« Bienheureux Henri, Ladislas, Polycarpe, Marcellin et Frézal, priez pour nous ! » À partir de ce samedi 22 avril, les catholiques pourront vénérer ces cinq figures méconnues, fusillées durant la Commune de Paris. La cérémonie sera présidée par Son Éminence le cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour la Cause des saints et représentant du pape François. Le premier des béatifiés, le Père Henri Planchat, était prêtre de la congrégation des Religieux de Saint-Vincent-de-Paul. Les quatre autres, les Pères Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu, appartenaient à la congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie et de l’Adoration perpétuelle du Très Saint-Sacrement, dont les membres sont plus souvent appelés picpuciens. Tous les cinq sont morts de manière admirable (lire pages 15 et 16), manifestant des vertus de foi, d’espérance et de charité exceptionnelles. Ils sont considérés comme martyrs.
Le drame
Rappel des faits. Le 26 mai 1871, la Commune de Paris vit ses derniers instants. Depuis cinq jours, les troupes versaillaises ont pénétré dans la capitale, laissant de nombreux cadavres de communards sommairement abattus dans leur sillage. Ces exécutions déclenchent l’application du « décret sur les otages », adopté le 5 avril par les insurgés, qui prévoit que, pour un des leurs assassiné, trois otages seront fusillés sur-le-champ. Ce jour-là donc, 50 d’entre eux, qui étaient incarcérés à la Roquette, sont extraits de leurs geôles et conduits rue Haxo, dans le quartier de Belleville, au quartier général de la Garde nationale. Parmi eux, dix ecclésiastiques, dont les cinq futurs bienheureux, mais aussi trois jésuites : les Pères Olivaint, Caubert et de Bengy, le Père Sabatier, curé de Notre-Dame de Lorette, et un séminariste, Paul Seigneret.
Mémoire explosive
Au-delà de sa dimension spirituelle, à n’en pas douter la plus importante, cette béatification soulève d’importants enjeux historiographiques, voire politiques. En témoignent les formules utilisées par l’Église elle-même pour qualifier ces cinq prêtres, « martyrs à Paris en 1871 », « martyrs de la rue Haxo », ou encore « martyrs en 1871 pendant la Commune de Paris ». Nulle trace, dans les dossiers qui ont été diffusés avant la cérémonie, de l’expression qui pourrait surgir spontanément – « martyrs de la Commune » – comme on parle des martyrs du communisme ou des martyrs du nazisme. Certes, on ne peut exclure qu’il s’agisse là d’une prudence sémantique visant à ne pas raviver l’anticléricalisme virulent de groupes militants parisiens, proches de l’extrême gauche ou des loges, qui, plus d’un siècle et demi plus tard, se veulent les gardiens vigilants d’une Commune idéalisée. « La mémoire de l’événement a été annexée par la gauche ultra, déclarait ainsi le Père Stéphane Mayor, curé de la paroisse Notre-Dame des Otages, dans un entretien récent accordé à Paris Notre-Dame. [Elle] est devenue de facto extrêmement politique. » Et l’on se souvient ici de l’agression perpétrée en mai 2021 contre des pèlerins qui honoraient la mémoire des victimes de la rue Haxo, au cri de « À mort les fachos ! ».