Le populisme est redevenu à la mode durant la dernière campagne présidentielle. La radio nationale publique a affirmé que c’était « une des forces les plus importantes dans la politique américaine actuelle. Bernie Sanders et Donald Trump ont tous deux tiré parti de l’exaspération d’envergure contre les élites et l’ordre établi. »
Au long de l’histoire de notre nation, les populistes ont cru que leur façon de vivre était menacée par des forces adverses. L’historien Fréderick Jackson Turner soutient que les programmes populistes s’adressaient au « survivant des pionniers luttant pour adapter les conditions actuelles à ses vieux idéaux. »
Durant le 19e siècle, il y eut encore et encore de telles révoltes politiques – et les ennemis censés menacer les valeurs américaines étaient les immigrants catholiques.
Le bouleversement politique en Europe, dû aux guerres napoléoniennes, et la famine en Irlande ont hâté la migration des catholiques. Entre 1790 et 1820, la population catholique des Etats-Unis a augmenté de 35 000 à 195 000 – et est passée à 318 000 vers 1830. Durant la décennie 1840, quelque 700 000 réfugiés catholiques ont rejoint l’Amérique et en 1850, les catholiques totalisaient 1,6 million, soit 8,4% de la population des Etats-Unis.
Ce rapide changement démographique ne passa pas inaperçu et fit ressortir le côté sombre de beaucoup qui croyaient que « cette invasion barbare » allait détruire l’Amérique.
Dans les années 1820, le mouvement populiste anti-maçonnique, voué à protéger les hommes ordinaires des organisations secrètes engagées à détruire les libertés individuelles, attira les protestants ruraux. L’anti- maçonnerie devint une croisade pour libérer l’Amérique rurale de la domination urbaine.
Les anti-maçonniques dirigèrent surtout leur colère contre les catholiques romains. C’était ironique, étant donné que l’Eglise Catholique est fermement opposée à la franc-maçonnerie. Mais pour les populistes, un franc-maçon, c’était un citadin, et un citadin, c’était un catholique.
Méprisant le président Andrew Jackson parce qu’il acceptait le soutien des catholiques, électeurs de fraîche date, le mouvement anti-maçonnique présenta un candidat à la présidentielle de 1832, l’ancien attorney général des Etats-Unis William Wirt. (NDT : ironie du sort, c’était un ancien franc-maçon.)
La campagne échoua. Wirt siphonna les voix d’Henry Clay, candidat du Whig Party, et Jackson obtint facilement un second mandat qui cimenta le soutien des immigrants catholiques pour le parti Démocrate.
Dans les années 1840, les populistes nativistes, ayant dépeint les catholiques comme des croquemitaines, incitèrent à la violence à New-York, Boston, Philadelphie, Baltimore, Détroit, Cincinnati et Saint-Louis.
Les heurts les plus violents se produisirent à Philadelphie parce que sa population catholique jouxtait une population protestante bien plus nombreuse. En mai 1844, des foules nativistes attaquèrent les quartiers irlandais, incendièrent des églises et un monastère, tuèrent 16 personnes et détruisirent un nombre incalculable de domiciles catholiques.
Une décennie plus tard, un New-Yorkais, Charles Allen, fédéra avec succès les groupes populistes à travers le pays. Ce conglomérat forma le Know-Nothing Party, qui appelait à des lois plus strictes sur l’immigration et à une éviction des catholiques des emplois publics.
Vers 1855, les Know-Nothing se vantaient d’avoir le contrôle du Delaware, de Rhode Island, du Connecticut, du Kentucky, de New-York, du Maryland, de la Californie, de la Pennsylvanie, de la Virginie, de la Géorgie et du Mississippi. Leur plus grande réussite fut le Massachusetts où ils élurent le gouverneur et 377 des 378 députés.
