Le vrai sens de Halloween - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le vrai sens de Halloween

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A une époque où le monde et l’Eglise sont en pleine pagaille – et quand en a–t-il été autrement ? – nous devrions peut-être envisager de rester sereins, stables et sages.

Dans un courriel, j’ai reçu un message aberrant représentant Halloween comme une fête satanique, dérivée de la célébration païenne du dieu celtique Samhain [qui marque le passage de la saison claire à la saison sombre] et … de Dieu sait quoi. A mon avis, l’auteur, catholique de nom tout au moins, n’était pas bien informé. La menace païenne à laquelle il faisait allusion ne vient pas d’un autre siècle, mais du nôtre.

En général, aujourd’hui, les catholiques dans nos régions (je ne parle que de celles que je connais) ne sont pas bien informés. Je commence à penser que L’Eglise est peut-être en partie responsable : car si nous suivons un programme plus mondain, le religieux s’éloigne. Halloween en fournit un bon exemple.

En effet, difficile d’imaginer un événement plus catholique. Ce jour est la veille et la vigile de « Tous les saints » ou de la « Toussaint »,1 qui est à son tour suivie par la fête de « tous les fidèles défunts » (et qui avant « l’esprit de Vatican II » était également suivie d’une octave). C’est à sa manière un triduum comprenant l’Enfer, le Paradis et le Purgatoire. La communion des saints est une idée extrêmement catholique. J’aimerais ajouter « chrétienne », mais si nos frères séparés veulent le contester… qui suis-je pour les juger ?

Les morts sont vivants. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est notre croyance « traditionnelle ». L’âme humaine est immortelle : heureusement dans certains cas, malheureusement, dans d’autres. Je me souviens avoir appris dans mon enfance que les calvinistes étaient scandalisés par les catholiques qui « prient pour les morts ». Sans comprendre à l’époque. J’ai pigé plus tard.

C’était l’un de ces étranges petits scrupules qui, même à l’esprit d’un enfant, rendent un son discordant : voilà un humain qui se croit plus savant que Dieu.
Plus tard encore, j’ai saisi le sens de cette contre-doctrine. Si l’existence du purgatoire est niée, Dieu doit immédiatement envoyer chacun au paradis ou en Enfer, et rien de ce que les survivants feront ne pourra les aider de quelque manière que ce soit. C’est décidé une fois pour toutes, et la mère qui « sombrant dans une superstition médiévale » prie pour, disons, son fils mort, devrait être punie de ce péché. En effet, c’est ce que j’ai justement appris d’une mère dans ce cas, dont la « traditionnelle » foi protestante était ébranlée par la cruauté de cette vieille maxime anticatholique.

Réaffirmons donc l’existence du purgatoire. C’est, en tout cas, ce que j’ai pu lui dire. Un Dieu de bonté ne saurait envoyer des créatures en enfer s’il reste un seul moyen de les sauver. Un Dieu de bonté ne saurait ignorer les prières d’une mère pour son fils. Si nous pouvons prier pour et avec les vivants, nous pouvons aussi prier pour et avec les morts. Car les morts sont aussi des vivants.

Et pas seulement sur Terre, et pas seulement au purgatoire. La communion des « vivants et des morts » avec les saints dans le Corps du Christ est au cœur de notre religion. D’où les saintes processions que j’ai pu observer des vivants avec leurs cierges se dirigeant à travers les cimetières, la veille de la Toussaint, vers les tombes de leurs familles, les tombes de leurs ancêtres, les tombes de tous leurs êtres chers. Nous reconnaissons qu’ils sont toujours vivants.

Pour un esprit moderne et « rationnel » qui a connu la Réforme et le siècle des Lumières, et a donc dépassé le stade de l’enseignement chrétien, c’est une superstition ridicule. Les morts sont morts, et aucune coutume désuète ne peut rien y changer. Après une vie de la durée de celle d’un moucheron, nous sommes morts à jamais. (C’est le jour de Halloween, en 1517, que Martin Luther afficha ses fameuses quatre-vingt-quinze thèses [contre l’utilité des prières pour les défunts] à la porte de l’église de Tous les Saints à Wittenberg ; le premier « trick or treat »2, si vous voulez. »

La vie, dans cette optique moderne, post-protestante et post-catholique, n’est qu’un accident de l’évolution ; ni la vie ni la mort ne peuvent avoir un « sens » – au-delà de ce qu’imposent les décrets et les dictats.

Dans un séminaire que j’enseigne, nous étudions des romans. Dans Le Silence de Shusaku Endo, on peut lire le refrain glaçant chanté par des enfants à Nagasaki au début du XVIIe siècle. Des lanternes sont suspendues à l’occasion de la cérémonie d’urabon pour les défunts, un peu comme nos feux follets ; c’est aussi une fête d’action de grâce pour les moissons qui présente d’étranges parallèles avec notre Halloween. Un missionnaire portugais emprisonné entend chanter dans les rues sous sa cellule :

O lanterne, bye-bye-bye,

Si tu lui lances une pierre, ta main se dessèche ;

O lanterne, bye-bye-bye,

Si tu lui lances une pierre, ta main se dessèche.

Le prêtre est frappé par les accents plaintifs des voix des enfants qu’il entend au loin. Une image d’enfants fantômes se forme dans l’esprit du lecteur.
J’ai pensé, par exemple, aux enfants du Mexique invitant les angelitos – tous les enfants morts – à venir jouer avec eux. Aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de penser aux esprits des millions et millions d’enfants morts, sacrifiés dans nos rites carthaginois ultramodernes, aux dieux de la libération sexuelle.

« Quelle réflexion macabre ! » grommelleraient nos ultramodernes. Car notre manière de régler le problème de la mort c’est de ne pas y penser ; et de recourir à la médecine quand elle se profile.

Nous reconnaissons, dans une certaine mesure, que la mort est macabre le soir de Halloween, et avons toujours reconnu dans le rituel chrétien que c’est l’Enfer et non la mort qu’il faut redouter. Pensez à tous les siècles pendant lesquels des enfants qui étaient vraiment désirés mouraient avant de pouvoir grandir ; pendant lesquels de petits corps étaient quotidiennement mis en terre. (Et nous, qui ne tenons pas beaucoup aux enfants, supposons facilement que leurs mères ne pleuraient pas).

On raconte couramment que Halloween provient d’une fête païenne, comme celle du dieu gaélique Samhain – en oubliant peut-être qu’il y avait dans l’ancien monde des peuples qui n’étaient pas celtiques. Nous pourrions de manière tout aussi plausible trouver son origine dans la fête japonaise d’urabon, ou dans la fête chinoise du Double Neuf ou double yang [9e jour du 9e mois lunaire]. Car il n’y a pas, à ma connaissance, de culture qui ne commémore pas les morts ; et la plupart des cérémonies en leur honneur coïncident, assez mystérieusement, avec la moisson.

Nous avons christianisé cette fête et en avons fait une occasion d’enseignement chrétien. Et si Halloween est redevenue païenne à notre époque, eh bien, nous devons la rechristianiser.

Vendredi 31 octobre 2014

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/halloween-a-hallowtide.html


Tableau : Le Jour des Morts par William-Adolphe Bouguereau (1859).

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David Warren qui est un ancien rédacteur du magazine Idler écrit des articles pour le Ottawa Citizen. Il a une vaste expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient. Son blog, Essays in Idleness, peut être visité sur : http://davidwarrenonline.com/