Récemment, le Père Andrew McLean Cummings a publié un article intitulé “Ce que le cardinal Kasper a réellement dit à propos du divorce”. Il tente de justifier l’effort du cardinal à ébranler l’enseignement catholique au sujet de l’inadaptation des catholiques divorcés et remariés à recevoir la sainte communion. Cet enseignement est la base du canon 915 du droit canonique, qui établit les règles des autorités catholiques, et explique que ceux qui s’obstinent dans cette voie de l’adultère, commettent de graves péchés et ne peuvent pas recevoir la sainte communion.
Le Père Cummings écrit :
Le cardinal ne met pas en doute l’état objectivement coupable de ceux qui se sont remariés hors de l’église catholique. Au contraire, il s’interroge sur la responsabilité personnelle de ceux qui se retrouvent dans cette situation… si ces personnes sont subjectivement innocentes, pourquoi ne peuvent-elles pas participer à la vie de l’Eglise ? La réponse est évidente : comment savoir de façon certaine si telle ou telle personne est innocente à cause de son mauvais comportement… Ou comment savoir si ce péché était purement « matériel » ? Si certaines personnes se retrouvent en effet dans une relation adultère indépendamment de leur volonté, quelles qu’elles soient, ces questions ne peuvent certainement pas trouver réponse auprès d’un ministre donnant la communion. Par conséquent, l’admission à l’Eucharistie doit être basée sur des critères objectifs … Le cardinal Kasper soulève la question des individus convaincus de leur innocence, mais il ne poursuit pas dans son raisonnement. Ne souhaitant pas anticiper le travail du Synode des évêques à venir, il ne propose pas d’approche pouvant être adoptée à l’égard de ces personnes. Toutefois, il est clair que c’est l’appui de siècles de pratique pastorale qui pourrait être chamboulé.
Il a tout à fait raison lorsqu’il explique que la pratique pastorale au cours des siècles pourrait être chambouler si l’Eglise devait autoriser un catholique divorcé et remarié, persuadé que ses actes adultères ne sont pas de graves péchés, à pouvoir communier.
Cependant, le refus de la Sainte communion aux personnes divorcées ou remariées n’est pas basé sur l’hypothèse que chaque partie d’une relation adultère est coupable de péché mortel. (Le droit canonique part du principe que nous sommes responsables de nos actes ainsi que de leurs conséquences, à moins que le contraire puisse être démontré). Le refus est basé sur la supposition que ceux qui entrent publiquement dans une union adultère (comme un second mariage civil par exemple), commettent objectivement de graves actes adultères, et blessent ainsi le mystique corps du Christ. Quand ce n’est pas le cas, par exemple un couple qui vit comme frère et sœur en vue du bien d’élever leurs enfants, ils peuvent être admis à la sainte communion après une bonne confession, « offerte » afin que le scandale soit évité.
L’enseignement de l’Eglise à propos de la grave immoralité de l’adultère, l’oblige à protéger la sainteté des sacrements du mariage et de la sainte Eucharistie, en établissant des normes canoniques pour le bien-être spirituel de l’individu vivant dans le péché, et pour le bien commun des fidèles. En d’autres termes : le déni de la sainte communion au pécheur public est un reproche charitable appelant à la conversion, ainsi qu’un fort message à la communauté entière : ne pas tomber dans un tel comportement, grave et immoral.
En 2000, le conseil pontifical pour les textes législatifs a publié une déclaration qui répond à l’argument fondamental du pasteur Cummings : « Ces dernières années, certains auteurs ont soutenu, en utilisant une variété d’arguments, que le canon (915) ne pouvait pas s’appliquer aux fidèles divorcés et remariés.» Ils «offrent diverses interprétations du canon qui exclut de sa mise en pratique les personnes divorcées et remariées. Par exemple, puisque le texte parle de « péché grave », il serait nécessaire d’établir toutes les conditions requises pour qu’il s’agisse d’un péché mortel, y compris celles subjectives, nécessitant un jugement tel, qu’un ministre de la communion ne pourrait pas faire ab externo ».
Le texte de la Déclaration continue ainsi : “Mais l’indignité qui vient d’un état de péché pose également un sérieux problème juridique dans l’Eglise : en effet, le canon du « Code des canons des Eglises orientales » parallèle au 915 de la version latine fait référence au terme « indigne » : « Les personnes publiquement indignes doivent être écartées de la réception de la Divine Eucharistie » (canon 712). En effet, la réception du corps du Christ lorsqu’une personne est publiquement indigne constitue un tort à la communion ecclésiale : c’est un comportement qui affecte les droits de l’Eglise et de tous les fidèles, afin que tous puissent vivre en accord avec les exigences de la communion. Dans le cas concret de l’admission à la communion aux fidèles divorcés et remariés, le scandale, interprété comme une action incitant d’autres dans la mauvaise voie ou à des écarts de conduite, affecte à la fois le sacrement de l’Eucharistie, et celui de l’indissolubilité du mariage. Ce scandale existe bien qu’un tel comportement ne soit malheureusement plus surprenant : effectivement, c’est précisément à cause à la déformation de la conscience qu’il devient de plus en plus nécessaire pour les pasteurs d’agir, avec autant de patience que de fermeté, comme une protection de sainteté des sacrements et une défense de la moralité chrétienne, ainsi que pour la formation correcte des fidèles. »
La conviction subjective d’une personne dans un second mariage adultère n’étant pas coupable de péché mortel, ne peut pas être la base d’un renversement de la discipline canonique de l’Eglise, en ce qui concerne la réception des sacrements. Une telle conviction peut permettre de prendre des décisions proportionnées si l’individu juge son premier mariage invalide, auquel cas le remède est un tribunal ecclésial, qui est le seul à avoir la compétence de confirmer ou nier cette affirmation. S’il considère son premier mariage valide, il ne peut pas alors revendiquer, en toute bonne conscience, croire en la vérité et au lien de la nature au Sixième commandement, et ne pas juger son comportement adultère comme un péché mortel. Il n’y a aucune auto-dérogation aux dix commandements.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/ten-commandments-no-exemptions.html
Le Révérend Gerald E. Murray est curé de la paroisse de la Sainte Famille à New York. Il est spécialiste du droit canonique.