément important. La paix permettra l’éclosion d’un monde musulman réconcilié avec lui-même et réconcilié avec les autres. Dans certaines crispations identitaires en Europe, il y a l’écho lointain d’une fierté blessée.

Face à ce constat quelle feuille de route pour les mois à venir ? D’abord appliquer les dispositions contenues dans l’exhortation apostolique remise aux Evêques catholiques orientaux par le Pape Benoît XVI en septembre dernier à Beyrouth. Celle-ci invite les catholiques orientaux non seulement à travailler ensemble toutes Eglises confondues, mais aussi à poursuivre le dialogue et le travail pastoral avec les orthodoxes grecs ou orientaux. L’œcuménisme doit encore être approfondi au Proche-Orient. Continuer aussi le dialogue avec les musulmans et construire avec eux des sociétés développées économiquement et justes socialement. Profiter de l’année de la foi pour que les Chrétiens témoignent par leur engagement du message et de la lumière de l’Evangile. Enfin avec tous construire une vision de l’avenir. Cette action sera exemplaire pour la Syrie, pour le Proche-Orient et même bien au-delà. Aux chrétiens d’Europe la charge de supporter leurs frères arabes par la prière, par l’aide fraternelle aux réfugiés et à tous ceux qui veulent rester sur leurs terres ancestrales, d’expliquer la situation et les positions des Eglises et des chrétiens en Orient. Comme l’a rappelé Mgr Gollnish directeur général de l’Œuvre d’Orient en conclusion de cette soirée, c’est ce à quoi l’Œuvre avec d’autres s’attache et continuera à s’attacher dans l’avenir.

  1. Sa Béatitude Grégoire III Laham est Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem de l’Eglise grecque melkite catholique. Il est titulaire d’un des trois patriarcats sis à Damas (les deux autres étant le Patriarcat melkite grec orthodoxe et le patriarcat syriaque orthodoxe). Son Eglise est née au XVIII° siècle du ralliement à Rome d’une partie de la hiérarchie orthodoxe grecque et des fidèles du Patriarcat grec orthodoxe d’Antioche. Il a sous sa juridiction les melkites catholiques des trois patriarcats d’Antioche de Jérusalem et d’Alexandrie, soit 2 millions de fidèles, si on prend en compte la diaspora.