Cependant ils échouèrent à mettre en application leur programme anti-catholique parce que leurs députés non formés n’avaient aucune idée de la façon de gouverner, d’esquisser une législation, de la diriger dans le dédale des commissions d’audition ou de proposer une loi dans l’hémicycle. Dans le Massachusetts, quand les Know-Nothing réussirent à nommer un « comité monastique » pour enquêter sur l’accusation selon laquelle les couvents de femmes étaient des lupanars, ils eurent l’air de pitres quand l’Eglise fit remarquer qu’il n’y avait pas de couvent de femmes dans le Commonwealth.
La mobilisation de bandes violentes, l’incompétence législative, la rhétorique haineuse et grandiloquente commencèrent à sonner le glas du mouvement. Alors que les gens impartiaux prenaient conscience de ces menaces, la Guerre de Sécession débuta, éclipsant jusqu’aux menaces imaginaires de complot papal.
Les ruraux protestants et les citadins catholiques combattirent – et moururent – côte à côte pour sauver l’Union et faire cesser l’esclavage. Cependant, le populisme anti-catholique leva une nouvelle fois son visage hideux durant les dernières décennies du 19e siècle. Cette fois, le mouvement se fédéra derrière l’American Protective Association (association de protection de l’Amérique), fondée en 1887 par Henry Powers, de Clinton, dans l’Iowa, pour « combattre les hordes papistes ».
Dégoûtée par le candidat républicain de 1896, le gouverneur de l’Ohio William McKinley, (il entretenait de bonnes relations avec les catholiques) l’American Protective Association se rallia à William Jennings Bryan, le populiste des prairies du Nebraska.
Bryan, un orateur dynamique qui possédait les qualités rurales et missionnaires d’un prêcheur itinérant évangélique, avait été élevé dans une maisonnée qui voyait les Anglo-Saxons comme la race supérieure.
Il méprisait également l’Amérique urbaine et considérait les villes de l’est comme « le pays de l’ennemi ». Bryan racontait à ses partisans qu’il était « fatigué d’entendre parler de lois faites au bénéfice des hommes qui travaillent dans des magasins ». Quant à l’immigration, il déclara qu’il était opposé à « faire de nos terres le dépotoir des classes criminelles ».
William Jennings Bryan fut largement battu par William McKinley, grâce en grande part au glissement du vote catholique. Nombre de catholiques, bien que restant fidèles à leurs candidats démocrates locaux, désertèrent le camp national parce qu’ils trouvaient McKinley plus sensible à leurs problèmes que le chevalier de la Bible tambourineur populiste Bryan.
La défaite de Bryan pénalisa l’American Protective Association. Le nombre de ses membres déclina rapidement et en 1900 elle n’était plus que l’ombre de ce qu’elle avait été.
Il y eut également des explosions populistes au 20e siècle, conduites par des démagogues politiques comme Huey Long en Louisiane (1893-1935) et George Wallace en Alabama (1919-1998). Ils s’appuyèrent sur les anxiétés politiques et économiques des opprimés.
A notre propre époque, des mouvements populistes menés par des extrémistes irresponsables des deux bouts de l’échiquier politique ont embrassé « la haine comme credo ».
A l’extrême droite, il y a des accusations sans nombre contre « les étrangers dans le pays » – les Hispaniques catholiques, les musulmans moyen-orientaux, les hindous indiens – qui privent les « vrais » Américains de leur travail et de leur juste part du « rêve américain ».
A l’extrême gauche, on trouve les populistes qui condamnent notre république constitutionnelle comme immorale, oppressive et mauvaise et qui dénoncent les catholiques, les protestants et les juifs qui n’approuvent pas leur programme social progressiste comme de déplorables racistes, homophobes, misogynes alarmistes – des irrécupérables.
Les populistes radicaux, qui se délectent de leur propre frénésie, causent du tort parce que leurs campagnes de haine dénaturent gravement les idéaux tenus pour nationaux, et ils affichent ce que l’historien Richard Hofstadter nomme « le style paranoïaque dans la politique américaine », qui consiste en « exagérations enflammées, suspicion et fantasmes de conspirations ».
George J. Marlin, président de l’Aide à l’Eglise en Détresse aux USA, est un rédacteur de The Quotable Fulton Sheen et l’auteur de plusieurs livres.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/10/12/catholics-and-u-s-populist-movements/